Pratique sacrée des Hawaïens puis hymne à la jeunesse californienne, symbole de la contre-culture, bientôt sport de glisse aux jeux olympiques : le surf s'expose au Musée d'Aquitaine de Bordeaux, au gré de ses modes et des progrès technologiques.
Affiches de films, statuettes kitsch de surfeuses en bikini, chemises hawaïennes, gadgets publicitaires, trophées et planches anciennes, font partie des centaines d'objets, issus de collections privées, montrés au public à partir de mercredi jusqu'au 5 janvier.
"Nous avons la volonté de faire rentrer le sport au musée dans sa dimension culturelle", explique Paul Matharan, commissaire de l'exposition "La Déferlante Surf", après avoir déjà ouvert les portes du musée au foot et au rugby.
1907: l'écrivain Jack London découvre le surf à Hawaï. La même année, George Freeth, originaire de l'archipel, surnommé le "père du surf", se produit sur les plages californiennes comme "l'homme qui marche sur l'eau".
Dans les années 20, sur une photo, on voit la romancière Agatha Christie poser sur une plage d'Afrique du Sud avec sa planche de bois. "Ce fut l'une des premières femmes à surfer", dit Paul Matharan.
Le sport explose dans les années 1950-60 sous l'effet d'une triple conjonction, raconte Gibus de Soultrait, membre du Conseil scientifique de l'exposition : "l'invention des planches en polyuréthane" qui permet d'en produire industriellement et de démocratiser le sport, "l'arrivée de la génération des baby-boomers" et le succès - aujourd'hui oublié - du roman "Gidget", de Frederick Kohner (1957), l'histoire d'une adolescente et des ses amis surfeurs sur les plages de Malibu.
Avec ses chemises à fleurs, la musique des Beach Boys, le culte de la jeunesse, du bronzage et de la plage, le surf est vite récupéré par Hollywood et ses "beach movies" comme ceux où James Darren sourit entouré de "bikini-bunnies".
A la fin des années 60, le "flower power", l'opposition à la guerre du Vietnam et la drogue s'invitent à la plage en combi Volkswagen: "le surf est à l'avant-garde de la contre-culture", raconte Gibus de Soultrait.
Les planches raccourcissent, expérimentent des matériaux nouveaux pour aller chercher les vagues à l'autre bout du monde: la vie bohème et les surfers de légende comme Kelly Slater font bientôt rêver la jeunesse occidentale.
►Gibus, surfeur libre
"Cachez les pétards !"
Le surf arrive en Europe via Biarritz et la côte landaise grâce au pionnier Jacky Rott, mort au début du mois à 87 ans.En 1952, dans un film d'actualité sur Pearl Harbour, cet ébéniste de Dax aperçoit en arrière plan des surfers américains qui lui rappellent le planky, planche de bois recourbée que les Landais utilisent alors pour jouer sur les vagues à plat ventre. Sa première tentative, un grand ski allongé sans quille, est un échec.
En 1957, une équipe américaine tourne à Biarritz "Le soleil se lève aussi", avec Tyrone Power et Ava Gardner. Le scénariste Peter Viertel, mari de Deborah Kerr, essaye une planche importée avec l'équipement de la production, la brise sur des rochers, la donne à réparer à un artisan local. Rott va secrètement prendre des cotes, se met à l'établi et devient le premier Français debout sur une planche. C'est parti pour l'époque des pionniers français comme Joël De Rosnay.
Dans les années 80, le sport se démocratise - perd son âme disent certains -. Le "surfwear" de Billabong ou Quicksilver conquiert la planète. "Avant, c'était le sport des parias, des drogués. Avec les marques qui s'implantent, c'est "cachez les pétards"", résume Gibus de Soultrait.
Tout sourire sur une photo, une jeune surfeuse pose avec son bras gauche amputé, qui rappele le danger des requins.
L'exposition était programmée bien avant que la côte aquitaine ne soit candidate pour les JO de 2024. Mais "bien sûr", elle légitime cette candidature, reconnaissent les organisateurs.