Chaninez D., tuée et brûlée vive par son conjoint le 4 mai, laisse derrière elle trois enfants de 11, 8 et 5 ans dont un qu'elle avait eu avec son ex-mari, son meurtrier. Pris en charge en urgence par les services sociaux, ils ont été réunis dans un même foyer d'accueil.
Ses trois enfants n'étaient heureusement pas présents au moment du drame, le meurtre abominable de leur maman comme l'incendie de leur domicile. Seul l'aîné a été chassé de la maison par l'agresseur, son beau-père, qui venait de tuer et d'immoler sa mère avant de mettre le feu à la maison. L'adolescent avait pu trouver refuge auprès d'une amie de sa mère. Il a expliqué n'avoir "rien vu ni entendu" et a été pris en charge avec ses frère et sœur par le Samu dès mardi soir, puis tous les trois ont été confiés à l'Aide sociale à l'enfance.
Chahinez D. a eu trois enfants dont deux d'une précédente union. Elle s'était battue pour récupérer son aîné, de 11 ans, qui était gardé par les grands-parents en Algérie. Il était de nouveau avec elle depuis un mois et demi seulement. Le père de ses deux aînés est décédé, ils sont désormais orphelins. Le petit dernier de 5 ans, était l'enfant du couple qu'elle formait depuis 2015 avec celui qui est devenu son tortionnaire et finalement son bourreau.
Le soir du drame, très choqués, ils ont été pris en charge notamment psychologiquement par le SAMU.
Les deux plus jeunes ont été placés dès le 4 mai au soir dans une structure de garde et l'aîné chez une amie, durant les deux premières nuits. Ils sont, depuis, rassemblés dans un foyer d'accueil.
Samira El Khadir, Adjointe à la mairie de Mérignac en charge de l'éducation, explique qu'ils sont "en lieu sûr", les deux plus jeunes dans un lieu, "et le grand frère juste à côté", "où ils peuvent se poser, se reposer et où il y a aussi une mesure de protection adaptée".
"La fratrie n'a pas été séparée", "ils avaient besoin de rester ensemble après le drame qu'ils ont vécu. Et l'aîné ne parlant pas le Français, la petite soeur peut traduire". "On est en train de chercher des solutions" explique cette élue, puisque ces enfants auraient de la famille qui se serait manifestée après le drame, en France et en Algérie.
Regardez le reportage et les explications d'Elsa Arnould et Nicolas Pressigout.
Des familles brisées
Ce meurtre d'une violence extrême marque les esprits mais n'est malheureusement pas un cas isolé. Chahinez est la 39ème femme morte sous les coups de son conjoint depuis janvier 2021, selon les associations de défense des victimes de violences conjugales. Derrière le chiffre, il y a des femmes, une vie, des familles entières qui auraient pu ou dû être protégées et qui vont devoir se reconstruire, avec ou sans le concours de la société.
Me Kristell Compain-Lecroisey, avocate au barreau de Bordeaux, spécialiste en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine, fait partie de ces avocats mobilisés qui interviennent dans un contexte de violences faites aux femmes, derrière le numéro consacré à une aide juridique spécialisée. (joignable 7/7 et 24h/24 : 05 57 77 40 71)
En général, elle et ses collègues interviennent pour aider les femmes qui leur sont adressées, où qui font ce numéro de téléphone, à avoir accès à un conseil juridique. Ces actions permettent, au pénal comme au civil, de trouver des solutions, des mises à l'abri et séparations tout en prenant compte également des enfants. Car Me Compain-Lecroisey le martèle, ces violences qu'on a longtemps appelées "conjugales" sont "des violences intra-familiales" dont les enfants "sont également les victimes et pas seulement par ricochet!"
Elle ne nous répond pas sur le cas de cette famille en particulier. Elle explique que dans certaines localités, comme Saint-Denis (93) ou Lyon, des protocoles sont établis. Pas à Bordeaux, même si le même genre de choses sont appliquées. Il s'agit dans un premier temps de "retirer les enfants de la famille" où il y a un parent violent. "L'idée est de mettre ces enfants en observation, avec une prise en charge physique et psychologique", par des professionnels, "une bulle pendant quelques jours", souvent trois.
L'avocate explique qu'il existe à Bordeaux un service régional spécialisé, "il y en a peu en France", à l'hôpital Charles Perrens à Bordeaux, qui vient en aide aux victimes de violences intra-familiales. "Cela avait été créé après les attentats", pour ce que l'ont appel des chocs "post-traumatiques". Comme les soldats revenant de zones de combats, ces enfants souffrent de ces images, parfois des troubles, qu'ils portent en eux selon ce qu'ils ont vu, entendu, subi... Ils sont, là-aussi, pris en charge en tant que victimes.
Mauvais mari, bon père?
Me Compain-Lecroisey explique également que la loi, la prise en charge de ces affaires ont évolué. Avant, dit-elle, il y avait un drôle d'adage comme quoi, même si on était défaillant, violent en tant que mari, on n'était pas pour autant un mauvais père... "La législation a évolué : un auteur de violence n'est pas forcément un bon père... Et les enfants ne sont pas seulement témoins de ces violences, ils les subissent et sont des victimes".
Dans un premier temps, les enfants sont hospitalisés, puis un juge est saisi pour décider au mieux, "dans l'intérêt de l'enfant", de son lieu de résidence, chez "un tiers digne de confiance", "un oncle, une tante, des grands-parents ou un ami proche"... Chaque cas est particulier et cette décision fait suite à une enquête des services sociaux, une enquête psychologique également. De la même façon, il n'est pas systématique de regrouper les enfants en cas de fratrie, "il se peut parfois que l'enfant ait besoin d'être isolé pour se reconstruire".
Déchéance d'autorité parentale
Depuis ces dernières évolutions législatives, il existe des dispositifs, au pénal comme au civil. Dans le cas présent, le meurtrier dit "présumé" de Chahinez reste le père d'un des trois enfants, le plus jeune. D'après l'avocate spécialisée, il y aura un procès aux assises et dans ce cas, l'avocat général peut demander un retrait de l'autorité parentale.
Une demande qui peut être effectuée également au civil (dans d'autres cas de violences intra-familiales) en saisissant un juge aux affaires familiales qui produira des ordonnances de protection, avec des mesures telles que des bracelets anti rapprochement ou cette demande de retrait d'autorité parentale, même sans condamnation ni qu'aucune plainte n'ait été déposée.
Dans le cas présent du meurtre de Chahinez, le juge d'instruction peut en faire la demande dès maintenant, s'il considère, au vu du dossier, que le fait de maintenir ce lien puisse être préjudiciable pour l'enfant. Le juge doit agir "dans l'intérêt de l'enfant" en évitant que s'installe, par exemple, un droit de visite en prison, s'il estime que cela pourrait aller à l'encontre de la reconstruction de l'enfant qui a subi un traumatisme.
? #NeRienLaisserPasser | Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales et intrafamiliales, des dispositifs existent pour vous aider et vous accompagner ⬇️
— Préfète de la Nouvelle-Aquitaine et de la Gironde (@PrefAquitaine33) May 7, 2021
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