"Ce qui est arrivé à Arras peut arriver à Bordeaux", dans la tête des professeurs, l'inquiétude grandit

Après l'assassinat de Dominique Bernard à Arras par un ancien élève radicalisé, les enseignants d'Aquitaine sont partagés entre sidération et effroi. Certains gardent la menace terroriste à l'esprit et demandent à être plus accompagnés au quotidien.

Les coups de couteau reçus par Dominique Bernard, ils les ont pris en plein cœur. Plusieurs enseignants de Nouvelle-Aquitaine ont difficilement vécu les jours qui ont suivi l'assassinat du professeur de lettres. "J'avais une profonde tristesse ce week-end. J'ai eu du mal à réaliser ce qui s'était passé", raconte Franck Hiale, professeur de mathématiques au collège Simin Palay de Lescar, dans les Pyrénées-Atlantiques.

Renaud Robert, professeur de mathématiques au lycée Jacques Monod de la même commune, a ressenti de l'effroi. "Ça a réactivé des émotions d'il y a trois ans. L'école est une nouvelle fois attaquée", confie le professeur, marqué par la mort de Samuel Paty. 

Même ressenti au lycée Montesquieu de Bordeaux où enseigne Jean Glisia, la crainte d'être pris pour cible a fait son apparition.

Plusieurs de mes collègues sont inquiets. Ils se demandent si l'éducation nationale est visée et se disent que ce qui est arrivé à Arras peut arriver à Bordeaux.

Jean Glisia

professeur de mathématiques au lycée Montesquieu de Bordeaux

Mais la peur n'est pas encore omniprésente dans les établissements aquitains. Lucie Tessier, enseignante au collège Jasmin Les Iles d'Agen et membre du SGEN-CFDT est partagée entre sidération et incompréhension : "Quand on s'engage dans ce métier, c'est inimaginable de se dire qu'on peut risquer notre vie". 

Un climat pesant depuis le passage en "Urgence attentat"

Depuis le passage du plan Vigipirate au niveau "Urgence attentat", les établissements scolaires ont renforcé leurs mesures de sécurité. Et l'ambiance est devenue pesante d'après plusieurs enseignants. Au lycée Jacques Monod de Lescar, les sorties des élèves sont plus contrôlées qu'auparavant. "On peut être amené à vérifier visuellement les sacs des élèves. Ils ne peuvent plus quitter l'établissement entre deux cours", explique Renaud Robert, délégué Snes-FSU. "J'espère que les établissements retrouveront bientôt le fonctionnement fluide qu'ils avaient avant."   

Les parents restent dans leurs voitures jusqu’à l’ouverture du portail pour ne pas créer de rassemblement devant le portail. J'ai demandé à tout le monde d'être vigilant vis-à-vis des inconnus et des comportements suspects autour de l'école. Ces mesures créent quelque chose de lourd dans notre tête.

Lucie Saramito

directrice d'une école maternelle de Pomerol, en Gironde

"Je ne me sens pas prête à mener un débat sur la laïcité"

Pour protéger les enseignants, faut-il renforcer durablement la protection des établissements ? "Le tout sécuritaire n’est pas la réponse", juge Jean Glisia, professeur de mathématiques. "Si quelqu’un veut rentrer dans un établissement, il y arrivera. Un cahier de correspondance se falsifie facilement avec une photo".

"Plus de présence policière autour de l’établissement n’est pas la solution. La réponse doit être plutôt de mieux s’occuper des professeurs et des élèves", prolonge Lucie Tessier, professeur au collège Jasmin Les Iles d'Agen. Elle milite pour un renforcement de l'enseignement moral et civique. "Je ne me sens pas prête à mener un débat sur la laïcité avec des élèves de 3ᵉ. J’aurais besoin d’être mieux armée et formée sur cette question".

Jean Glisia va plus loin." L'enseignement moral et civique est un peu le parent pauvre des programmes. Ce n’est pas une matière sur laquelle les professeurs et les élèves sont extrêmement attentifs. Cela doit changer".

Une demande de moyens humains

Pour détecter plus précocement d'éventuels signes de radicalisation d'élèves, certains demandent davantage de moyens humains. "Il manque des CPE et des surveillants dans les collèges pour apaiser des situations et gérer des conflits", d'après Lucie Tessier du SGEN-CFDT du Lot-et-Garonne. "On a besoin de plus d’agents d’accueil, de médecins scolaires, d'assistantes sociales si on veut éviter que certains élèves ne se sentent marginalisés", complète Renaud Robert, du SNES-FSU des Pyrénées-Atlantiques.

On a énormément d’élèves dans nos classes, il y a des choses qu’on loupe. Il faudrait qu’on ait plus de personnel formé pour accueillir notre parole ou traiter un signalement. On a besoin d'un plan à la hauteur de celui qu'on a eu contre le harcèlement scolaire.

Lucie Saramito

Déléguée SE-Unsa de l'académie de Bordeaux

Franck Hiale, secrétaire académique de l'UNSA éducation à Lescar, préconise une prise de conscience globale. "Il y a un problème de parentalité et de politique de la ville. La vigilance doit être collective si on veut réussir à faire société". Un problème de fond qu'ils savent long à régler. En attendant demain, ils continueront d'enseigner.

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