Contrôle des pass sanitaires : le difficile recrutement d’agents de sécurité en Gironde

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Une pénurie de main-d’œuvre est observée depuis quelques années. Elle est renforcée par la recherche d’agents pour contrôler les pass sanitaires. Le secteur souffre « d’un désamour de la protection ». Les salaires peu attractifs en sont notamment la raison.

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Ce n’est pas nouveau. Les entreprises de sécurité privées ont du mal à recruter des agents de sécurité. Mais la tendance s’accélère. Un nouveau métier a vu le jour ces dernières semaines : contrôleur de pass sanitaire. Dans les restaurants, ce sont les serveurs qui s’y collent. Dans d’autres entreprises, c’est bien souvent un employé qui vérifie les documents fournis par les clients.

Mais sur certains sites, notamment les grandes surfaces, ce sont parfois à des agents de sécurité qu’est confiée cette nouvelle charge. Les centres commerciaux possèdent de nombreuses entrées. Ils sont donc les plus concernés. Et les entreprises spécialisées ont du mal à faire face à la demande.

Depuis 2009, une carte professionnelle est exigée pour pouvoir embaucher un agent de sécurité. Une professionnalisation synonyme de contraintes. Le métier est par ailleurs de moins en moins attractif. Et depuis le 1er juillet, la loi sécurité impose que les salariés étrangers disposent d’un titre de séjour de plus de 5 ans. Autant d’éléments qui expliquent les difficultés de recrutement.

« On n’est pas dans la situation de pouvoir satisfaire la demande »

Dans cette petite entreprise girondine d’une trentaine de salariés, le constat est clair. Impossible de faire face à la demande d’agents de sécurité pour contrôler les pass sanitaires. Basée dans la banlieue bordelaise, cette société spécialisée dans la sécurité n’a pu se positionner sur ce marché. Le responsable de l’agence qui tient à garder l’anonymat, ne fait pas de détour. « Moi j’ai décliné », dit-il. « Certains salariés sont en vacances, et comme le besoin est exponentiel, on n’est pas dans situation de pouvoir satisfaire les clients. Nous avons cherché des agents avec Pôle Emploi, via le bouche à oreille, et avec nos propres listings de CDD. Mais nous n’arrivons pas à recruter ».

Combien de contrats l’entreprise a-t-elle ainsi perdu ? « Entre 1000 et 2000 heures de travail », répond le responsable. Dans cette société l’essentiel des employés sont en CDI. Serait-il possible de recruter en ce moment des contrats à durée indéterminée ? « Trop risqué », analyse le responsable, « on ne sait pas combien de temps on va avoir besoin de contrôleurs de pass sanitaire ».


Difficile, selon lui, de recruter des CDD en ce moment. « Les CDD étaient déjà pris et l’été n’est pas la bonne période pour recruter. Mais j’ai bon espoir pour la rentrée. Les départs en vacances vont s’arrêter, et début septembre on va avoir des candidatures spontanées mais cela reste difficile de savoir dans quelle mesure ».

« Il n’y a pas d’obligation légale d’avoir un agent de sécurité avec tous les agréments pour faire du contrôle de pass sanitaire », explique Pierre Bouzin délégué général à la Fédération Française de la Sécurité Privée.

« Mais c’est mieux car ce sont des agents formés à gestion des conflits etc. Ils ont une autorité naturelle qui est meilleure (…). Mais les coups de pression ne peuvent pas se gérer qu’avec du recrutement et  de la formation. Il faut par exemple mettre en place les heures supplémentaires, redéployer des équipes en lien avec les clients, s’organiser. Mais on ne peut pas faire rentrer aujourd’hui un agent pour faire du contrôle de pass sanitaire, ce serait trop long ».  

Pour autant, clairement, mettre des agents de sécurité sur le contrôle du pass sanitaire parait irréalisable. « Nous avons fait le choix de mettre des hôtes et hôtesses d’accueil », explique ce responsable d’une société responsable du contrôle des pass sanitaires dans une galerie commerciale de plus de 20 000 m2 sur la Métropole Bordelaise.

« Ce n’est pas une mission qui relève d’un agent de sécurité nécessairement. Et heureusement, car sinon nous aurions des difficultés pour faire face à la demande. Nous avons du mal à recruter des agents de sécurité en ce moment, mais cela dure depuis plusieurs années notamment avec les attentats. Et on arrive à des pics d’activité qu’on n’est pas en capacité d’assurer. Sans compter que ce sont des pics sur des périodes que nous ne maîtrisons pas ».

Contraintes liées à la professionnalisation du métier

Le secteur traverse une crise de recrutement depuis plusieurs années et les spécificités liées au Covid ne font qu’exacerber la situation. Un premier virage avait été franchi en 2009 avec l’instauration d’une carte professionnelle. « Avant on pouvait recruter sur une saison avec des étudiants, maintenant il faut une carte professionnelle avec notamment 175h de formation », explique le responsable d’une agence qui a pignon sur rue.

