Bordeaux : l'opération Frankton, l'une des plus audacieuses de la Seconde guerre mondiale, fête ses 80 ans

Elle est considérée comme l’une des actions les plus audacieuses de la Seconde Guerre mondiale. L’opération Frankton fête ce jeudi ses 80 ans. L’occasion de revivre au plus près l’histoire de dix militaires britanniques et de leur périple de 170 kilomètres en canoë-kayak dans l’Estuaire de la Gironde.

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Le 7 décembre 1942, dix militaires de la marine royale britannique débutent une expédition en canoë-kayak de 170 kilomètres. Leur but : poser des explosifs sur les bateaux allemands, dans le port de Bordeaux.

Première nuit de tourmente

La nuit est déjà tombée. Dans l’obscurité, six canoës-kayaks sont sortis du sous-marin Tuna, à quinze kilomètres de la pointe de Grave. L’opération Frankton débute.

Rapidement, une première embarcation se déchire sur plus d’un mètre. C’est la première d’une longue liste de déconvenues. Un autre équipage disparaît quelques minutes plus tard. Leur embarcation a heurté le rivage. Ses occupants sont capturés par les Allemands puis torturés. Ils seront exécutés.

Les Allemands sont omniprésents sur les deux côtés du fleuve. “Depuis la pointe de Grave, des projecteurs allemands éclairent l'entrée de l'estuaire. Le commando parvient à passer cet obstacle sans éveiller l'attention de l'ennemi”, raconte l'historien Dominique Lormier, dans son ouvrage, "Les vérités cachées de la France sous l'occupation".

Un second équipage est abandonné. Les deux hommes qui le composent mourront d’hypothermie, dans les eaux glacées de l’estuaire. À quelques heures du départ, le commando est déjà réduit de moitié. "Ces opérations étaient d’habitude faites par des professionnels. Mais il n’est pas rare de voir une forme d’amateurisme lorsque les Alliés étaient pris par le temps. Ces militaires étaient très sportifs, mais ils avaient peu de connaissances en navigation”, concède Dominique Lormier.

Gérer les menaces

Le jour se lève enfin. Les quatre survivants se cachent sous des filets de camouflage, à la pointe des Oiseaux, pour déjouer les sentinelles allemandes.

Le soir, ils reprennent la navigation jusqu’à Pauillac. Une accalmie avant que les quatre canoës n'arrivent, le 9 décembre, dans la Gironde et ses îlots, qui multiplient les menaces d’être repérés. Seule solution : attendre les flux montants pendant des heures.

Le dernier jour, les trois navires arrivent au bec d’Ambès. L’un heurte violemment une souche. Repérés par les Allemands, les deux Britanniques seront capturés par une patrouille allemande avant d’être tués.

Six navires coulés

Ils ne sont plus que quatre lorsque le commando passe à l’action. Le Major Hasler et le matelot Sparks se chargent du port de Bordeaux. Laver et Mills ciblent Bassens.  Chacun place huit charges explosives sur les navires allemands. L’explosion engendre de lourds dégâts, six navires sont détruits, et immisce la peur dans le camp allemand.

À Bordeaux, l’ennemi fragilisé par ce coup au cœur de leur camp, décide de renforcer le nombre de militaires, limitant largement les opérations mobiles. "Ces militaires britanniques avaient un rôle tactique, mais aussi stratégique pour maintenir la crainte. C’est à l’image de la volonté de Churchill de semer un vent de panique”, explique Dominique Lormier.

C’est une opération exemplaire, sur le plan psychologique. Leur endurance, leur courage extraordinaire ont permis de faire vaciller les Allemands. 

Dominique Lormier, historien

Leur mission accomplie, les quatre Britanniques s’échappent vers Ruffec, en Charente, où un réseau de résistants français les attend pour les emmener en Espagne. Seuls deux y arriveront, les autres seront capturés aux alentours de Saintes et fusillés.

80 ans de prouesse

Retour en 2022. Ce jeudi 8 décembre, le SAM canoë-kayak de Mérignac rejoue l’histoire. Le club retrace pendant quatre jours l’épopée des militaires britanniques.

“Nous ne partirons pas d’un sous-marin et nous naviguerons de jour. Mais nous voulons refaire le parcours le plus fidèle possible, les risques en moins”, explique Christian Cassou, le président du SAM canoë-kayak.

Leurs équipages, plus modernes partiront de Montalivet. Les conditions, meilleures qu’en 1942, resteront difficiles. “C’est la mixité des défis qui en fait la performance : la longueur, mais aussi le poids du matériel, la navigation en autonomie et les températures très fraîches”, résume Christian Cassou.

Reconnaissance, partir à marée basse, les kayakistes ont mis toutes leurs chances de leur côté pour boucler les 170 km au plus vite. Ces 80 ans sera aussi l’occasion de marquer la volonté du club à ouvrir ses portes au handisport. Des équipages mixtes seront d’ailleurs à flots, le dernier jour.

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