L'inquiétude des élus face aux projets d'épandage de Suez dans 25 communes de Gironde

L'usine Suez organique de Saint-Selve veut épandre des résidus sur des parcelles réparties dans 25 communes de Gironde. Les maires du Teich et de Gujan-Mestras dénoncent un projet opaque et s'inquiètent du risque de pollution des nappes phréatiques. 

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Le maire du Teich a ouvert la voie. François Deluga a publié un communiqué dans lequel il affirmait son opposition à un projet d'épandage de digestat sur 3 000 hectares, situés dans la forêt de sa commune.

L'élu socialiste  précise  avoir découvert le projet par hasard, "au détour d'une discussion".
 

La maire du Gujan-Mestras, Marie-Hélène des Esgaulx (Divers droite) lui a rapidement emboîté le pas, expliquant sur Twitter craindre la dangerosité de tels résidus et déplorant, à son tour, ne pas avoir été informée par les services de l'Etat. Soixante-sept hectares de sa commune sont visés par le projet.

 



Au total, 7 000 hectares, répartis sur 25 communes de toute la Gironde, sont inclus dans ce projet d'épandage de digestat, de Cussac-Fort-Médoc à Savignac, en passant par Léognan, ou encore les communes du Teich et de Gujan-Mestras. Ainsi il est prévu de l'épandage sur  1 500 hectares à Lanton, ou encore 960 ha à Saint-Jean d'Illac. 

  

Méthanisation à Saint-Selve

De quoi s'agit-il ? Les deux élus municipaux s'opposent à un projet d'épandage en forêt de résidus de méthanisation. Ces digestats proviendront de l'unité de méthanisation de l'usine de Suez Organique à Saint-Selve, dans le sud Gironde. Une filiale de Suez spécialisée dans le traitement des déchets et des boues.


La méthanisation consiste à dégrader de la matière organique dans un milieu dépourvu d'oxygène. En résulte du bio gaz, qui sert notamment de combustible de chauffage, ainsi qu'un résidu : le fameux digestat.

Epandage interdit en forêt ?

C'est ce digestat, régulièrement utilisé en tant qu'engrais fertilisant, qui doit être épandu sur des parcelles agricoles et forestières du département. Et ce alors même que les épandages de boues en forêt ne sont autorisés qu'à titre expérimental, et  uniquement sur décision préfectorale.

"Des effets négatifs sont (...) à craindre comme une modification de la flore du sous bois ou une contamination des sols, des eaux, des champignons par les ETM, CTO et micro-organismes pathogènes", précise l'Ademe,  l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, dans une note en date de 2016.

Dispensé d'évaluation environnementale

Bien qu'il soit prévu d'épandre ce résidu sur une centaine de parcelles girondines, le digestat en provenance de Saint-Selve a été dispensé d'évaluation environnementale.
Une aberration pour François Deluga, qui se souvient des difficultés qu'il a rencontrées lorsqu'il a voulu réhabiliter et dépolluer un site près de la Leyre sur sa commune. "Nous, en tant qu'élus, dès qu'on plante un clou dans un piquet, on nous demande six mois d'enquête!"



Voir le reportage de France 3 Aquitaine

 

Zones inondables et site Natura 2000

Sur les communes du Teich et de Gujan-Mestras, les parcelles concernées sont la propriété de la Caisse des dépôts, et donc de l'Etat.
La décision du préfet de la Gironde précise les autres zones concernées par cet épandage. Parmi elles : cinq parcelles situées sur le Parc naturel régional des Landes de Gascogne, 38 parcelles situées en zones inondables, trois parcelles situées dans le périmètre du site inscrit du Bras de Macau ou encore une autre, située dans la Vallée de Ciron. On y trouve même un site Natura 2000…

 

 

Des boues, des graisses et des effluents de fosse septique

Difficile de connaître la composition  de ce digestat. Ni l'Ademe de Nouvelle-Aquitaine, ni la Chambre d'agriculture de la Gironde ne sont en mesure de le détailler.
Du côté de Suez Environnement, le sujet semble sensible.  La communication des détails par l'entreprise est soumise à une "autorisation", qui, à ce jour, ne nous a pas été accordée.

 

On va y trouver des métaux lourds, des produits chimiques, des antibiotiques

 

Nous avons pourtant eu accès au dossier monté par Suez. La  teneur de ces digestats est la suivante : des boues de stations d'épuration urbaine, des boues issues de fabrication de papier, des effluents de fosses septiques, des boues viticoles, des graisses alimentaires...
De quoi alerter François Deluga. "On va y trouver des métaux lourds, des produits chimiques, des antibiotiques", énumère-t-il.
 


Menace sur les huîtres ?

Le même dossier évoque "un risque de pollution de l'eau en cas de déversement dans un ruisseau ou un fossé". Marie-Hélène des Esgaulx tire aussi la sonnette d'alarme et rappelle qu'en Gironde,  "le niveau des nappes phréatiques est très haut".

Sur sa commune, la soixantaine d'hectares concernés longent un craste, un fossé d'écoulement des eaux qui mène au Bassin d'Arcachon. "Il y a un très fort risque de pollution des eaux du Bassin", s'inquiète la maire de Gujan-Mestras, capitale ostréicole du Bassin.

 
 

Front commun

La fronde des élus Deluga et des Esgaulx pourrait bien faire tâche d'huile. La maire de Gujan a d'ores et déjà fait voter à l'unanimité une délibération par son Conseil municipal et publié un arrêté municipal interdisant tout épandage en forêt. "Le texte part en préfecture, on verra bien ce qu'ils en disent au niveau du contrôle de sa légalité", soupire l'élue.

François Deluga a lui prévu de contacter les maires des 25 communes. Une lettre assortie de la décision du Syndicat mixte du Bassin versant des lacs du Born, qui devrait rendre un avis négatif sur le projet. "Je ne vais rien leur imposer, juste leur donner des arguments pour réfléchir".

Marie-Hélène Des Esgaulx souhaite que le Parc naturel marin du Bassin d'Arcachon, présidé par François Deluga, s'empare du dossier. 

Les deux élus entendent également rencontrer, ensemble, la nouvelle préfète de la Nouvelle-Aquitaine Fabienne Buccio afin d'obtenir "des explications et des assurances pour l'avenir".


De son coté, Suez assure avoir pris "toutes les précautions nécessaires" afin de respecter les milieux protégés. Le projet doit encore faire l'objet d'une enquête publique. Les travaux de l'unité de méthanisation de Saint-Selve ont débuté en octobre 2018 et doivent prendre fin en février 2020.
 
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