Bordeaux : enfants placés, un documentaire "choc" sur France 3

Mercredi 16 janvier, dans le cadre de l'émission "Pièces à conviction", sera diffusé un documentaire accablant intitulé "Enfants placés, les sacrifiés de la République". L'enquête, réalisée par Sylvain Louvet, a été notamment réalisée au foyer d'Eysines près de Bordeaux.

Tout est parti d'une affaire dont la rédaction de France 3 Aquitaine avait fait écho à l'époque. Une lettre ouverte envoyée par huit éducateurs du foyer d'Eysines dénonçant les conditions d'accueil des enfants dans cet établissement. C'était en avril 2017.  Cette lettre ouverte s'intitulait "Les enfants sacrifiés de la République". Des mots choisis et repris par le journaliste Sylvain Louvet pour son documentaire produit par CAPA pour France 3.

"Cette lettre ouverte m'a clairement donné envie d'enquêter. J'ai été surpris qu'elle ne soit relayée que dans la presse locale. J'ai alors pris contact avec des salariés et des anciens salariés du centre d'Eysines. Et ce qu'ils m'ont raconté était tellement incroyable que je ne pouvais pas faire autrement que de travailler sur le sujet", explique Sylvain Louvet.


Cette lettre ouverte évoque des "agressions physiques, coups, morsures" entre enfants et sur le personnel, et des "abus sexuels entre usagers" qui se seraient multipliés et intensifiés. Des accusations graves. Le journaliste demande donc a être reçu dans l'établissement, le CDEF, Centre Départemental Enfance et Famille.

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Un journaliste infiltré

Ces institutions sont des lieux où il est très difficile de filmer. La rédaction de France 3 Aquitaine avait-elle-même tenté de s'y rendre lors d'un reportage consacré aux jeunes SDF sur Bordeaux, cela avait été impossible. 

Sylvain Louvet  a proposé à un journaliste de se faire embaucher comme éducateur pour pouvoir filmer en caméra cachée. Selon Jean-François Gringoire, rédacteur en chef adjoint de l'émission Pièces à conviction, "c'est très simple".

"C'est classique. On est souvent confronté à ce problème. Le seul moyen c'est alors d'infiltrer ou de filmer en caméra cachée, ou les deux".


"On a décidé de faire notre travail. On a simultanément lancé une demande d'autorisation de tournage auprès du Conseil départemental, ainsi que le dispositif d'infiltration car on pensait qu'on aurait pas leur accord pour tourner", explique-il.

Sylvain Louvet lui refuse de détailler une quelconque chronologie sur le dispositif. Une rétention d'information qu'il justifie par la protection de ses sources, en l'occurrence le journaliste infiltré. "Si je précise quand ces images ont été tournées alors il sera possible pour la direction de l'établissement d'identifier la personne ayant réalisé ces images en caméra cachée".

"On essaie au maximum de tourner en caméra "ouverte", mais ce qui est certain c'est qu'on a pas eu les autorisations de pouvoir filmer les endroits dénoncés par la lettre ouverte, donc je suis très surpris que le conseil départemental réagisse comme ça", s'étonne-t-il.

 

Les institutions girondines invitées en plateau

Emmanuelle Ajon, vice-présidente du Conseil départemental chargée de la Promotion de la santé et protection de l'enfance, ne s'oppose pas au fait que les images aient été faites en caméra cachée. "Que les journalistes utilisent tous les moyens, c'est la liberté de la presse, ce n'est pas un problème" dit-elle. En revanche elle est remontée contre le journaliste qui, selon elle, relate leurs échanges "à l'envers".

"Nous avons reçu les demandes de tournage fin Août alors que les images ont été filmées début juillet" assure-t-elle.


A la question "comment savez-vous précisément quand celles-ci ont été réalisées ?", la réponse est claire. "La direction du centre a convoqué les équipes. Les salariés ont été invités à donner des informations si ils en avaient. Et on a ensuite recoupé ces informations".

Quant aux autorisations de tournage, la proposition aurait été faite aux journalistes de filmer "le sas d'entrée" et le pavillon papillon. "Ailleurs ça semblait trop compliqué par rapport aux enfants, mais nos propositions n'ont pas retenu l'attention des journalistes" déclare Emmanuelle Ajon.

Demain aura lieu l'enregistrement de l'émission. Y ont été invitées Emmanuelle Ajon,et Barbara Proffit directrice adjointe du CDEF. 

"Si cela consiste à travailler sur ce que l'on va faire demain, c'est très bien" explique l'élue.


Le 16 octobre dernier le journaliste a montré les images à la direction du centre et à des représentants du Conseil départemental. Le jour même, ces derniers faisaient un signalement auprès de l'ARS et du parquet. Un signalement relatif aux atteintes faites aux enfants et filmées dans le cadre du reportage. "C'est dans nos obligations légales" explique Emmanuelle Ajon. Depuis le parquet a ouvert une enquête.

En revanche aucune action en justice n'a été lancée à l'encontre du journaliste par le département ou le CDEF. Seule une lettre recommandée aurait été envoyée selon Emmanuelle Ajon, à la direction de CAPA et de France 3 "pour remettre l'histoire dans le bon sens".


Un débat, pour que cela ne se reproduise plus

La diffusion du documentaire a été programmée à 21h. Alors que normalement l'émission "Pièces à conviction" est calée sur un créneau horaire plus tardif vers 23h. "On était parti sur une émission classique mais voyant ce que ramenait Sylvain on s'est dit que cela valait un "prime". Et la direction a été d'accord exceptionnellement".

Après la diffusion de l'enquête de Sylvain Louvet est prévu un débat. Pour qu'une réflexion puisse faire suite au constat.

"J'ai été extrêmement surprise (par ce reportage), décontenancée, choquée. Ca ne devrait pas exister. C'est un dysfonctionnement. Depuis nous avons cherché à comprendre ces dysfonctionnements pour qu'ils ne se reproduisent plus", explique Emmanuelle Ajon.


Selon l'AFP, 300.000 enfants sont placés chaque année en France. "Un quart des SDF sont d'anciens enfants placés, et 30% des mineurs
délinquants", souligne Sylvain Louvet, évoquant une "bombe à retardement".
           
Seront également invités à participer à ce débat Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, ainsi que d'anciens enfants placés.

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