Comment éviter une pénurie d'eau dès 2040 à Bordeaux et en Aquitaine ?

C'est un des effets du réchauffement climatique. Dans vingt ans, l'eau de surface sera moins disponible : moins de pluie au bon moment, plus d'évaporation et plus d'habitants dans le sud-ouest. Les scientifiques ont des réponses à apporter dès maintenant. Encore faut-il qu'ils soient écoutés.

C'est le combat d'une vie. Alerter sur le réchauffement climatique. L'infatigable Jean Jouzel, climatologue qui a représenté la France au GIEC ( Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ), tire une fois de plus la sonnette d'alarme sur l'accès à l'eau dans la région. "C'est une conséquence majeure du réchauffement climatique dans le sud-ouest", assure le climatologue.

Si on regarde la diminution du débit des fleuves, la baisse des précipitations et l'augmentation de l’évaporation, les eaux de surface seront moins disponibles. La compétition pour l'accès à l'eau sera plus rude d'ici vingt, trente ou quarante ans dans cette région.

Jean Jouzel - climatologue - auteur de " Climat parlons vrai "

Tant que l'eau coule au robinet, les consommateurs ne sont pas forcément inquiets, ni sensibilisés à ce qui se dessine dans un avenir proche. Et pourtant :"le volume d’eau est fini, on ne crée pas d’eau. explique l'hydrogéologue Alain Dupuy. À l'horizon 2050/2070,  si on continue avec les demandes actuelles, les changements climatiques font qu'on va avoir 1 milliard de mètres cubes d'eau en moins disponible. Soit un tiers d'eau en moins par rapport à nos besoins sur le bassin Adour/Garonne".  Ce bassin nous alimente en eau pour l'agriculture, la consommation d'eau potable, l'eau utilisée par l'industrie. Un déficit donc considérable.

 

Economiser l'eau : la seule solution

L'eau va continuer de tomber du ciel certes, mais avec des phénomènes climatiques extrêmes. Nous le constatons déjà.

On est en train de basculer sur plusieurs siècles stabilisés, d'un climat océanique relativement marqué et une continuité des précipitations... vers une saison hivernale humide et une saison estivale beaucoup plus longue, avec beaucoup moins de précipitations à cette période-là.

Alain Dupuy - Hydrogéologue - Institut polytechnique de Bordeaux -

 
Il va continuer de tomber la même quantité d'eau ou presque mais elle va finalement manquer car elle ne va pas tomber au bon moment, problème de saisonnalité. Pas assez au printemps quand les plantes en ont besoin, rien ou presque l'été, provoquant un stress hydrique de la végétation. Et trop et trop vite à d'autres moments de l'année, sans qu'on puisse pour autant la stocker.

Adapter ses pratiques

Puisque l'eau disponible va se faire plus rare au final, il n'y a pas trente-six mille solutions pour Jean Jouzel et les scientifiques qui se penchent au chevet du problème. "La meilleure façon, c’est d'économiser l’eau. Je pense que le monde agricole doit adapter ses pratiques à une certaine diminution des ressources en eau. Il y a à la fois une adaptation pour limiter les pertes, et des questions se posent sur des cultures extrêmement utilisatrices d’eau comme le maïs." Et de constater qu'il y a beaucoup d'évaporation dans les "bassines" utilisées en agriculture, celles qui précisément divisent à tel point qu'elles deviennent un combat politique. 

Jean Jouzel, le climatologue, constate que "la meilleure façon de garder l’eau, c’est de la laisser recharger les nappes souterraines. L'eau ne doit pas être piégée en surface."  L'agriculture est de loin la plus grande consommatrice d'eau : 45 % des volumes prélevés, 35 % pour l'eau potable et la consommation des particuliers, le reste étant utilisé par l'industrie. 
 

 

La responsabilité engagée des décideurs

Pour Alain Dupuy, évidemment, on ne peut pas se permettre d'attendre " On y est au rendez-vous qu'il ne faut pas manquer mais tout de suite. Tout de suite, il faut mettre en place dans tous les secteurs, des comportements hydro-économes. On fait ce que l’on veut mais la base, c’est :  on va vers des systèmes,des prélèvements ou des comportements hydro économes, sans ça on n’y arrivera pas".

Voilà déjà trois décennies que les scientifiques de renom comme Jean Jouzel portent l'urgence au plan mondial. "Effectivement, ce que l’on vit actuellement ce sont les prémices du réchauffement climatique. Les gens pensent que le réchauffement climatique, c’est ce qu'on vit aujourd'hui mais franchement si on va vers 4, ou 5 degrés, c’est un autre monde. Ça, on le dit depuis une trentaine d’années, faut bien se rendre compte de ça."

Un autre monde dans les mots de Jean Jouzel, c'est un monde où tous n'auront pas les mêmes chances d'accès aux besoins vitaux et où les usages seront source de conflit.
Alors, est-ce possible de l'éviter ?

La disponibilité de l'eau vitale va devenir de plus en plus critique. "On ne pourra pas satisfaire les besoins. Donc, tout de suite il faut se questionner sur le futur que l’on veut avoir pour notre territoire. Tous les usagers, agriculteurs, particuliers, industriels et décideurs, il va falloir faire des groupes de décisions et de discussions pour faire les choix de territoire et on mettra tout en oeuvre pour y arriver. "
 

Il  y aura des sacrifices, des compromis, une acceptation sociétale. Aucune partie ne se réserve l’eau pour son propre usage.  Il y a des endroits où l’on aura des renoncements.

Alain Dupuy - hydrogéologue Institut polytechnique de Bordeaux -

Voilà dix ans que la région Aquitaine puis Nouvelle-Aquitaine a réuni des scientifiques autour des changements climatiques Une initiative unique baptisée "Acclimaterra" et dont les travaux nourrissent les échanges entre les professionnels, les décideurs politiques et les scientifiques. Et une note d'espoir "Ca commence à être entendu. Depuis plus de dix ans que le groupe existe, qu’on tient ce langage. Il est désormais entendu par les instances, les groupes de pression, les chambres d’agriculture"
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Avec aujourd'hui une nouvelle étape à franchir : "Il faut le transposer dans la réalité. L’agriculteur doit vivre de son activité, qui, in fine, a pour but de nourrir la population. Il peut y avoir des changements mais il faut qu’ils soient accompagnés et durables. Il faut qu'on arrête de changer d’avis tous les deux ou trois ans. "
Face aux aléas climatiques qui secouent la planète, la France, la région Aquitaine au fil des mois, "la crise aide à entendre notre discours" confie Alain Dupuy. "Nous, on estime qu’on va pas assez vite face à la dynamique, à la cinétique du changement climatiques qui elle ne cesse de s’accélérer, c’est ça le problème en fait."

L'appel aux jeunes générations

Changer les comportements de toutes les générations s'impose, Jean Jouzel lui adresse en particulier un message dans son dernier ouvrage "Climat parlons vrai " : "notre message est vraiment vis-à-vis des jeunes. Les adolescents  et les  jeunes adultes sont des générations doublement concernées, ce sont eux qui vont avoir à faire face au véritable problème du réchauffement climatique." Nous souhaitons qu'ils soient partie prenante dans la prise en compte d’un nouveau mode de développement, plus économe, moins énergivore. Ça intéresse tout le monde, mais encore plus les jeunes d’aujourd’hui". 
 

Le climat d’ici 2040, 2050 est joué. C’est après qu'on perd la faculté d’adaptation. Pour les jeunes d'aujourd'hui, il y a un emballement qui est à craindre.

Jean Jouzel - climatologue

 

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