Le Professeur bordelais Denis Malvy, infectiologue membre du Conseil scientifique sur la COVID-19, fait le point sur la vaccination et les traitements en cours. Pour lui, l'immunité collective est la seule solution pour sortir d'une crise sanitaire qui pourrait encore durer une année.
"On a tous envie de sortir de ce confinement, ce n'est pas gagné mais il faut pourtant le réussir".
Le professeur Denis Malvy ne fait pas de langue de bois quand on le questionne à mi-parcours de ce troisième confinement national, alors que le cap symbolique des 100 000 morts de la COVID-19 a été franchi.
Denis Malvy a guéri le premier patient français frappé par le Coronavirus au CHU de Bordeaux. C'était en janvier 2020. Membre du Conseil scientifique, il éclaire Emmanuel Macron sur les mesures sanitaires à appliquer même si elles ne sont pas toujours suivies par l'Exécutif. Il se dit avant tout mesuré, humble et factuel face à cette pandémie dont on est loin de tout savoir, précise-t-il :
Bien malin celui qui pense que cet été, tout sera résolu. La sortie du confinement doit être considérée bien au-delà de l'échelon régional. Il faut voir ce qui se passe en Europe pour une harmonisation vertueuse, a minima entre pays frontaliers. Selon moi, la réouverture de nos écoles sera un moment pivot pour réussir le déconfinement. Il faudra l'accompagner.
Pas encore le bout du tunnel
Alors comment réussir ce nouveau déconfinement ?
"Nous y réfléchissons explique Denis Malvy, nous listons des propositions aux décideurs, mais je ne sais pas quelles mesures seront actées."
A l'entendre, il est clair de toute façon que le bout du tunnel reste encore loin, même s'il se rapproche.
L'insouciance, ce ne sera pas pour cet été. Si vous me demandez quand est-ce qu'on en aura fini avec cette crise ? Nous en avons jusqu'a la fin de l'hiver 2022, il est raisonnable de le penser, la situation devrait être stabilisée grâce à la vaccination.
Et d'ajouter que d'ici là, "les gestes barrières resteront indispensables tant que nous n'aurons pas atteint un taux de vaccination suffisant pour une immunité collective, en clair, entre 60 % et 90 % de la population".
La vaccination, c'est LA solution pour s'en sortir. Les vaccins à ARN-Messager type Pfizer, pourtant si décriés au début, sont efficaces et bien tolérés. Il y aura des réajustements au fil du temps. Ces vaccins nous serviront de futures cartouches pour éliminer tous les variants car le virus originel a quasiment disparu aujourd'hui.
"Nos concitoyens sont admirables"
Les suspicions de cas graves de caillots sanguins avec le vaccin Johnson & Johnson et auparavant les cas de thromboses après des injections d'AstraZeneca restent rarissimes (par exemple 19 cas mortels en Grande Bretagne pour 20 millions d'injections) mais elles jettent le trouble dans l'opinion publique sur ces vaccins élaborés en quelques mois, contre parfois plusieurs années pour d'autres maladies.
Nos concitoyens ont le droit de se questionner. On a poussé au maximum le principe de précaution et c'est normal , c'est ce qui nous fait avancer. Mais je ne sens pas de "vaccino-hésitation" dans la population. Nos concitoyens sont formidables : ils sont malmenés mais continuent d'adhérer à l'idée du vaccin.
Une prise en charge ciblée plus efficace et plus rapide
Pour Denis Malvy, l'autre progrès significatif dans cette crise sanitaire est la meilleure connaissance de la maladie.
La prise en charge des patients hospitalisés s'est améliorée. Les profils susceptibles de développer des cas graves sont identifiés, les soins sont ciblés et moins agressifs :
Les malades meurent moins. Auparavant, on intubait trop les patients en réanimation et trop longtemps. Aujourd'hui, l'oxygénothérapie est performante, on a fait des progrès énormes avec les corticoïdes et les anticoagulants. Ces bénéfices font moins de séquelles et raccourcissent l'hospitalisation. Mais on connait mal encore le "COVID long".
Le CHU de Bordeaux et l’Université de Bordeaux ont également initié en avril 2020 le programme COVERAGE, un essai clinique innovant pour le traitement précoce de la Covid-19.
Il porte ses fruits ajoute Denis Malvy :
Il nous permet d'agir tôt (en quelques jours) pour que la stratégie médicamenteuse soit efficace. Et nous testons des médicaments spécifiques comme des corticoïdes inhalés, certains anticorps... Cette prise en charge précoce, c'est le levier majeur, grâce notamment aux médecins généralistes et toute la médecine ambulatoire
[REPORTAGE] "#Coronavirus : des traitements testés à domicile" L'essai #COVERAGE, étude clinique en ambulatoire sur la #COVID19, promu par le @CHUBordeaux dans le 19/20 de @France3tv #recherche
— CHU de Bordeaux (@CHUBordeaux) December 4, 2020
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Et après ? Une culture sanitaire apaisée
Quand on demande enfin au Professeur Malvy de faire un peu de "médecine fiction" pour imaginer l'après-crise (au delà de l'hiver 2022, donc), il se risque à l'exercice :
On a appris de nos erreurs mais je ne vois pas de temps outrageusement perdu dans cette crise. Pour les décideurs, ce n'est pas simple. De tout cela, il restera je pense une culture sanitaire apaisée du risque, il faut l'inventer, avec des mesures sans contraintes dans le quotidien des français mais toujours là, comme des gestes barrières, ne serait-ce que pour combattre d'autres virus.
En attendant, et dans l'espoir d'un déconfinement début mai, les services de réanimation en France soignent 5900 malades de la COVID-19 selon Santé publique France au 13 avril et l'immunité collective tant espérée devra encore attendre : pour l'heure, un Français sur six a reçu au moins une dose de vaccin.