Le contexte international et la guerre en Ukraine laissent planer des inquiétudes sur la dépendance au gaz. En Gironde, le développement du biométhane est en cours, et l'autonomie énergétique visée d'ici 2050.
Le gaz vert sera-t-il la solution ? La question est déjà posée, et le chemin semble jalonné. Alors que les prix de l'énergie flambent, le biométhane est présenté, notamment en Nouvelle-Aquitaine comme la solution écologique au gaz venu de l'étranger. La méthanisation de déchets organiques est reconnue comme une alternative viable à notre dépendance énergétique. Elle ne représente pourtant, à l'heure actuelle, que 1 % de la consommation de gaz des Français. Mais la donne devrait bientôt changer, avec un développement exponentiel ces dernières années.
Du biogaz déjà distribué en Gironde
C'est en 2019 que les premiers méthaniseurs ont fait leur apparition en Gironde. Ils sont aujourd'hui au nombre de neuf, et produisent du biogaz, distribué notamment par Régaz-Bordeaux dans la métropole bordelaise et le Médoc, auprès de 230 000 clients. "Le gaz que nous distribuons vient principalement de Norvège, des Pays-Bas, de l'Algérie, le Nigéria, les Etats-Unis et la Russie", explique Géraldo Alves, directeur de la maîtrise d'ouvrage chez Régaz.
A cette énergie venue de l'étranger, s'ajoute désormais, sous forme de mélange, du gaz girondin. "Ce biogaz représente entre 2 et 20% de la production de gaz, selon la période de l'année. Sur le territoire girondin, on consomme moins de gaz venant de l'étranger pendant l'été".
Une autonomie visée d'ici 2050
Le secteur est en plein développement : deux nouveaux sites devraient ouvrir prochainement à Bègles, à partir des effluents en provenance du réseau d'assainissement de l'agglomération, et à Bassens, où des déchets industriels et agro-alimentaires seront transformés en énergie. Et cela ne devrait pas s'arrêter là. La Nouvelle-Aquitaine vise haut : 30 % du gaz consommé en Nouvelle-Aquitaine devra être produit localement d'ici 2030, et l'autonomie effective est annoncée d'ici 2050.
La région, grand territoire agricole, dispose d'atouts en la matière. Rien qu'à l'échelle de la Gironde, de nombreuses technologies sont en cours de développement pour s'ajouter au biométhane : la pyrogazéification, la méthanation et l'hydrogène viendront bientôt élargir le spectre des "gaz verts" promus par la région. Les arguments des défenseurs du biogaz sont avant tout écologiques.
Le gaz conventionnel émet du dioxyde de carbone lorsqu'il est brûlé. Alors que le biométhane est équilibré : lorsqu'il est brûlé, il rejette du carbone préalablement capté dans les cultures, les boues et les déchets méthanisés. Il n'y a pas d'émission supplémentaire de carbone.
Geraldo Alves, Regaz-BordeauxFrance 3 Aquitaine
"Deux cent poids lourds par jour"
François Brethes est superviseur méthanisation sur l'unité de Pot au Pin, à Cestas. Il a franchi le pas en 2018, en devenant le premier méthaniseur agricole de la Nouvelle-Aquitaine. "Nous avons une très grosse ferme, et comme toute ferme, nous jetons une partie de la production. L’idée, ça a été de méthaniser ces pertes", explique-t-il. François Berthe a opté pour des Cives, des Cultures intermédiaires à vocation énergétique. Des productions de maïs doux ou de seigle, avec de forts rendements en méthanisation, qui représentent aujourd'hui 450 hectares d'exploitation.
"En 2021, nous avons produit 21 662 kwh de biogaz. Cela représente entre 4 000 et 6 000 maisons chauffées au gaz ou 200 poids lourds par jour. Nous sommes aujourd’hui en partenariat avec une station de gaz liquéfié, pour les voitures qui roulent au biogaz", poursuit-il. Ce gaz "écolo" a pourtant un prix :
Le prix d’achat du biogaz avec des CIVE est 25% plus cher que du gaz naturel mais c’est 100% bio et nous faisons tourner les circuits courts.
François BrethesFrance 3 Aquitaine
Des contrôles sur les intrants
Régulièrement, les projets d'installation de méthaniseurs font l'objet d'inquiétudes, voire de contestation, exprimées par les défenseurs de l'environnement ou les riverains des sites. Les craintes portent notamment sur les odeurs nauséabondes et le risque de pollution. "En Nouvelle-Aquitaine et en Gironde particulièrement, on a quand même des unités de méthanisation qui sont à taille humaine, expose Magali Poinsu, directrice de la Responsabilité sociétale de l'entreprise Regaz-Bordeaux. Ce ne sont pas des usines avec du lisier d'élevage comme on peut le voir en Bretagne. Ca ne sent rien, tout est sous bâche".
Quant à la pollution, "tout dépend des intrants utilisés. Si on est sur des cultures végétales, le digestat qui est épandu n'a aucune raison de contenir des métaux lourds. En revanche, si on y ajoute d'autres déchets, et qu'il n'y a ni contrôle ni tri, l'épandage des digestats peut entraîner des problème de pollution", abonde Geraldo Alves, qui se veut rassurant : "pour l'instant sur les sites en activité en Gironde, on connaît les intrants et on les contrôle", assure-t-il.