Des pesticides dans l'eau potable : un désherbant très utilisé dans la culture du maïs bientôt interdit ?

Le S-métolachlore, un herbicide agricole courant dépasse les limites autorisées dans les eaux souterraines fournissant de l'eau potable. L'Agence française de sécurité sanitaire (Anses) a annoncé, ce 14 février, vouloir en interdire les principaux usages. Mais ce désherbant est très utilisé par les producteurs de maïs, soja et sorgho notamment en Nouvelle-Aquitaine.

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L'usage de ce type de pesticides est assez courant dans l'agriculture. C'est le cas pour celui-là. Avec 1.946 tonnes par an, "le S-métolachlore est l'une des substances actives herbicides les plus utilisées en France", explique l'Anses (l'Agence française de sécurité sanitaire), essentiellement dans les cultures du maïs, du tournesol et du soja.

Après usage dans les champs, cette substance se dégrade en dérivés chimiques, des "métabolites", qui se retrouvent dans les sols, les eaux de surface et eaux souterraines.

Récemment, "lors de contrôles des eaux souterraines destinées à la consommation humaine, trois métabolites du S-métolachlore ont été fréquemment détectés à des concentrations dépassant les normes de qualité" fixées par la législation européenne, poursuit l'agence sanitaire.

Seuils et dérogations

Selon Cyril Giraud de l'association Générations futures en Gironde, "il y a une pollution souterraine très importante avec cette molécule (...) C'est une bonne chose qu'on s'achemine vers l'interdiction de ces herbicides".

Mais, le plus souvent, selon lui, quand on retrouve ces métabolites de la substance dans l'eau, on permet alors des dérogations. "Au lieu d'appliquer le principe de précaution, les services publics ont plutôt tendance à mettre des seuils bas. Et quand on les dépasse, ils donnent des dérogations, parce qu'il n'y a pas de preuves solides du fait qu'il y a des risques avérés pour la santé à ces doses-là. Alors que, nous, on milite pour le principe de précaution : tant qu'on n'a pas de preuve de l'innocuité... On préfèrerait avoir une règlementation plus protectrice".

Ces "métabolites" nous explique Cyril Giraud, ce sont les dérivés chimiques qui résultent de la dégradation de la substance active autorisée, mais aussi des adjuvants dont la liste est tenue secrète. "On ne sait pas la composition réelle des pesticides utilisés en agriculture".

Ces métabolites sont donc de nouvelles molécules et "certaines ne sont pas forcément inoffensives" et ce n'est pas du tout "analysé en termes d'impact sur la santé, ni sur les écosystèmes".

Manque de transparence

"Nous, ce qu'on demande c'est plus de transparence sur la composition des produits, sur l'utilisation des produits. Aujourd'hui, les agriculteurs doivent noter sur un cahier tous les traitements qu'ils font. Mais ce cahier est quasiment secret. Il n'y a que la DRAAF qui peut y accéder. Or, la règlementation européenne considère que les épandages de produits phytopharmaceutiques dans l'environnement sont d'intérêt public. Cette règlementation européenne n'est pas appliquée en France".

Cyril Giraud indique avoir proposé notamment à la chambre d'agriculture de Gironde de rendre ces informations publiques, concernant les opérations d'épandage, peut-être via des sites ou une application numérique, mais "le monde agricole n'en veut pas".

Les agriculteurs veulent "des solutions"

Dans les Landes, la maïsiculture est très répandue. Marie-Hélène Cazaubon, Présidente de la Chambre d'agriculture des Landes,  explique qu'ici, "on n'a pas encore de chiffrage de l'impact que cela pourrait représenter" (l'interdiction de la molécule, ndlr) mais elle ajoute "nous sommes un département producteur de maïs. Le maïs est une céréale qui utilise le moins de produits de traitements". Et elle veut souligner le fait que "chaque molécule utilisée, l'est par des producteurs qui sont des professionnels, avec un certificat leur permettant d'utiliser les produits de traitement, des produits homologués aujourd'hui, en respectant les dosages préconisés".

"Les agriculteurs sont dans une adaptation permanente de leurs pratiques culturales (...) Et si la règlementation doit changer, si on enlève une molécule et que cela doive impacter  les résultats techniques  et économiques des exploitants, il faut trouver des solutions"

Nous croulons sous les normes françaises qui se rajoutent aux normes européennes et nos collègues européens n'ont absolument pas les mêmes pratiques ! Ils peuvent commercialiser leurs produits avec des molécules interdites en France".

Une procédure de retrait

Ce 14 février, l'Anses annonce qu'elle "engage la procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore", dont un certain nombre sont commercialisés par Syngenta, le poids lourd allemand du secteur. 

Mais "la décision définitive est en cours", a précisé une porte-parole de l'agence. L'interdiction des principaux usages de ces désherbants ouvrirait un "délai de grâce" permettant la vente des produits pendant encore 6 mois et leur utilisation pendant 12 mois, selon l'Anses.

Sur ce dossier, l'agence sanitaire est sous pression de l'ONG Générations Futures et d'élus en Bretagne, qui lui avaient reproché, cet automne, de revoir à la baisse le risque sanitaire du métolachlore-ESA et du métolachlore-NOA, deux métabolites du S-métolachlore.
   

Après un rapport non-satisfaisant en 2021, l'Anses avait déjà "introduit des mesures de restriction dans les autorisations de mise sur le marché des produits à base de S-métolachlore, en particulier une réduction des doses maximales d'emploi pour le maïs, le tournesol, le soja et le sorgho".
"Malgré ces mesures de durcissement, les concentrations des trois métabolites du S-Métolachlore sont en situation de dépassement des seuils réglementaires", relève l'Anses.

En France, le plan Ecophyto, révisé en 2018, s'est donné comme objectif de réduire de 50% l'usage des pesticides de synthèse d'ici à 2025. En 2021, hors produits autorisés en bio et solutions de biocontrôle (utilisant des mécanismes naturels), environ 43.000 tonnes de produits phytosanitaires ont été vendues en France, selon des données provisoires du ministère de l'Agriculture, soit 19% en dessous de la moyenne 2012-2017.

Avec AFP
  

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