Un navire de croisière fluviale amarré sur le quai des Chartrons offre ses cabines aux soignants. Une aubaine pour des personnels de santé qui souhaitent protéger leur famille. Une petite dizaine d'entre eux profite de cet hébergement privilégié au coeur de Bordeaux.
Un franc soleil inonde le pont supérieur du Cyrano de Bergerac. Véronique Petit et Fatia Bouqoullou en profitent, quasiment seules sur le bâtiment qui peut accueillir 174 passagers en temps normal. Mais la période ne l'est pas, normale, et ce repos arraché à leurs journées de 12h en tant que salariés d'un EHPAD de Bordeaux est précieux.
Fatia s'est portée volontaire pour continuer son travail d'agent de service hospitalier (ASH). En trouvant refuge sur le Cyrano de Bergerac depuis samedi soir dernier, elle protège son mari et ses trois enfants, particulièrement son fils de 7 ans qui est asthmatique.On prend de la vitamine D
sourit Fatia Bouqoullou
Les semaines précédentes, les deux femmes rentraient chez elles tous les soirs. Elles s'appliquaient le même protocole que dans leur établissement de soins. Pas question de rentrer dans la maison avec les chaussures et les habits de la journée, la douche était leur premier geste du soir. Les câlins aux enfants et les embrassades bannis du quotidien.
Véronique Petit a aussi deux enfants à protéger. Mais aussi et surtout un mari qui souffre de problèmes cardiaques. Le coronavirus, pour l'instant, est resté aux portes de son établissement de santé. Mais l'inquiétude de la contamination est là.
Malgré les risques, pas question pour l'aide-soignante de 46 ans d'abandonner les résidents de son Ehpad.C'était angoissant
pour nos familles
Le quotidien a changé d'ailleurs dans l'Ehpad. L'équipe très soudée prend désormais plus de temps pour discuter, voire jouer aux cartes avec les personnes âgées. Les sortir de leur isolement est une priorité.Notre métier est une passion. Nous ne sommes pas des héros, nous avons juste envie de prendre soin de nos résidents. Nous sommes un repère pour eux qui n'ont déjà plus de contacts avec leur famille.
Les huit soignants hébergés aujourd'hui sur le bateau de croisière ne savent pas combien de temps ils vont rester à bord. D'autres devraient les rejoindre. En plus du navire mis gracieusement à disposition par la compagnie CroisiEurope, l'Agence Régionale de Santé peut compter sur plusieurs hôtels de la ville.
Ceux qui sont envoyés sur le Cyrano de Bergerac ne sont pas les plus à plaindre. Tous soulignent la gentillesse de l'équipage. Le commandant Bruno Coudert, confiné à bord pour la sécurité du navire, y veille.
A bord, la saison promettait d'être belle après une première croisière en compagnie de clients russes au début du mois de mars. Le Covid-19 en a décidé autrement. Consolation pour les marins : le bateau, cloué à quai, offre malgré tout un peu de dépaysement à des passagers qui en ont bien besoin.