"Ça coûte plus cher à fabriquer que ça ne rapporte". Un viticulteur attaque des négociants au tribunal, une première en France

Ce jeudi 11 janvier, un producteur du Médoc assigne deux gros négociants de la région, les sociétés Cordier et Maison Ginestet, devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour avoir violé la loi Egalim sur les prix agricoles. Il les accuse d'avoir acheté son vin en vrac à un tarif jugé "abusivement bas". Si le plaignant obtient gain de cause, cette décision pourrait faire jurisprudence.

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Prix du vin trop bas ? " Ça coûte plus cher à fabriquer que cela ne rapporte de l'argent ". Le viticulteur est venu défendre son travail devant le tribunal. "Un jour, je me suis levé et j'ai dit "je n'accepte plus"".

Un euro la bouteille 

"J'ai vendu des vins de qualité très honorable, il ne faut pas associer l'idée qu'ils étaient à prix bas car de deuxième choix". Rémi Lacombe, exploitant à Civrac, dans le Médoc, a été contraint à brader son vin. Le viticulteur a vendu 8 500 hectolitres aux sociétés Cordier et Maison Ginestet en 2021 et 2022, aux prix de 1150 ou 1200 euros le tonneau (900 litres), selon les millésimes. Soit environ un euro la bouteille. Or, le coût de production était de 1600 euros le tonneau.

Un tarif que le producteur juge "abusivement bas" car très inférieur à ses coûts de revient, et bien en deçà des tarifs pratiqués, en moyenne de 2000 à 2500 euros le tonneau sur la période 2019-2021." Mes vins ont été sélectionnés par les deux négociants, et répondaient au cahier des charges de l'appellation Médoc", se défend le viticulteur. "Quand vous avez fait tous ces efforts pour produire ce vin, vous ne voulez pas récupérer une petite fraction de votre prix de revient et vous voulez vivre de votre travail."

Un viticulteur, et par extension un agriculteur, doit gagner sa vie sur ce qu'il vend.

Rémi Lacombe,

viticulteur dans le Médoc (33)

"Dans ces cas-là, de nombreux viticulteurs et d'autres agriculteurs, dans d'autres productions, vont mourir de faim. Et cela va à l'encontre de la loi", poursuit-il.

► L'interview de Rémi Lacombe qui explique sa démarche devant le tribunal de commerce de Bordeaux

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Réalisée par Denis Salles et Juliette Bisiaux le jeudi 11 janvier 2024. ©France 3 Aquitaine

Vendre à un prix consenti et rémunérateur

Son avocat, Maître Louis Lacamp, invoque une violation de l'article 442-7 du code du commerce appelé loi Egalim adoptée en 2018 pour équilibrer les relations commerciales entre producteurs et acheteurs dans le secteur alimentaire afin d'assurer une juste rémunération aux agriculteurs qui leur permette de vivre de leur travail. "C'est la situation de nombreux agriculteurs et vignerons en France à qui on fait vendre leur production à un prix inférieur à leur coût de revient", commente l'avocat. En l'occurrence, mon client a perdu du gain en vendant son vin.

L'article 442-7 du code du commerce, invoqué pour la première fois devant un tribunal : "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, pour un acheteur de produits agricoles ou de denrées alimentaires de faire pratiquer par son fournisseur un prix de cession abusivement bas". Si Rémi Lacombe obtient gain de cause, la décision du tribunal de commerce de Bordeaux pourrait bien faire jurisprudence.

Son avocat assure que "l’enjeu de ce dossier, transposable à d’autres situations, est un enjeu pour le futur". 

Si on dit aujourd'hui aux négociants "non, vous ne pouvez pas acheter à un prix inférieur au coût de production", demain ça va changer toute la pratique dans de nombreux achats de nombreux produits agricoles.

Me Louis Lacamp,

avocat du plaignant

► L'interview de Me Louis Lacamp qui invoque la loi Egalim sur la protection de la rémunération du producteur

durée de la vidéo : 00h00mn29s
Réalisée par Denis Salles et Juliette Bisiaux le 11 janvier 2024. ©France 3 Aquitaine

Les deux maisons de négoce étaient représentées par trois avocats du barreau de Paris. Le plaignant demande 392 000 euros de dommages et intérêts à la société Cordier, et 323 000 euros à la Maison Ginestet. La décision est mise en délibération et renvoyée au 22 février.

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