Après l'explosion du 4X4 d'assistance de l'entreprise girondine Sodicars Racing jeudi matin à Jeddah, toute l'équipe est sous le choc. Le pilote Philippe Boutron, très gravement blessé aux jambes, sera rapatrié ce dimanche à l'hôpital militaire de Clamart.
"La bombe lui a explosé dans les jambes. Il a failli y passer" sanglote Marie-France Estenave jointe ce dimanche matin au téléphone.
L'attachée de presse de Sodicars Racing est, comme l'ensemble de l'équipe girondine, extrêmement choquée par le drame qui s'est déroulé jeudi matin à Jeddah, ville de départ du Dakar 2022.
Sodicars Racing est une société qui propose des services d'assistance aux pilotes avant et pendant la course. Elle prépare les véhicules et les répare dès qu'un problème survient. Le patron, Richard Gonzalez, suit le Dakar à bord d'un camion d'assistance rapide avec deux de ses mécaniciens. Sur cette édition 2022 il appuie sept équipages avec l'aide d'une quinzaine d'employés girondins, chargés de la mécanique et de la logistique.
Scène d'horreur
"Philippe (Boutron, l'un de leur client pilote) était logé à l'hôtel, il avait une des voitures d'assistance de Sodicars. jeudi matin à 9 heures, il a roulé une centaine de mètres après être sorti de son logement et ça a explosé" explique Mélanie Gonzalez, la fille du patron de Sodicars, restée en France. "Ils étaient six dans la voiture, ils sont tous sous le choc".
"C'est Mayeul (Barbet, le co-pilote de Philippe Boutron) qui a donné les premiers soins à Philippe. Il l'a sorti de la voiture, il perdait énormément de sang. Il lui a fait des garrots en attendant l'arrivée d'une ambulance" poursuit Marie-France Estenave.
"Il a été transporté dans un hôpital de campagne puis transféré dans un hôpital militaire au vu de la gravité de ses blessures. Ils ont même pensé à l'amputer".
Le pilote blessé aurait subi plusieurs opérations aux jambes. Son état serait désormais stabilisé mais il serait plongé dans le coma. Il doit être rapatrié ce dimanche à l'hôpital d'instruction des armées de Clamart en région parisienne.
"Un attentat"
"C'est un attentat, c'est clair" affirme Marie-France Estenave, "ce n'est pas un accident. La bombe était placée sous le longeron du 4X4. C'était un gros 4X4, ça a un peu amorti l'explosion, le chassis était très épais, il a freiné l'élan de la bombe. Philippe a été le seul blessé".
"Les autres n'ont rien mais ils ont vu l'enveloppe de la bombe calée dans le longeron avant que le véhicule ne soit saisi par les enquêteurs".
A l'intérieur du véhicule se trouvaient deux équipes girondines, Philippe et Maxime Raud, père et fils (dossard 294), et Thierry Richard et Franck Maldonado (dossard 276), aux côtés de Philippe Boutron et Mayeul Barbet contraints eux bien évidemment d'abandonner.
"Ils voulaient tous arrêter mais Philippe leur a demandé de continuer. Ils ont pris le départ mais le coeur n'y est pas. C'est très dur" nous confie Marie-France Estenave.
L'équipée girondine attend les résultats de l'enquête menée par la police saoudienne et s'interroge.
"Garder le silence" autour de la piste de l'attentat
"Qui dit qu'il n'y aura pas une 2e ou une 3e bombe ?" s'inquiète l'attachée de presse qui ne comprend pas pourquoi l'organisation du Dakar a demandé à chacun de garder le silence sur la piste de l'attentat, jusqu'au départ samedi 1er janvier. Même si elle a été, précise t-elle, d'un grand soutien dans ce drame.
"Nous nous étions engagés, toute l'équipe de Sodicar, à ne rien dire jusqu'à hier" (samedi) affirme t-elle.
"La direction de la course nous a demandé de nous taire car elle n'était pas du tout sûre qu'il s'agissait d'un attentat. Elle voulait temporiser avant le départ pour que tout se passe dans l'ordre et sans panique. Si les concurrents l'avaient appris certains auraient peut-être plié bagage. Nous avons aussi dû cacher la vérité à la famille pendant 3 jours. Ca, j'avais beaucoup de mal à l'accepter".
"Je ne comprends pas pourquoi il a fallu se taire" ajoute t-elle complètement chamboulée. "Je ne comprends pas la demande de David Castera. (le directeur du Dakar 2022). Avant, le danger c'était les accidents sur le parcours maintenant il y a des attentats !"
L'inquiétude pour la suite de la course
La sécurité autour de la course a été renforcée.
Le Quai d'Orsay s'est saisi de l'affaire. "On espère qu'il y ait un peu de vérité qui éclate d'ici ce soir voire demain. La famille de Philippe en a besoin".
Le Dakar pourra t-il encore se tenir au Moyen-Orient ou en Afrique ? Marie-France Estenave, comme de nombreux concurrents de la course, s'interroge.