Coronavirus : les entreprises du numérique s'en sortent-elles mieux ?

La dématérialisation, les nouvelles technologies... Les entreprises qui bâtissent ces réseaux ou dont la production est essentiellement numérique ne subissent pas la crise avec la même intensité que les secteurs traditionnels de l'économie.

Les entreprises du numérique étaient mieux préparées à inventer de nouvelles formes de travail. A n'en pas douter, certains usages mis en place aujourd'hui seront conservés à l'issue du confinement.

Nicolas Leroy-Fleuriot, PDG de Cheops Technology, a conscience que sa société souffre moins que d'autres. La gestion de ses 5 Data Centers peut s'organiser en grande partie avec du télétravail. La société qui emploie 500 salariés en France et dont le siège social est à Canéjan en Gironde, est spécialisée dans les offres de cloud pour les entreprises. Cheops Technology réalise 114 millions de chiffre d'affaires.

Nicolas Leroy-Fleuriot a organisé une initiative solidaire. Une partie des salariés de Cheops Technology a donné ses Tickets-Restaurants à deux associations : le Secours catholique à Toulouse et les Restos du cœur à Bordeaux. L'entreprise a versé l'équivalent de la somme pour porter les dons à plus de 19 000 euros.

 

 

INTERVIEW

 

Pourquoi avoir mené une telle action ?


N L-F : J'ai été sensibilisé par une de mes proches qui intervient au Secours catholique à la situation des SDF. Avec le confinement, ils étaient isolés, sans ressources. Je me suis demandé si nous, acteurs économiques, nous n'avions pas un rôle à jouer auprès de la société civile. Face à des gens qui sont plus fragiles, qui sont démunis, nous sommes des nantis. J'ai proposé à mes collaborateurs de donner un Ticket-restaurant par semaine. 200 ont suivi, certains ont donné deux tickets. D'autres, tous les leurs. J'ose espérer que cette crise sanitaire nous permettra demain d'être plus solidaires et plus humains.
 

Est-ce le rôle des chefs d'entreprise de se préoccuper de ces questions ?



N L-F : Ca n'est pas notre rôle initialement mais ça peut le devenir. Ce qu'on vit est un drame, à tous les niveaux. Quoiqu'il arrive, on n'en sortira pas indemne. Il est peut-être temps qu'on commence à inventer un nouveau modèle. Notre société est déshumanisée, c'est la course aux profits et à l'individualisme. On doit reconsidérer notre façon de vivre, de considérer la planète, de produire.
 

Est-ce qu'une entreprise du numérique comme la vôtre est aussi fortement touchée que les autres ?



N L-F : Non, bien évidemment, nous sommes beaucoup moins impactés. Les entreprises qui nous ont confiées leurs données sensibles et leurs applications stratégiques ont besoin de nos services pour continuer à travailler. Notre enjeu est, par contre, qu'elles puissent nous payer. Les délais de paiement s'allongent singulièrement. Certains de nos clients ont des magasins fermés et nous demandent des baisses de mensualités ou des conditions de paiement. C'est impossible parce que nos charges à nous n'ont pas diminuées, la consommation électrique de nos Data Centers n'a pas diminué.

Pour nos autres activités où l'on intervient chez nos clients, nous rencontrons des problèmes d'approvisionnement. Certains de nos fournisseurs connaissent des pénuries de composants ou ne peuvent plus nous livrer. Pour autant, on a fait un mois de Mars très correct avec 2,8% de croissance par rapport à l'année dernière. Cela dit, nous n'avons pas pu facturer 3 millions d'euros à cause de projets reportés par nos clients.
 

Comment vous êtes vous organisé en interne pour continuer l'activité ?



N L-F : Pour obtenir nos certifications Iso 27 001 et Iso 20 000, nous avions obligation de bâtir un plan de continuité d'activités en cas de catastrophes. Nous étions donc prêts. 90% des collaborateurs sont en télétravail, les 10% restants travaillent à proximité de nos Data Centers.
 

La crise va t'elle modifier vos projets futurs ?


N L-F : Il est hors de question de remettre en cause nos investissements structurels destinés à faire évoluer nos Data Centers. Les investissements stratégiques, eux, sont a minima retardés. Nous étions en négociation pour réaliser une acquisition sur Paris. Nous renvoyons les discussions à la fin du mois de mai. Soit l'économie repart en flèche et on reprend le dossier ; soit le redémarrage est doux et ce type d'investissement sera reporté à des jours meilleurs.
 

Que retiendrez-vous de cette période exceptionnelle pour votre entreprise ?


N L-F : Je vous donne un exemple concret. Nous faisions régulièrement des séminaires avec nos clients. Depuis le confinement, nous les avons transformés en webinar (le webinar ou webinaire dans sa version française, provient de la contraction entre “web” et “seminar” ; NDLR). Le succès est phénoménal. Nous avons très souvent 50 participants alors qu'avant nous n'en aurions eu que 25 physiquement présents. Le fait pour eux de n'avoir pas à se déplacer fait que nous avons une audience beaucoup plus large. Ca, ça perdurera demain.

Pour ce qui est du télétravail, les collaborateurs me disent tous : "je n'ai jamais autant travaillé de ma vie". Les craintes que les employeurs pouvaient avoir sur la productivité de leurs salariés n'avaient donc pas lieu d'être. Par contre, le télétravail détruit le lien social au sein de l'entreprise et le sentiment d'appartenance à un groupe. Et je ne crois pas que ce soit une bonne idée de le généraliser après le confinement.
 

L'économie, demain, à quoi ressemblera t'elle selon vous ?


N L-F : Ce qu'on vit avec ce coronavirus, on le doit ni plus ni moins à un mode de vie dans certaines campagnes chinoises où l'on massacre la faune. Cela peut donc recommencer.

J'espère que dès le lendemain de la crise, la France et les états européens vont encourager les relocalisations. Pour ça, il va falloir acquérir de nouveau les savoir-faire perdus.

J'espère aussi que les entreprises dans leur relation client-fournisseur auront compris que "low cost is not beautiful" comme disent les américains. Parce que derrière les bas-coûts, il y a des enjeux de dépendance et de qualité.

Chez Cheops Technology, je n'ai pas voulu travailler avec Huawei et Lenovo pour des questions de confiance sur la sécurité des produits. Avec ce qu'on vit aujourd'hui, je peux vous assurer que tant que je serai président de la société, je ne travaillerai plus avec des marques chinoises.
 

Propos recueillis par Guillaume Decaix








 
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