Dans le centre-ville de Bordeaux, des parents d'élèves se démènent pour que des enfants ne dorment plus à la rue. Ils ont décidé d'occuper leur établissement scolaire pour permettre à une famille de dormir au chaud et à l'abri, en attendant qu'une solution durable soit trouvée pour lui venir en aide.
Les élèves de l'école du Pas-Saint-Georges entrent en classe dans moins d'une heure. Le jour n'est pas encore levé sur Bordeaux, ce jeudi matin, et une famille quitte discrètement cet établissement du centre-ville. C'est la première nuit que ce couple, leur fille de 4 ans et leurs fils de 9 ans passent ici, faute d'avoir une autre solution d'hébergement. "Depuis le mois de septembre, cette famille est à la rue. C'est insupportable de se dire que des enfants dorment dehors", réagit Johanna, dont les enfants sont scolarisés dans le même établissement.
Interpeller les pouvoirs publics
Pour alerter sur leur situation, l'association des parents d'élèves des écoles maternelle et primaire Vieux Bordeaux et Pas-Saint-Georges a décidé d'organiser une opération "école occupée" à partir de ce mercredi soir. Ils relaient la nuit pour veiller sur cette famille sans domicile fixe, originaire d'Albanie. "On a utilisé du matériel que l'on avait dans la salle de motricité, des draps et du linge que l'on avait chez nous, afin d'essayer de lui créer un petit cocon", décrit Gaëlle, une parent d'élève.
Cette nuit, la petite fille s'est réveillée en demandant si quelqu'un n'était pas en train de la regarder par la fenêtre qui donne sur la rue. C'est difficile pour les enfants de dormir dans leur école, ils se questionnent beaucoup.
GaëlleParent d'élève
Certains restent toute la nuit à leurs côtés, d'autres viennent pour partager le dîner ou seulement pour le petit-déjeuner et aider à ranger les lieux. Ces parents solidaires cherchent à attirer l'attention des pouvoirs publics sur la situation des familles à la rue. "Je ne m'attendais pas, en devenant parent d'élève, à devoir gérer des situations pareilles. Dans les écoles du centre-ville de Bordeaux, un enfant sur cinq est en situation de logement précaire", commente Johanna.
L'année dernière, les parents élus avaient déjà été sollicités par la directrice de l'établissement bordelais pour venir en aide à une famille en difficulté de logement. Plusieurs d'entre eux avaient participé au financement de nuits d'hôte ou l'avaient hébergée. "Cette année, nous n'en sommes pas encore arrivés là, mais cela risque d'être bientôt le cas", s'inquiète Cédric.
Ce sont des familles qui côtoient la même école que nous, des enfants qui sont en classe avec les nôtres, donc ça nous touche encore plus personnellement.
CédricParent d'élève
Première alerte en septembre
Le député écologiste de Bordeaux Nicolas Thierry a affirmé son soutien à la mobilisation des parents d'élèves dans un communiqué, ce mercredi soir. "L'hébergement est un droit inconditionnel, et la responsabilité de l'État est de répondre d'urgence à la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent ces enfants", a indiqué l'élu, qui insiste sur l'importance qu'ils puissent "continuer leur scolarité dans des conditions dignes, stables et sécurisées".
Le 25 septembre, le député avait lancé une première alerte au préfet de Gironde sur la situation précaire de cette famille, restée sans réponse à ce jour.
La préfecture indique que la famille est visée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). "Leur demande d'asile, qui est instruite par l'Ofpra, a été déboutée. À ce titre, elle peut bénéficier d'une aide au retour volontaire dans son pays et d'un hébergement au centre de préparation du retour", précise-t-elle.
Pendant que le couple erre dans les rues de la ville en journée, la fillette et son grand frère continuent leur vie d'écolier. Le soir, à partir de 18 h 30, ils regagnent leur campement de fortune. Les parents mobilisés ont interpellé la mairie pour qu'une solution de logement durable soit proposée à la famille. Un rendez-vous est prévu la semaine prochaine.