Pour anticiper l'arrivée de catastrophes climatiques, la Riviera française sécurise son alimentation en eau potable avec des forages

En réponse à la tempête Alex et aux sécheresses récurrentes dans les Alpes-Maritimes, la Communauté d’agglomération de la Riviera française multiplie les forages pour sécuriser son approvisionnement en eau potable. Quatre projets sont en cours, soutenus par des fonds européens.

Octobre 2020, des pluies diluviennes s’abattent sur la vallée de la Roya. En quelques heures, plus de 500 litres d’eau se déversent sur chaque mètre carré de la zone montagneuse, nichée à la frontière italienne. Il s’agit de la tempête Alex. Son passage est dévastateur.

On se souvient ainsi des routes bloquées, des voitures embourbées et des maisons détruites. Ça, ce sont les conséquences immédiates.

Une eau courante puisée en Italie

Après, il y a eu les coupures d’eau courante. Cela à cause d'une dégradation de l’eau puisée par la Communauté d’agglomération de la Riviera française (CARF), dans la nappe phréatique de la Roya, grâce à un puits de forage situé à Porra, en Italie.

Sylvain Michelet, directeur général des services techniques de la Carf, détaille : "ces soucis d’alimentation étaient dus à une importante baisse du niveau de la nappe phréatique, conséquence d’un mauvais transit de l'eau de la rivière vers la nappe. Cela à cause d’une arrivée massive de matériaux transportés par le cours d'eau ayant colmaté le lit de la rivière."

Pour pallier l'endommagement de ce système, qui permet d'alimenter 60% du territoire de la Carf, Sylvain Michelet raconte que des solutions d’appoint ont dû être trouvées. Mais aucune n’était pérenne.

C’est pourquoi la communauté d’agglomération a lancé des projets de forage sur son territoire, dont les premiers travaux ont débuté en septembre de cette année.

Multiplier les capacités de prélèvement

Un premier puits vient ainsi de naître sur la commune de La Turbie. Après un peu plus de deux mois de travaux, un trou de 350 mètres de profondeur a été creusé, non loin du centre d'entraînement de l'AS Monaco. Place désormais aux analyses de potabilité pour déterminer la qualité de l'eau et la quantité exploitable. Les résultats devraient être connus à la mi-décembre. "Mais on estime pouvoir capter 100 à 110 litres d’eau par seconde", souligne Sylvain Michelet.

Trois autres forages de la même envergure sont également au programme : un dans la commune de Sainte-Agnès et deux à Castillon. L’objectif ? : "multiplier nos capacités de prélèvement pour sécuriser notre approvisionnement en eau potable", résume le directeur général des services techniques de la Carf.

En effet, jusqu’alors, les deux tiers de ce territoire étaient dépendants du champs de captage partagé avec les Italiens, à Porra. Une organisation qui remonte à 1972, quand un accord international est signé, unique en son genre.

On ne construit pas des puits sur notre territoire pour arrêter ce système, mais pour se sécuriser. Je ne le souhaite pas, mais on doit anticiper l'arrivée de catastrophes climatiques, semblables à la tempête Alex.

Sylvain Michelet, directeur général des services de la Carf

à France 3 Côte d'Azur

Construits pour capter des flux d’eau des massifs calcaires, les forages imaginés par la CARF devraient ainsi réduire la pression sur la nappe phréatique de la Roya dont le niveau est en baisse, conséquence du dérèglement climatique.

Pallier les impacts de la sécheresse 

"L’autre objectif, c’est de contrer les impacts de la sécheresse", ajoute le directeur. Le département des Alpes-Maritimes est effectivement, d’année en année, le malheureux théâtre de forts épisodes de sécheresse. Le village de Castillon avait particulièrement été impacté lors de l’été 2022.

Ces forages sont inévitables pour continuer à avoir de l'eau potable dans nos petites communes.

Olivier Chantreau, maire de Castillon

à France 3 Côte d'Azur

"Je me souviendrai toujours de ce 14 juillet 2022. Véolia m’appelle et m’informe que la consommation d’eau a énormément augmenté et que, donc, ma commune aura du mal à passer le week-end…", raconte Olivier Chantreau, le maire de Castillon.

Les habitants n’ont finalement pas manqué d’eau potable. Seulement, pour éviter le contraire, la municipalité a dû recourir à des camions-citernes et à un raccordement temporaire depuis Sospel, une commune voisine. Si les étés 2023 et 2024 ont été moins critiques grâce aux pluies, ce dispositif est resté en place.

"Mais ça reste un dispositif de secours. Donc ces forages sont inévitables pour continuer à avoir de l'eau potable dans nos petites communes", scelle Olivier Chantreau qui se dit ravit d’accueillir deux puits dans son village.

Des fonds européens

À noter que le financement des forages repose en grande partie sur des fonds européens. Celui de La Turbie, par exemple, a coûté 220.000 euros, financés à 80% par le programme européen Concert-Eaux Opéra.

Les 20% restants ont été couverts par la Carf. Pour les trois futurs forages, à Sainte-Agnès et Castillon, ce sont les fonds du projet SETE, un autre programme européen, qui seront utilisés.

Une fois opérationnels, les quatre forages devraient pouvoir répondre aux besoins des 33.000 abonnés au service d'eau du territoire de la Riviera française. En espérant que, d'ici-là, la terre ne se soit pas totalement asséchée…