Des chercheurs bordelais s'intéressent aux conséquences du coronavirus sur la reprise du sport de façon intensive. Susceptible d’affaiblir le cœur, il pourrait provoquer arythmies et morts subites. Ils ont lancé une étude sur 2000 sportifs. Des joueurs de Top 14 et Pro D2 y participent.
« Un amateur est décédé la semaine dernière au cours d’un match de rugby, un joueur de basket américain covid+ a été terrassé en jouant le mois dernier, un sportif professionnel a été victime d’une tachycardie ventriculaire il y a 15 jours à Grenoble » souligne Isabelle Pellegrin, médecin biologiste au CHU de Bordeaux. Ces décès sont-ils une conséquence de la covid-19 ? Dans ce cas, aurait-on pu les prévenir ?
L’étude ASCCOVID19 lancée en mars dernier par le CHU de Bordeaux et menée par Laurent Chevalier, cardiologue à la clinique du sport de Mérignac, et Isabelle Pellegrin a pour objectif d'apporter des réponses à ces interrogations.
« Il ne faut pas être dans la peur absolue, ces cas n’ont peut-être rien à voir avec le coronavirus, mais on doit vérifier » explique la scientifique, « il faut étudier l’association entre l’infection, les troubles rythmiques et les images de fibrose myocardiques » précise t-elle.
Car l’enjeu est de taille. Il s'agit de savoir si l'on peut autoriser les sportifs à reprendre les entraînements intensifs après avoir contracté le virus. Et comment les accompagner.
Les virus, vrais dangers pour les sportifs
Le phénomène est peu connu du grand public, mais il faut savoir que la pratique sportive est fortement déconseillée en cas d’infection par un virus comme la grippe par exemple. « Ce genre de virus va se fixer sur le muscle cardiaque, créer une réaction inflammatoire puis de la fibrose. Cela peut générer des arythmies et provoquer des morts subites » explique Laurent Chevalier.
Ce coronavirus ne fait pas exception à la règle. Si le suivi est systématique chez les patients ayant été hospitalisés, quid de ceux qui n’ont eu que de légers symptômes voire pas de symptômes du tout ? Les résultats de l’étude, attendus en fin d’année, permettront d'y voir plus clair.
TOP 14, Pro D2, RAID et STAPS visés par l’étude
2000 sportifs, âgés de 17 à 40 ans environ, ont accepté d’y participer. Parmi eux, plus d’un millier de rugbymen des clubs de TOP 14 et Pro D2, 500 étudiants de STAPS de l’université de Bordeaux et une centaine de policiers du RAID.« Nous avons travaillé avec la Ligue Nationale de Rugby et la plupart des clubs du Top14 et de ProD2. Le rugby a la singularité d’être associé à des contacts physiques très étroits rendant impossible la distanciation sociale pendant les matchs et les joueurs bénéficient, grâce au protocole de la LNR d’un suivi médical et biologique très complet, rigoureux et adapté à cette épidémie. L’étude ASCCOVID19 s’est adossée à ce suivi de la LNR et valorisera le travail de tous» indique Isabelle Pellegrin.
Chaque sujet test, susceptible d’avoir été atteint par la covid-19, doit effectuer un électrocardiogramme, une échographie d’effort et une IRM cardiaque, seule façon de vérifier l’état du cœur. « Si on trouve une majorité de fibroses, ce serait embêtant » avoue Laurent Chevalier tout en relativisant : « la fibrose ne provoque pas une arythmie grave dans tous les cas, mais c’est un niveau de risque supplémentaire ».
De plus en plus de sportifs positifs en zones rouges : il y a urgence à établir des recommandations
Pour l’heure, rien n’est encore prouvé. « L’idée c’est d’aller vite dans nos recherches pour établir des recommandations, soit rassurantes si le suivi spécifique ne montre rien de particulier, soit émettre un signal d’alerte s’il s’avère que les risques de complications cardiaques sont réels ».Isabelle Pellegrin s’inquiète notamment pour les jeunes sportifs urbains qui ne bénéficient d’aucun suivi médical particulier, comme pour tous ceux qui pratiquent du sport loisir et vivent en zone rouge, là où le virus circule et contamine de façon exponentielle. « Cela concerne des centaines de milliers de personnes » renchérit Laurent Chevalier qui prévient : « en cas d’atteinte du cœur, des séquelles peuvent survenir plusieurs mois plus tard, il faudra se contraindre à un suivi régulier ».
Le financement de la recherche pas encore bouclé
« Effectuer des centaines d’IRM coûte très cher. Nous avons bénéficié d’aides du CHU, de l’Université de Bordeaux et de la Région Nouvelle-Aquitaine à hauteur de 350 000 euros mais il nous manque des fonds pour pouvoir mener à terme cette étude d’intérêt pour tous » regrettent les médecins toujours à la recherche de partenaires.pdf etude ascovid-19 coeur et sportif
Ils espèrent pouvoir obtenir des résultats d’analyses intermédiaires d’ici novembre et publier des conclusions et des recommandations avant la fin de l’année.
Quoi qu'il en soit, en cas de fièvre due à un virus, n'oubliez pas : repos total. Attendez au moins une semaine avant de reprendre une activité physique.