Grippe aviaire : les éleveurs accueillent avec espoir l'expérimentation du vaccin

L'expérimentation de la vaccination des canards et des oies débute ce 10 mai en Nouvelle-Aquitaine. Le Laboratoire CEVA, dont le siège est à Libourne, a mis au point un des deux candidats-vaccins. Les éleveurs, notamment landais, le réclamaient depuis longtemps. L'avenir n'est pas pour autant serein.

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Du côté des éleveurs aquitains, et en l'occurrence landais, on attendait ce vaccin depuis longtemps. Mais on n'en sait pas beaucoup plus sur cette démarche vaccinale encadrée. " Nous n'avons pas beaucoup d'informations. Je sais que les expérimentations débutent, deux vaccins sont à l'essai. Ca se passe en station d'expérimentation", explique Marie-Hélène Cazaubon, Présidente de la chambre d'agriculture des Landes

Pour Julien Mora, éleveur de canards à Mugron et responsable de la filière gras au MODEF*, " il était temps".

"Ce travail aurait dû être commencé depuis 2017. On a perdu énormément de temps sur un virus qui a évolué, qui a muté..."

Pour l'éleveur, il faut également que la réponse à cette crise sanitaire respecte la diversité des élevages : " l'espoir, c'est que la diversité des schémas de production soit reconnue et qu'on ne conditionne pas le vaccin uniquement aux animaux qui sont mis à l'abri, que tout le monde puisse l'avoir".

Du côté du CIFOG, l'organisation professionnelle, le président Eric Dumas, éleveur à Horsarrieu, applaudit également cette expérimentation vaccinale même tardive :  " on ne peut que s'en réjouir et remercier le ministre d'avoir porté le dossier au niveau de l'Europe ".

Comme ses confrères, il va la suivre de près. " Ca va consister avant tout à faire plusieurs essais qui vont durer près de huit mois sur des lots modestes de 2000 canards" qui seront vaccinés.

"L'objectif, c'est de mesurer les anticorps des cannetons vaccinés pour voir s'ils vont résister (les anticorps, NDLR) à une nouvelle contamination, notamment du H5N8". La mise en présence du virus étant bien-sûr effectuée en laboratoire. " C'est une première pour les palmipèdes".

Malgré l'enthousiasme pour cette démarche et l'espoir de bons résultats du vaccin, les éleveurs sont biens conscients que ne sera, comme le dit Eric Dumas "qu'une clef supplémentaire" de la boîte à outils permettant de lutter contre l'épizootie. La biosécurité et la vigilance de chacun restent de mise.

*Le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF ) est un syndicat agricole

Deux vaccins expérimentés

Les deux-candidats vaccins sélectionnés sont ceux des laboratoires Ceva Santé  Animale et Boehringer Ingelheim. L'expérimentation sera financée par l'État, des  conseils régionaux, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation  (Anses), l'école vétérinaire de Toulouse et le Comité interprofessionnel des palmipèdes  à foie gras (Cifog).

Le ministre de l'agriculture, Julien de Normandie, l'a annoncé lors d'une conférence de presse ce 9 mai. "Une expérimentation pour analyser l'intérêt de mettre en place un vaccin sur ces espèces va démarrer le 10 mai pour deux lots de palmipèdes, d'autres lots seront  mis en place les semaines suivantes avec des essais vaccinaux en plusieurs phases ", a expliqué le ministère.

Il faudra cependant attendre au mieux "début 2023" pour aboutir à un vaccin, selon le Cifog, l'expérimentation nécessitant " deux cycles de production, donc deux fois 5 mois".

Un laboratoire libournais dans la course

Depuis plusieurs années, le laboratoire Ceva Santé animale, basé à Libourne en Gironde, travaille sur la mise au point de ce vaccin contre le virus H5N8 (la souche la plus fortement pathogène). Il avait été testé, déjà en 2017, et les résultats étaient plus que prometteurs. Le laboratoire le disait "efficace à 100%" et confirmait qu'un canard vacciné n'exprimait pas la maladie, ne transmettait pas le virus dans son environnement ni à ses congénères.

