Evacués de Kaboul fin août, Zaheen, Raihan et Jahanger sont, depuis, hébergés à Bordeaux. Tiraillés entre leur inquiétude pour leur proches parfois menacés de mort, et leur envie de s'installer ici, ils racontent leurs débuts en France.
Ils sont trois, habillés d'une chemise ou d'un polo, baskets aux pieds et tatouages sur les avant-bras… Zaheen, Raihan et Jahanger* ont une vingtaine d'années, tout au plus.
Partis de Kaboul une dizaine de jours après l'arrivée des talibans dans la capitale afghane, ils ont tenu à raconter leur parcours aux journalistes français venus à leur rencontre.
Aucun d'eux ne parle français. Jointe par téléphone et placée en haut-parleur, une interprète se charge de la traduction entre dari - le persan afghan - et français.
Hébergés dans un centre à Bordeaux
Le départ, tout d'abord. "L'état français a affrété un avion militaire, et nous a acheminés jusqu'à Abu Dhabi, raconte Zaheen. De là, nous avons pris un autre avion pour Roissy- Charles De Gaulle". Dès leur arrivée sur le sol français, une cinquantaine de réfugiés afghans, dont font partie Zaheen, Raihan et Jahnager, a été prise en charge par l'antenne girondine de l'association France Horizon, elle-même missionnée par l'Etat.
Après un "voyage très long, très fatigant", tous ont été reçus à Bordeaux, dans un centre d'hébergement prêté provisoirement par la municipalité.
Pour des raisons de sécurité, sa localisation reste confidentielle. "Femmes, enfants, familles, jeunes isolés … Ils étaient 51 en provenance de Kaboul, dont une quinzaine d'enfants, précise Xavier Fivria, chargé de mission chez France Horizon en Gironde. Ils sont désormais 52 : un père de famille, qui était déjà en France, est venu rejoindre les siens quand il a su qu'ils étaient sur le territoire. Cela faisait six ans qu'ils ne s'étaient pas vus".
Sur place, la cinquantaine d'Afghans bénéficie de repas et de vêtements fournis par l'association "Certains sont partis sans bagages", précise Julie Demellier, coordinatrice sociale de l'association qui a recensé les différents besoins.
Nous avons mis en place un espace enfants, procédé à une orientation médicale avec les services de l'ARS et de la Croix rouge, et nous faisons intervenir une interprète quasi quotidiennement pour faciliter les communications.
Menaces de mort
Après un isolement de 10 jours et des tests PCR (tous négatifs), l'heure est aux démarches administratives, auprès de l'Ofii, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et à la constitution de dossiers pour les demandes d'asiles. Car, les trois jeunes Afghans l'assurent, un retour dans leur pays est inenvisageable.
Les nouvelles de leurs familles, jointes régulièrement par téléphone, n'ont rien de rassurant. "La situation en Afghanistan empire chaque jour, assure Zaheen, qui étudiait à l'université militaire avant son départ pour la France. Les talibans règnent en maîtres".
Tous ceux qui ont travaillé avec des forces étrangères, ou pour des télévisions, des journaux ou des radios sont en danger.
"Les journalistes sont menacés, il n'y a plus de liberté d'expression, ni de parole. Certains ont été torturés", renchérit Jahanger. Le jeune homme, lui-même journaliste, exprime son inquiétude pour "tous les membres de sa famille qui ont travaillé avec des écoles et des entreprises françaises."
"Mon beau-frère a été tué par les talibans"
Avant l'arrivée des talibans, Raihan suivait un cursus universitaire, tout en exerçant une activité libérale. "Mon beau-frère a travaillé avec l'Etat français, relate le jeune homme, un bracelet bleu blanc et rouge au poignet gauche.
Il a été tué il y a sept ou huit ans par les talibans. Aujourd'hui, ce sont tous les membres de sa famille qui sont en danger de mort". Lui a réussi à quitter le pays avec sa sœur et ses jeunes nièces.
"Nous avons besoin d'aide"
Pas de retour imminent donc, mais plutôt un projet de s'installer en France pour terminer leurs études, ou monter un projet de vie. D'ici quelques jours, Raihan, sa sœur et ses nièces devraient quitter Bordeaux pour un Centre d'accueil et de demandeur d'asile à Pau.
Zaheen et Jahanger prévoient, eux, de rester sur Bordeaux. "J'ai eu le temps de découvrir la ville, et je l'aime vraiment beaucoup", sourit Zaheen . Tous trois rêvent désormais de pouvoir faire venir leurs proches, et lancent un appel aux instances internationales
Les talibans ne vont jamais changer leur mentalité. Nous avons besoin de l'aide des Nations unies pour aider notre pays à s'en sortir, et pour pouvoir vivre en paix.
(*) Les prénoms ont été modifiés