Des chercheurs démontrent l'existence d'une exoplanète océan "potentiellement habitable"

Une équipe de planétologues du CNRS, en collaboration avec des astronomes de l’Université de Montréal, vient d’apporter les premières preuves tangibles démontrant l'existence d'une exoplanète océan. Martin Turbet, chargé de recherche au CNRS, affilié au Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux nous explique l'impact de cette découverte optimiste.

LHS 1140b, une exoplanète située à 48 années-lumière dans la constellation de la Baleine, pourrait être la première planète océanique détectée en dehors de notre système solaire. Grâce aux observations du télescope spatial James Webb, des chercheurs de l'Université de Montréal et du CNRS ont confirmé qu'il s'agissait d'une super-Terre avec une masse environ 5,6 fois celle de la Terre, dépourvue d'une atmosphère épaisse d'hydrogène et d'hélium, suggérant la présence d'une grande quantité d'eau.

Une planète "potentiellement habitable"

Cette découverte, publiée dans The Astrophysical Journal Letters, souligne le potentiel habitable de LHS 1140b, avec des conditions favorables à la présence d'eau liquide en surface. Martin Turbet, chargé de recherche au CNRS et affilié au Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux, note que ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives dans la recherche de planètes habitables, avec de futures observations prévues pour mieux caractériser l'atmosphère de cette super-Terre.

En quelques mots, qu'est-ce qu'une exoplanète ?

C'est assez simple. Il s'agit d'une planète qui tourne autour d'une autre étoile que le soleil, en dehors donc de notre système solaire. Aujourd'hui, on en a découvert plus de 6 000 et on pense que, dans les années à venir, ce nombre va continuer d'augmenter.

Comment sont réalisées ces découvertes ?

La méthode consiste en des observations et des calculs. Mais les observations sont clairement le nerf de la guerre. On a tout un tas de télescopes dans la terre ou dans l'espace. Les instruments comme le télescope spatial James Webb permettent d'analyser les atmosphères des exoplanètes et de détecter des éléments chimiques clés.

On a espoir dans les années à venir d'apprendre d'autres leçons.

Martin Turbet

Chargé de recherche au CNRS et affilié au Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux

Quelle est la particularité de cette exoplanète découverte ?

LHS 1140b se distingue par sa masse significativement plus grande que celle de la Terre, environ 5,6 fois plus massive. Cette caractéristique suggère une gravité plus élevée, ce qui pourrait avoir aidé la planète à conserver son atmosphère.

Comment expliquer cela ?

Deux hypothèses étaient les plus probables : soit la planète aurait une atmosphère épaisse d'hydrogène et d'hélium comme les planètes géantes (version miniature d'Uranus et Neptune). Soit une grande quantité d'eau, comme une version massive des lunes glacées comme pour Ganymède, Encelade ou Europe, qui orbitent autour des planètes géantes du système solaire. Grâce au télescope James Webb, on a pu écarter la première option.

Bien que nous n'ayons pas encore détecté directement l'atmosphère de LHS 1140b, la présence possible d'une grande quantité d'eau, combinée à des températures de surface comparables à celles de la Terre ou de Mars, vont dans ce sens. Sur Terre, l'eau représente seulement 0,02 % de la masse, tandis que LHS 1140b pourrait en contenir entre 10 et 20 %, c'est énorme.

En quoi ces découvertes sont importantes ?

Ça change la perspective. La première découverte d'exoplanète a été faite autour de l'année 1995 et avant, on ne savait pas trop, même si on se doutait qu'il y en avait. Depuis, on sait que quasiment toutes les étoiles ont des planètes, ça a été une transformation scientifique importante pour comprendre l'évolution du système solaire en étudiant d'autres exoplanètes, des petites, des grandes, des chaudes. On a bon espoir de pouvoir mieux comprendre notre système solaire.

Par exemple ?

Pour vous parler d'une des grandes surprises qu'on a eues au tout début. Les premières exoplanètes qu'on a découvertes étaient de type "Jupiter chaud", c'est-à-dire géantes comme Jupiter, mais tellement proches de leurs étoiles que leurs températures sont de plusieurs milliers degrés Celsius. Elles n'existent pas dans notre système solaire. La seule manière qu'on a d'expliquer ces planètes, c'est qu'elles se sont formées très loin de leur étoile et se sont progressivement rapprochées. C'est important pour comprendre notre propre système solaire, car cela permet d'expliquer que des planètes comme Jupiter ou Saturne ne sont pas statiques et peuvent bouger dans le temps.

Ces découvertes ouvrent-elles la perspective de la vie sur une planète ?

Oui, c'est une autre grande motivation. On se dit qu'en observant ces planètes, peut-être qu'une fraction d'entre elles peuvent avoir des conditions propices à l'émergence de la vie et ça fait partie des quêtes qui nous animent dans notre communauté scientifique. C'est difficile aujourd'hui malheureusement, on n'a pas les outils qui permettent de détecter des traces de vie. On essaie de construire des séquences d'observation d'ici à 50 ans.

Qu'est-ce qu'il manque aujourd'hui ?

Ces vingt dernières années, la plupart des activités consistaient à essayer de trouver des exoplanètes. Depuis dix ans, on essaie de savoir de quoi elles sont faites. Cela consiste à mesurer, peser ces planètes, savoir si elles ont une atmosphère, vapeur d'eau, dioxyde de carbone, etc. C'est ce qu'on est en train de faire en ce moment. Pour trouver d'éventuelles traces de vie, on a besoin de sonder cette atmosphère avec un tel degré de précision qu'il nous faut des instruments performants. On est en train de réfléchir à leur conception via deux projets, américain et européen, qui pourront voir le jour d'ici à 2040 et pourraient avoir la capacité d'aller chercher ces signatures plus fines dans l'atmosphère de ces exoplanètes.

Ces résultats sont positifs, donc ?

Pour avoir beaucoup travaillé sur ces planètes, on a eu beaucoup de douches froides avec des résultats qui montraient que les planètes internes n'avaient pas d'atmosphère. Là, c'est une première nouvelle optimiste dans l'étude de ces planètes semblables à la Terre. C'est la première fois qu'on a des indices et des résultats positifs, ça nous motive beaucoup à en savoir plus sur cette planète et à la réobserver pour essayer de savoir de quoi serait faite cette atmosphère.

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