Foyer d'Eysines : les fonctionnaires peuvent-ils être lanceurs d'alerte ?

La justice a annulé les sanctions à l'encontre d'une salariée du foyer ayant dénoncé des violences sur les enfants. Cette décision est une première. Elle accrédite, en cas de danger, la possibilité pour les fonctionnaires de mettre de côté leur devoir de réserve pour être des lanceurs d'alerte.

« Je suis très heureuse pour ma cliente, la justice ait été rendue, et elle a été très courageuse » décalre Laure Labarrière avocate à Libourne.

 

Rappel des faits

Tout est parti d'une lettre ouverte intitulée "Les enfants sacrifiés de la République". Elle a été rédigée en avril 2017 par des agents du Centre Départemental de l'Enfance et de la Famille de la Gironde. Ils y décrivaient une situation plus que préoccupante : fugues, abus sexuels, agressions sur le personnel, violences entre enfants. L'affaire avait été relatée dans la presse locale. Nous avions nous-même réalisé un reportage. Plus tard l'émission Pièces à Convictions a elle aussi consacré un long magazine sur l'établissement, diffusé il y a seulement quelques mois.
 

Une aide-soignante, Fatima Lagrébi, avait inscrit son nom au bas de cette lettre. L'une de nos équipes l'avait interviewée à l'époque. Écoutez son témoignage dans le reportage ci-dessous :
 



La sanctions avait été immédiate. À l'époque le Conseil départemental de la Gironde avait estimé que l'aide soignante avait enfreint le devoir de réserve auquel sont soumis les fonctionnaires. Elle avait donc été exclue durant trois mois avant de pouvoir reprendre ses fonctions au CEDEF. 

 

La loi Sapin sur les lanceurs d'alerte

Devant le tribunal administratif de Bordeaux, Laure Labarrière, l'avocate de l'aide soignante, s'est appuyée sur l'article 8 de la loi Sapin protégeant les lanceurs d'alerte et qui prévoit "qu'en cas de danger grave ou en présence d'un risque de dommages irréversibles", certaines infortmations peuent être rendues publiques. Et elle a été entendue.

"Ça n'était pas un combat gagné d'avance. Je n'avais pas trouvé de précédent, pas de jurisprudence... Et puis deux jours avant l'audience, j'ai su que le rapporteur public avait été dans notre sens. C'était une première victoire, il avait eu la même lecture que nous de la loi Sapin" raconte l'avocate.

 

"La portée symbolique pour les fonctionnaires qui veulent parler"

On se souvient d'Aurélie Boullet alias Zoé Shepard. La jeune femme, fonctionnaire au Conseil régional avait écrit un livre intitulé "Absolument dé-bor-dée!". Un brûlot, vendu à 180 000 exemplaires, censé relater (entre autres) les incompétences d'un service municipal quand en fait, il s'agissait de l'institution dirigée par Alain Rousset. Une fois démasquée, la sanction à l'égard d'Aurélie Boullet n'avait pas tardé à tomber : quatre mois de suspension.

"Il y a dans cette décision de justice aujourd'hui, une portée symbolique pour les fonctionnaires qui veulent parler", explique Laure Labarrière. 


Dans le cas du CEDEF, c'est la notion de danger qui a retenu l'attention des magistrats. La décision ayant été rendue fin avril, le Conseil départemental dispose d'encore un mois pour faire appel. Contactée par téléphone, Emmanuelle Ajon, en charge de l'aide social à l'enfance au département confirme que celui-ci n'a pas fait appel pour l'instant. 

"C'est à l'étude dans les services, mais rien n'est décidé pour l'heure" déclare-t-elle.


On comprend l'embarras du Conseil départemental. S'il ne fait pas appel cette décision pourrait faire jurisprudence et avoir de réelles conséquences sur le droit de réserve des fonctionnaires.
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