Une course contre-la-montre s'est engagée dans les communes pour organiser le scrutin des législatives en seulement trois semaines, contre plusieurs mois habituellement. Renfort de personnels, course aux bénévoles et dépenses imprévues agacent certains maires de Gironde et de Dordogne.
Les panneaux électoraux des Européennes n'ont pas encore été rangés et trônent toujours dans les rues de Lormont. C'est à peu près la seule bonne nouvelle pour les personnels municipaux de cette commune de 25 000 habitants, près de Bordeaux.
À part cela, tout reste encore à faire pour organiser les législatives anticipées en seulement trois semaines, contre deux à trois mois de travail habituellement. "Il va falloir renforcer nos équipes de logistique pour reconfigurer les salles de vote, par exemple dans les écoles. Il nous faudra du renfort, probablement d’une société d’intérim", explique Fabienne Gourg, directrice générale adjointe en charge des ressources à la ville de Lormont.
40 000€
Installer les isoloirs, préparer le matériel pour chaque bureau de vote, réaliser toutes les procédures administratives avant et après le scrutin : une multitude d'actions sont à mener et il faut des bras."Heures supplémentaires, décalage de congés : tous nos services sont mobilisés. Et puis ce sont des contraintes supplémentaires pour nos personnels qui travailleront aussi deux dimanches", ajoute le maire Jean Touzeau.
On a chiffré le coût de l'organisation des deux tours à environ 40 000 euros pour notre commune. 10 % seulement seront pris en charge par l'État.
Jean Touzeau, maire DVG de Lormont
Autre difficulté : cette surcharge de travail en fin d'année pour les personnels se déroule en pleine période des kermesses et des fêtes de fin d'année dans les écoles, les clubs ou les associations de la commune pour lesquelles les moyens de la ville sont déployés. Dans certaines communes, ces événements festifs ont d'ailleurs été reportés ou annulés, faute de moyens.
Une enveloppe exceptionnelle demandée à l'État
En Dordogne, c'est aussi le branle-bas de combat dans la petite commune de Rouffignac-de Sigoulès. Le maire Alain Castang, également président des maires ruraux de Dordogne, explique être habitué à tout gérer, car "la mairie est le dernier service public en milieu rural, mais il y a des limites", dit-il.
Il demande donc un coup de pouce de l'État pour payer l'organisation du scrutin dans l'urgence. L'élu périgourdin a saisi le président de l'association des maires ruraux de France pour être entendu.
J’estime que l’État est responsable de la situation, je demande à ce que les mairies obtiennent une enveloppe spéciale pour rémunérer les deux journées que le personnel va perdre les jours de vote.
Alain Castang, maire de Rouffignac-de-Sigoulès
L'association des maires de France est, elle aussi, très remontée contre l'État. Dans un communiqué, elle alerte l’exécutif sur les difficultés d’organisation du scrutin à venir, estimant que cette "décision soudaine" du président de la République "suscite une réelle inquiétude chez de nombreux maires sur la capacité des communes à organiser ces deux scrutins dans des conditions satisfaisantes".
🔴[COMMUNIQUE DE PRESSE]
— AMF | Association des maires de France (@l_amf) June 10, 2024
L'AMF alerte sur les difficultés d'organisation des scrutins législatifs du 30 juin et 7 juillet
Sans méconnaître la légitimité des prérogatives constitutionnelles du Président de la République, l'AMF regrette que, ni les modalités pratiques de mise en… pic.twitter.com/tHV9brXuwR
La course aux bénévoles pour les bureaux de vote
L'une des plus grosses épines dans le pied des maires, à moins de trois semaines du premier tour, c'est de trouver des bénévoles. C'est le cas à Rouffignac-de Sigoulès. Alain Castang doit pallier l'absence de certains conseillers municipaux ou scrutateurs qui gèrent les bureaux de vote, l'accueil des électeurs, le dépouillement... "Leurs vacances, prévues de longues dates en famille, ne peuvent pas toujours être annulées", explique-t-il. "Et puis, on ne peut pas obliger les gens à être scrutateur, c'est du bénévolat", rappelle l'élu périgourdin.
Les Européennes ont déjà montré les difficultés que rencontrent les communes à pourvoir les bureaux de vote en assesseurs, en raison du désengagement des candidats et des partis à proposer des bénévoles.
Communiqué de l'association des maires de France
C'est le cas aussi dans la capitale régionale. Bordeaux cherche 500 volontaires pour tenir les bureaux de vote, dont 153 présidents de bureau et 306 assesseurs (deux par bureau minimum) pour un seul dimanche ou pour les deux. Accompagnés par des agents municipaux, les présidents et assesseurs seront chargés ensemble du bon déroulement des opérations électorales, de 8h à 20h, suivi du dépouillement.
Ces contraintes d'organisation des élections poussent le maire de Rouffignac-de-Sigoulès à s'interroger sur les prochains scrutins. "À l'heure de la dématérialisation à grande vitesse des démarches administratives, pourquoi ne pas dématérialiser le vote", confie-t-il. "Ce serait quand même plus simple que les gens puissent voter de chez eux".