Younes, un Palois de 26 ans bloqué en Australie où il travaillait. Eric, Bordelais de 50 ans qui voyageait, confiné aux Philippines comme Sébastien et Audrey en voyage de noces. Ils veulent tous rentrer en France mais ne savent pas comment alors que l'épidémie COVID 19 n'épargne aucun pays.
En mars dernier, Younes quitte la France pour l'Australie. Il a trouvé un emploi dans l'un des restaurants de luxe de Melbourne. Comme lui, 25 000 Français sont attirés chaque année par ce pays où le chômage ne dépasse pas les 5%. Une vie de rêve brisée par le coronavirus. L'Australie, est, elle aussi rattrapée par le Covid 19. Selon l'European Centre for Disease Prevention and Control, plus de 1700 cas ont été testés, essentiellement autour des deux principales métropoles, Sydney et Melbourne.
Le Premier ministre australien, Scoot Morrison, a donc décidé dans un premier temps d'interdire tout rassemblement de plus de 100 personnes.
Les Australiens ont commencé à moins sortir et Younes a perdu son emploi. Et depuis hier, à Melbourne comme à Sydney tous les commerces non essentiels sont fermés.
Younes est ce que l'on appelle un backpacker. Son visa (un Working Holiday Visa) l'autorise à travailler mais ne lui ouvre pas les droits au chômage.
Or la vie est chère en Australie, en particulier les logements. Le jeune palois, en colocation, doit payer un loyer en moyenne deux fois plus élevé qu'en France.
Avec ses économies, il pourrait tenir quelques semaines mais il est perdu, angoissé.
Les consignes de l'ambassade sont claires : rentrer en France. On a essayé de rentrer. Notre premier vol qui passait par Singapour mercredi a été annulé. L'Ambassade nous a conseillé de passer par les Emirats mais notre deuxième vol qui passait par Dubaï a lui aussi été annulé.
Deux vols qu'il a payés pour rien et qu'il n'est pas sûr de se faire rembourser.
Les prix sont exorbitants pour rentrer sur Paris. Et puis il y a beaucoup d'arnaques. Certaines compagnies vendent encore des lignes vers des aéroports fermés.
Rentrer à tout prix
Dans un communiqué conjoint de Jean-Yves Le Drian et Jean-Baptiste Djebbari les Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et le Secrétaire d’État chargé des transports précisaient hier avoir "demandé aux Français actuellement en déplacement temporaire à l’étranger de rentrer rapidement en France, tant que des liaisons aériennes sont en place".
Mais aujourd'hui "tous les vols sont annulés. On attend un potentiel rapatriement" s'inquiète Younes. Demain, il tentera sa chance une nouvelle fois. Un vol pourrait décoller vers Paris mais il passe par Bangkok et la Thaïlande impose des conditions impossibles à remplir et réclame, entre autres, un test négatif au COVID 19. Or l'Australie ne les réalise que sur les malades. Younes a donné son préavis pour quitter sa colocation. Il a des amis pour l'héberger mais ce dernier billet a considérablement amputé son budget.
A 6000 kilomètres de là, Eric est confiné depuis une semaine à Port Barton. Ce bordelais de 50 ans était en voyage aux Philippines. Il avait posé son sac dans l'île paradisiaque de Palawan, au sud ouest des Philippines.
Ici, tout change très vite, d'abord les restos ont fermé ne faisant plus que de la vente à emporter, puis les livraisons ont été arrêtées. Nous n'étions plus autorisés à sortir, à aller à la plage. Depuis une semaine, les consignes se sont durcies avec un couvre feu à 20 h. Police et militaires patrouillent dans les rues pour les faire respecter.
C'est l'anarchie de l'info
Isolé dans sa chambre d'hôte, il reçoit les informations au compte-goutte :
Nous n'avons jamais eu d'infos de la part des autorités philippines. Ce sont d'autres touristes ou des commerçants qui nous ont prévenus du premier confinement pour soit disant un mois, jusqu'au 15 avril. Nous n'étions pas au courant des deux premières vagues de départ vers le 17 mars et dans la nuit du 20 mars.
Les Philippines ont officiellement déclaré 25 morts et près de 400 cas au 23 mars. Cette démocratie dure a placé sa capitale en confinement total le dimanche 15 mars compliquant considérablement les possibilités de rentrer en France. Le régime a depuis décrété l'état d'urgence et laissé 72 h aux étrangers pour quitter le territoire. Une mesure assouplie par la suite.
L'ambiance s'est encore tendue vendredi explique Eric. Un Australien qui avait séjourné à Port Barton a été déclaré contaminé au COVID 19. Or, aux Philippines, pays pauvre au développement économique contrasté, les hôpitaux ne disposent pas des mêmes équipements qu'en France :
Une partie de la population locale se méfie de nous, beaucoup portent des masques, les rues sont désertes. L'ambiance est très étrange. Certains touristes sont très anxieux par rapport à ce qui se passe. Ils ont peur que le virus se propage dans ce village qui est à 2 h 30 de route du premier hôpital. D'autres disent qu'on est mieux ici que coincés dans un aéroport. Moi, je suis d'humeur changeante même si je veux rentrer au plus vite en France, j'attends que ce soit un minimum organisé. Il faut savoir que des vols sont annoncés puis annulés. Rien n'est clair.
L'ambassade a mis en place un recensement par île. Les Français sont priés de s'inscrire sur le registre du ministère des Affaires étrangères qui annoncent sur son site avoir rapatrié 400 compatriotes de Manille.
Mais pour l'instant Eric est coincé à Port Barton, sans moyens de se rendre à Manille.
Ce matin, les autorités philippines lui ont demandé de changer d'hôtel. Elles lui ont promis un vol vers la capitale jeudi.
Notre place est auprès de nos familles
Un couple de Saint-Jean de Marsacq dans les Landes est dans la même situation. Sébastien et Audrey étaient en voyage de noces aux Philippines pour quinze jours et devaient rentrer hier. Ils ont laissé leurs deux enfants de 13 et 15 ans en France chez leur grand-père âgé de 70 ans. Sébastien confie son inquiétude :
Sébastien confirme que Port Barton, après un cas avéré, est en confinement total :Bien que le réseau soit très difficile, on arrive à avoir des nouvelles de temps en temps. On est inquiet. On sait qu'en France, il y a de nombreux cas, plus qu'ici.
On a besoin d’être près de nos familles. On se sent impuissants. On est rassurés par le gouvernemnt qui nous a dit qu’il mettait tout en œuvre. Ce n’était pas le cas il y a trois jours. Mais on a une réelle inquiétude pour nos enfants. Notre place n’est plus aux Philippines mais auprès de nos familles.
On a des militaires pour contrôler chacun de nos mouvements, chacun de nos passages. On ne fait plus ce que l’on veut. On a la chance d’être dans un pays accueillant et bienveillant. Ce sont nos voisins qui nous apportent à manger, qui nous amènent des bidons d’eau. On est dans une villa avec six Francais.
Le couple est conscient de ne pas être prioritaire mais demande maintenant un rapatriement rapide et pas trop onéreux.
Nous avons recueilli leur témoignage lundi >