Sept adolescentes placées sous la protection du centre départemental de l'enfance et de la famille d'Eysines près de Bordeaux sont tombées sous la coupe d'un proxénète qui les prostituait dans un appartement de Mérignac depuis octobre 2021. Un des deux individus mis en cause a été placé en détention.
C'est une affaire sordide d'exploitation sexuelle de mineures vulnérables révélée par la procureure de la République de Bordeaux Frédérique Porterie, dans un communiqué de presse jeudi 7 avril dans la soirée.
Elles fuguaient pour se prostituer
C'est le centre départemental de l'enfance et de la famille d'Eysines (CDEF) qui a donné l'alerte en décembre 2021, faisant un signalement au parquet de Bordeaux pour des faits de prostitution concernant l'une de leurs pensionnaires âgée de 14 ans.
"Une jeune fille s'est effectivement confiée à un éducateur", explique Franck Bottin, directeur du CDEF d'Eysines.
Les investigations ont débuté le 31 décembre 2021. Une enquête de police menée par la Sûreté départementale de la DDSP33 a pu établir qu'au total ce sont sept adolescentes âgées entre 13 et 16 ans qui étaient victimes d'exploitation sexuelle. Elles fuguaient des foyers où elles étaient placées pour se prostituer dans un appartement de Mérignac, également dans la banlieue de Bordeaux.
Les sept jeunes filles étaient sous la coupe d'un proxénète, un Mérignacais âgé de 28 ans et propriétaire d'un appartement qu'il mettait à leur disposition pour la réalisation des relations sexuelles en échange de 50 % des gains, précise le parquet.
Ces investigations ont mis en évidence l'implication de deux hommes majeurs qui profitaient de la détresse sociale et affective de leurs victimes pour les enrôler dans des activités de prostitution via des petites annonces postées sur les réseaux sociaux, en marge de la vente de stupéfiants.
Selon Franck Bottin, directeur du CDEF de la Gironde, les faits de prostitution se sont également produits dans des hôtels de Mérignac, et pas toujours en échange d'argent. Les victimes demandaient un blouson ou une nuit d'hôtel.
Proxénétisme aggravé
Le principal mis en cause a d'abord séduit l'une des jeune filles qui a ensuite rabattu les autres mettant en avant la possibilité pour elles d'obtenir facilement de l'argent, selon le communiqué.
A son domicile, les enquêteurs ont saisi près de 4000 euros en espèce, 320 grammes de résine de cannabis, 50 grammes de cocaïne et 65 grammes d'herbe.
L'autre individu est âgé de 21 ans, et apparaît comme un associé occasionnel.
Les deux hommes ont été interpellés et placés en garde à vue le 5 avril 2022.
Ils ont été déférés au parquet jeudi 7 avril en vue de l'ouverture d'une information judiciaire et mis en examen des chefs de proxénétisme aggravé et infraction à la législation sur les stupéfiants.
L'un des deux individus mis en cause a été placé en détention provisoire ce vendredi 8 avril. Le second a demandé un délai pour organiser sa défense avec un avocat.
Détresse psychologique des adolescentes
Dans cette affaire de proxénétisme aggravé, les sept victimes n'étaient pas hébergées sur place. Elles étaient placées dans différents foyers gérés par le Centre départemental de l'Enfance et de la famille d'Eysines qui est le siège de la protection de l'enfance.
Cinq d'entre elles sont toujours placées en Gironde et sous la protection du département. Deux autres ont été placées dans un autre département.
Selon le directeur du CDEF de Gironde, Franck Bottin, ce sont des éducateurs qui ont recueilli les confidences des jeunes filles "très vulnérables au plan psychologique" et qui ont donné l'alerte. "Certaines sont dans le déni de la gravité des faits. Ce sont des jeunes filles très fragiles psychologiquement".
"Le travail des éducateurs, c'est encadrer au quotidien ces jeunes et ce travail se base sur la confiance. Ce travail est long et délicat et nous sommes souvent amenés à connaître des situations de délit comme celui-ci de proxénétisme envers des jeunes filles qui nous sont confiées".
"Dans un premier temps, il a fallu recueillir leur parole et cela ne va pas de soi car elles sont souvent dans le déni donc cela a pris du temps", précise Franck Bottin, "car les faits ne sont pas déroulés dans nos unités mais à l'extérieur donc il fallait recueillir un certain nombre d'informations. Sur ces situations de mise en danger comme la prostitution, il nous faut des éléments probant pour faire le signalement au procureur via l'article 40 du code de procédure pénale".
Cet article 40 du code de procédure pénale prévoit que tout officier public ou fonctionnaire qui dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis, sans délai au procureur de la République.
Pour le directeur, ses services de protection à l'enfance "ont bien fait" leur travail.
Voir le reportage d'Elise Galand et Guillaume Decaix :