Depuis ce lundi 1er avril, les imams salariés par des pays étrangers ne sont plus autorisés à officier sur le sol français. Pour Tareq Oubrou, grand Imam de Bordeaux, la mesure permet une meilleure “autonomisation” de l’Islam en France.
Ils étaient 300 sur le territoire français, sur les 2 700 imams que comptent les mosquées françaises. Depuis ce 1er avril, ces imams payés par des pays étrangers, en majorité Algérie, Maroc et Turquie, ne peuvent plus officier en France. Une mesure saluée par le Grand Imam de Bordeaux, Tareq Oubrou.
Comment sont recrutés les imams en France ? Il y a-t-il beaucoup d’imams salariés ?
Tareq Oubrou : La plupart des imams sont bénévoles, très peu sont salariés. Par exemple, dans notre fédération, nous avons trois salariés et je crois que nous sommes celle qui en possède le plus en France. En général, ils ont des métiers en parallèle et peuvent exercer des fonctions d’imams, mais aussi d’enseignants de la religion auprès des enfants. Il n’y a pas de statut particulier ni de compétence particulière pour devenir imam.
Après, selon les mosquées, les exigences ne sont pas les mêmes. Les musulmans de France attendent aujourd’hui d’un imam qu’il ait de la culture, qu’il parle français, qu’il sache aussi utiliser les réseaux sociaux pour communiquer avec les fidèles qui ne viendraient pas physiquement à la mosquée… C’est comme les joueurs de foot : il y a les meilleurs qui jouent en Ligue 1 et qui vont être bien rémunérés et puis il y a ceux qui sont moins performants, qui vont être plus accessibles financièrement.
Salarier les imams en France, est-ce financièrement possible ?
S’il est important de salarier un imam ou deux par mosquée, c’est très difficile de salarier tout le monde. Il y a beaucoup d’activités et de personnes qui œuvrent au sein d’une mosquée. Certains ne veulent pas être salariés et entrer dans un système de subordination.
En outre, aujourd’hui les salaires ne sont pas très élevés, malgré les dons des fidèles. Donc beaucoup préfèrent conserver leur emploi à l’extérieur et continuer à contribuer à la vie de la mosquée en tant que bénévole.
Vous dites que cette mesure va “autonomiser” l’islam en France. Qu’est-ce que cela signifie ?
Lorsque les imams venaient de pays étrangers, ils importaient aussi leur discours sur l’islam. Il y avait une sorte d’ingérence de la part des pays d’origine. En France, nous n’avons pas les mêmes lectures.
Nous sommes dans une société sécularisée et multiconfessionnelle au cœur de l’occident. Il faut mettre l'accent aussi sur l'altérité et l'acceptation de la religion de l'autre. On n’enseigne pas l’islam de la même manière en France qu’en Mauritanie.
Avec cette mesure, est-ce qu’on peut s’attendre à voir des mosquées sans imams ?
Non, il n’y aura pas de pénurie d’imams justement parce que de nombreux musulmans peuvent endosser ce rôle. Il existe aussi des imams itinérants qui remplacent les imams malades ou en congés.
De notre côté, nous formons chaque année des dizaines de personnes, hommes et femmes, imams ou enseignants, à l’islam. C’est un vrai projet d’acculturation de l’islam pour créer un meilleur équilibre religieux, sans tomber dans le séparatisme identitaire.