Face à l'inflation, les Français ont diminué leurs dépenses alimentaires. Notamment en bio. Un fonds d'urgence de 10 millions d'euros a été débloqué par le gouvernement pour aider les agriculteurs en difficulté. Insuffisant dit le secteur. Réactions en Aquitaine.
Au dernier salon de l'Agriculture, Elisabeth Borne annonçait un plan de soutien à la filière biologique avec un fonds d’urgence de dix millions d'euros. Le montant de l’enveloppe attribué varie en fonction des régions.
La préfecture du Lot-et-Garonne précise qu'il s'agit d'une "aide à la trésorerie d’un montant minimal de 2 500 euros", réservé aux exploitants en difficulté.
70 millions d'euros de pertes pour éleveurs bio
Les agriculteurs concernés peuvent effectuer leur demande d’aide jusqu’au 25 mai 2023. L'aide sera plafonnée à 20 000 euros par entreprise sur trois ans. Les fermes d’élevage sont prioritaires, au même titre que celles vendant leur production en direct ou à des groupements bio, et que celles récemment installées.
Après l'annonce du gouvernement, les organisations syndicales et professionnelles ont rapidement indiqué que le plan de soutien était insuffisant pour le secteur.
"C'est une une goutte d’eau dans l’océan de la crise traversée par les éleveurs bovins allaitants bio" a indiqué la Fédération Nationale Bovine (FNB). "La FNB appelle le Gouvernement à une réaction urgente, car les pertes sont estimées à 70 millions d'euros pour ces éleveurs, rien que sur l’année 2022".
Arnaud Rousseau, le nouveau président de la FNSEA, le principal syndicat, a estimé que le projet "n'est pas à la hauteur de l'enjeu". "Il faut un plan massif", de l'ordre de 50 à 100 millions d'euros pour aider les producteurs bio qui sont en ce moment dans une difficulté majeure. Il faut aider le bio, avant de viser l'objectif de 18%" de surfaces agricoles bio en 2027 fixé par la France, assure-t-il.
Ventes en baisse
Il faut dire que les Français dépensent moins en alimentaire en général et en bio en particulier depuis deux ans, cinq milliards de moins en tout. L'inflation accentue encore le phénomène. Pour le bio, les dépenses ont baissé de 1,34 % en 2021 selon l'Agence bio.
Un sacré coup de frein après des années de très forte hausse : la consommation de bio avait doublé en seulement cinq ans, entre 2015 et 2020.
Romain Chapolard fait ce constat en Lot-et-Garonne dans sa ferme bio à Mézin. "Mes ventes ont baissé de 30 % depuis l'an dernier" dit au téléphone cet éleveur et producteur de lait de vache qui fabrique différents produits laitiers, du yaourt à la crème glacée grâce à ses 40 vaches. Pour lui, le constat est clair, beaucoup de consommateurs se sont détournés du bio.
"Il y a deux ans, tout le monde achetait bio. Maintenant, je pense que les gens préfèrent dépenser leur argent dans les loisirs. Manger sainement n'est pas une priorité pour beaucoup".
Romain Chapolard, producteur à Mézin (47)France 3 Aquitaine
"50% des installations auront disparu dans moins de dix ans"
Installé depuis dix ans à Mézin, avec son frère et sa sœur, le jeune éleveur de 35 ans a investi beaucoup d'énergie et d'argent dans sa ferme et fait un constat plutôt amer. "Le bilan est vraiment mitigé. On est obligé de se battre tous les jours. Pour l'administratif et tout le reste. Le pouvoir politique a voulu une autonomie alimentaire, mais je pense qu'on a saturé le marché du bio. Tout a été fait pour installer le plus de producteurs, mais je pense que 50 % des exploitations auront disparu dans moins de 10 ans" déplore-t-il.
Romain Chapolard va se renseigner à propos de l'aide de l'Etat qui sera plafonnée à 20 000 euros, par entreprise sur trois ans. Les fermes d’élevage sont prioritaires, au même titre que celles vendant leur production en direct ou à des groupements bio, et que celles récemment installées.
Des critères très précis
Les critères d’éligibilité sont de détenir un certificat bio au titre de 2023, ou à défaut au titre de 2022, avec 80 % des recettes d'activités agricoles en bio.
De plus, il faut avoir bénéficié de l'aide à la conversion (CAB) sur plus de 10 % de la surface agricole (SAU), sauf conditions particulières, détaillées sur le site de la chambre d'Agriculture du Lot-et-Garonne.
Agriculture en tension
Pour la chambre d'agriculture de la Nouvelle-Aquitaine, le plan d’urgence de 10 millions d’euros est un "premier pas, mais l'agriculture biologique reste en tension"
"Depuis 2021, la consommation alimentaire des produits AB régresse, alors que les volumes de production sont supérieurs à la demande (dans la plupart des filières). De nombreuses conversions récentes à l’agriculture biologique continuent en effet à accroître l’offre.", reconnaît-elle. "Les conversions ralentissent depuis 2022 et les prévisions sont faibles pour 2023 et 2024, sans compter le risque accru de déconversions et d’arrêts."
En 2020, plus de 1 000 fermes sont passées en bio en Nouvelle-Aquitaine, un record pour la région qui comptait 8 010 fermes bio fin 2020, soit 13 % des exploitations, d'après la fédération régionale d'agriculture biologique.