« Cela a professionnalisé le secteur mais cela a rendu plus complexe la question RH (ressources humaines) ». Une analyse partagée par Benoit Marchal de chez Lynx dont le siège social est à Bordeaux. Le responsable d’exploitation dispose de peu de centres commerciaux dans son portefeuille de clients, il est donc peu concerné par le recrutement de contrôleurs de pass sanitaire, pour autant il peine globalement à recruter. Et cela depuis plusieurs années. L’arrivée de cette carte professionnelle en est selon lui une des causes. Une professionnalisation qui a grandement pâti de la crise sanitaire à ses yeux. « Durant la période Covid », dit-il, « on a eu des effectifs en moins ». « Car une trêve a été observée dans les formations pour la carte professionnelle. On a aussi eu des difficultés pour avoir ces cartes professionnelles dans les délais. Donc beaucoup de salariés sont partis dans d’autres secteurs d’activité. On a donc très clairement manqué de personnes formées ».

Nouvelle gestion des salariés étrangers

Depuis mai dernier, avec la loi sécurité globale, de nouvelles contraintes ont été imposées au secteur de la sécurité privée. Désormais, « Les ressortissants étrangers ne peuvent demander une autorisation préalable que s’ils sont titulaires d’un titre de séjour depuis au moins 5 ans (art. 23) », est-il inscrit dans la loi.

« La grande distribution est la plus touchée, car il y a une frange plus significative d’étrangers dans ce secteur », explique le directeur d’une agence de sécurité privée. « Le risque d’être pénalisé y est plus élevé. On est au stade de la prospective. On verra plus tard l’impact, mais ce serait surprenant que cela n’ait pas d’impact ».

Pour Benoit Marchal aussi le constat est clair : « c’est une contrainte qui est venue se rajouter ». Selon le chef d’exploitation de Lynx, « 70% des agents de sécurité dans la grande distribution sont de nationalité étrangère ou d’origine étrangère ».

« Salaires peu attractifs »

C’est un sujet sur lequel tous nos interlocuteurs sont d’accord. Le salaire d’un agent de sécurité est peu attractif. « Pour tout ce qui est prestataire de service aujourd’hui on est légèrement au-dessus du smic », explique Benoit Marchal.

« Pour avoir une salaire convenable il faut faire des heures supplémentaires. L’attrait ne se fait pas par le salaire. Nous n’avons pas de levier financier pour aider à recruter. Nous dépendons d’appels d’offre donc nous faisons des propositions en restant dans la moyenne du marché, mais on doit revoir nos prix à la baisse pour remporter le marché et du coup on a du mal à recruter. Donc c’est assez compliqué. Après, il faut faire la différence entre un agent de sécurité en magasin ou dans des sites industriels par exemple. Dans un magasin, il y a un gros turn-over, ils font le tampon avec les clients. Pour certains, je leur tire mon chapeau car c’est un métier difficile. Nous essayons de fidéliser, mais c’est compliqué. En sécurité, on peut faire 48h par semaine, mais après il y a la fatigue. Il faut que le métier soit revalorisé au niveau de nos instances représentatives des sociétés via les syndicats. Une augmentation de 8% ou 9% des salaires devait être revue en 2022. Elle a été reportée à 2023. C’est sur la table, avec les syndicats nationaux. Après il va falloir que les donneurs d’ordre soient d’accord pour payer plus ».

« Il va falloir se mettre en ordre de bataille » notamment pour les J.O.

Pour la Fédération Francaise de la sécurité privée (FFSP), revaloriser les salaires sans compensation pour les clients n’est pas la solution. Pierre Bouzin milite « pour structurer et reconnaître les compétences et aller vers des obligations d’agents avec un niveau de compétence adapté au niveau de risque sur certains sites ». « Aujourd’hui, la compétence est un problème sur le marché, car elle coûte plus cher et on ne sait pas la valoriser financièrement vis-à-vis du client », explique-t-il. « Les négociations ne vont pas se faire en deux jours. Elles n’ont pas pu se faire de manière satisfaisante avec la crise sanitaire, mais elles sont nécessaires et inéluctables ».

D’autant que l’année 2022 s’annonce chargée. Enormément d’évènements ont été reportés à l’année prochaine. « Il va falloir se mettre en ordre de bataille », annonce Pierre Bouzin. « Pour une reprise en septembre, pour tous les évènements planifiés en 2022 et il y en a énormément, mais aussi avec les Jeux Olympiques en ligne de mire (...). Et il va falloir faire sans les salariés étrangers. Cela complique les choses. Mais la formation demande un mois et demi. Donc, c’est faisable ». Autant de sujets qui seront abordés lors des Etats généraux de la sécurité évènementielle qui se tiendront à Biarritz le 23 septembre prochain.

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