Mais ce n'est pas toujours le même virus qui est présent sur les élevage et qui diffuse l'épidémie à chaque épisode et il peut également muter. Il s'agira, comme pour le virus de la grippe chez l'homme, d'adapter le sérum au prochain virus.

Perte de débouchés à l'export ?

L'enjeu est de déployer cet outil complémentaire sur "l'ensemble du territoire" souligne le ministère, mais vacciner c'est aussi voir des débouchés se fermer.

De nombreux pays (Arabie saoudite, Corée du Sud, Grande-Bretagne, États-Unis) refusent en effet de se fournir en volailles dans des pays pratiquant la vaccination contre la grippe aviaire, craignant qu'un animal vacciné importe le virus sur leur territoire.
Mais " si on doit aller vers la vaccination, il faut que l'export soit possible" a dit le ministère sans développer davantage sur les négociations avec les pays hors Europe.

"La stratégie de vaccination sera actée pour les pays européens, pour les pays tiers, qui représentent des enjeux commerciaux importants, il faudra que, collectivement, on défende l'intérêt de cette vaccination et l'absence de risque pour eux", a expliqué le ministère.

D'autres expérimentations sont prévues en Europe : "en Bulgarie, sur des oies et aux Pays-Bas sur des poulets", avait expliqué fin avril la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).

Le Sud-Ouest encore menacé

L'épizootie de grippe aviaire 2021-2022 est d'une ampleur inédite. De novembre à mai, on a dénombré plus de 1.300 foyers de grippe aviaire dans les élevages français, provoquant l'abattage de 16 millions de volailles dans le pays, dont 11 millions dans le grand ouest, contre 3,5 millions au total l'an dernier.

Ce 10 mai, 19 départements du Grand Ouest restent encore en "risque élevé" de diffusion du virus de la grippe aviaire en France, dont celui des Landes avec 231 foyers. Le reste du pays est lui passé en "risque modéré", selon un arrêté publié mardi au Journal Officiel.

Normalement, et ce n'est donc pas le cas dans les Landes, cette baisse du risque permet la levée des restrictions de mise à l'abri des volailles confinées depuis le 5 novembre, lorsque le pays est passé en "risque élevé". Concernant le Grand Ouest, " on peut espérer des remises en place le 1er juin".

Moins de canetons et de fortes chaleurs

Pour Marie-Hélène Cazaubon, la présidente de la chambre d'agriculture des Landes, "la reprise est très très compliquée par rapport au manque de disponibilité de canetons". Elle fait référence au fait que l'épizootie a touché la région de la Vendée-Pays de la Loire qui produit 72% des canetons de la filière et héberge de nombreux élevages de reproducteurs. " Aujourd'hui, ces zones-là sont impactées alors qu'elles ne l'avaient jamais été..."

Par ailleurs, les fortes chaleurs inquiètent les éleveurs du Sud-ouest " avec la difficulté que le risque élevé est toujours en place. Ce qui veut dire que tous les animaux qui arrivent aujourd'hui doivent être maintenus à l'intérieur". Pour les canetons, les premières semaines "c'est assez facile à gérer. Au-delà, avec les températures qui augmentent... La demande a été faite auprès des services de l'ANSES et la DGAL de pouvoir alléger ces dispositifs".
Elle espère que ces demandes seront entendues d'ici le mois de juin.

Pour Julien Mora, "avec la casse qu'il y a eu sur les reproducteurs, on n'aura pas un nombre normal de canards en place en décembre-janvier. On sait qu'il y aura au moins -50% d'animaux sur les secteurs concernés". 
Après quatre épisodes de crise, il semble aussi espérer que la filière saura rebondir. Selon lui, elle "doit maîtriser ses volumes et ne pas repartir dans une offre excédentaire par rapport à la demande".

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