Féminicide de Mérignac : "des défaillances en série" relevées, une plainte déposée en mars est restée sans suite

Une mission d'inspection diligentée par le gouvernement relève des "défaillances en série" dans le suivi judiciaire de Mounir B, soupçonné d'avoir tué sa femme en pleine rue. Selon nos informations, une plainte déposée en mars 2021 par la victime n'a jamais été transmise au parquet.

"Dysfonctionnements", "défaillances"… Le rapport n'est que partiel, mais déjà certains mots sont posés. Ce mercredi 12 mai, les ministères de l'Intérieur et de la Justice ont communiqué les toutes premières conclusions de la mission d'inspection de fonctionnement, lancée après la mort de Chahinez D. Cette mère de famille, âgée de 33 ans, a été abattue puis brûlée vive par son mari, le 4 mai à Mérignac. 

Un contexte de violence connu de tous

L'émotion causée par ce 39e féminicide, d'après le décompte des associations depuis le mois de janvier est encore vive. Mounir B., le mari de Chahinez D., a été mis en examen pour homicide volontaire. Le contexte de violences conjugales était connu : Mounir B. avait déjà été condamné à de la prison ferme pour des violences commises à l'encontre de son épouse. 
Quelques mois après sa sortie de prison, le 15 mars 2021, il tentait d'étrangler sa femme, qui portait alors plainte à nouveau. 
Pourquoi Chaninez D. n'a t-elle pas été protégée ? Pourquoi les armes à feu de Mounir B. n'ont-elles pas été confisquées ? Sa dangerosité a-t-elle été sous-estimée?  Autant de questions soulevées par ce féminicide, qui ont entraîné cette mission d'inspection pour faire toute la lumière sur ce crime. 

Une suite de défaillances

Le communiqué gouvernemental sur le rapport d'étape est relativement succinct. Il évoque "une suite de défaillances, qui peuvent être reprochées à différents acteurs dans la communication et la coordination des services". "La mission doit se poursuivre pour caractériser ces dysfonctionnements et proposer les initiatives propres à y remédier". La version définitive du rapport sera publiée le 10 juin. Le communiqué de ce jour ne précise pas qui est visé par ces manquements. 

Un dépôt de plainte sans suite

Mounir B. était en sursis probatoire lorsqu'il a agressé Chahinez D., le 15 mars 2021. Celle-ci a immédiatement porté plainte. "Mais malgré les recherches des services de police pour localiser l'intéressé, celui-ci restait introuvable", précisait le 6 mai le procureur de la République, Frédérique Porterie.
Pourtant, le voisinage de Chahinez D. a affirmé qu'il était revenu dans la maison, peu de temps avant la mort de la mère de famille, malgré une interdiction d’entrer en contact ou d’approcher son épouse ordonnée par la justice. Par ailleurs, dans le cadre de son sursis, Mounir B. s'est présenté à quatre rendez-vous avec le service pénitentiaire d'insertion et de probation, dont deux en date du 26 mars et du 14 avril 2021, soit 11 et 30 jours après le dépôt de plainte de son épouse. Il n'est pas retrouvé par les enquêteurs alors qu'il se rend aux convocations durant cette période. Y a-t-il eu manque de communication entre ces services ? 

Selon nos informations, la police n'a jamais avisé le parquet du dépôt de plainte de Chahinez D. au commissariat de Mérignac. Aucune mesure de protection n'a donc pu être envisagée entre le 15 mars, date du dépôt de plainte, et le 4 mai, jour de sa mort. 

"Ces défaillances, on s'en doutait. Des conclusions indiquant l'inverse auraient été très surprenantes", commente, à la lecture du communiqué ce mercredi matin, Me Solène Roquain-Bardet, l'avocate de Chahinez D.

Je ne cherche pas à désigner un bouc-émissaire. Pour moi, le coupable c'est Mounir B. Mais j'espère que cette mission se laisse du temps pour avoir des conclusions plus précises et aller véritablement au bout des choses.

Me Roquain-Bardet, avocate de Chahinez D.

Attribution du téléphone grave danger

Au bout des choses, à savoir établir une véritable procédure, avec les associations, et le barreau, pour mettre un terme au "flou artistique qui entoure certaines décisions", comme l'attribution d'un téléphone grave danger, décidée par le procureur. 

"Aujourd'hui, son attribution dépend à la fois de la victime, de l'avocate, de la sensibilité du parquetier…, poursuit Me Roquain-Bardet. Une décision d'autant plus difficile à prendre que certaines victimes demandent des dispositifs, mais éprouvent des difficultés à quitter le domicile, ou laissent le conjoint violent revenir à la maison".

Parfois aussi, comme Chahinez D., à aucun moment les victimes ne font part à la justice du danger dans lequel elles se trouvent. 
Craignant que ses trois enfants ne soient placés, la trentenaire n'a pas exposé la réalité de la situation qu'elle subissait à son avocate. "En mars, nous avions échangé un bon moment au sujet de l'annulation d'une audience devant le juge des enfants. 
Et à aucun moment elle ne m'a dit qu'elle avait peur, qu'il revenait au domicile ou se trouvait devant sa porte"
, se souvient Me Roquain-Bardet, qui, reconnaît et regrette ne pas avoir formulé de demande de téléphone grave danger.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a évoqué mercredi 12 mai la création d'un nouveau fichier des personnes responsables de violences conjugales.  Afin de "pouvoir lister le nombre de faits, les lieux de ces faits pour policiers et gendarmes puissent bien en amont, bien comprendre, suivre et avoir des alertes plus sytématiques." a précisé le ministre. 

Ce 12 mai doit se réunir la cellule préfectorale dédiée à la prise en charge des victimes de violence conjugale doit se réunir. Autour de la table, les services de la préfecture, de nombreuses associations de défense des victimes de violences conjugales, mais aussi l'Etat major de la police et des représentants du parquet de Libourne et de Bordeaux. La mort de Chahinez D. est, évidemment, à l'ordre du jour. 

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