Depuis deux jours, les restaurateurs ont la boule au ventre. Comme les autres commerçants, ils ont dû baisser leurs grilles après les mesures annoncées par le gouvernement. Alors pour écouler les stocks ou tenter de maintenir une activité, chacun a sa méthode.
L'annonce du gouvernement a fait l'effet d'une bombe chez les commerçants aquitains : plus aucun d'entre eux ne peut désormais accueillir de public. Parmi eux, les restaurateurs sont les plus touchés. Avec des stocks périssables, l'heure est désormais au déstockage.
Dernières ventes
Maxime Clausier est gérant de l'Atelier Toqué. Comme de nombreux autres restaurateurs, il profite de cette dernière journée pour vider ses stocks en proposant des plats à emporter.
"Pour l'instant, on aurait le droit de rester ouvert pour de la vente à emporter ou en livraison, mais nous ne savons pas si les gens vont commander, donc on préfère tout écouler avant de fermer", explique Maxime Clausier.
Ils ont ainsi ouvert leur restaurant de 11h à 16h, ce lundi 16 mars, pour écouler les derniers plats grâce à de grosses réductions.
"Ce n'est pas notre carte habituelle, alors on propose des formules bradées, pour être sûrs qu'il ne va pas nous rester beaucoup sur les bras", explique le gérant de l'Atelier Toqué.
Même stratégie du côté de Papà Lello, un restaurant italien. Ils proposaient aujourd'hui une vente de leurs denrées périssables. "Nous vendons directement en extérieur, en essayant au maximum de respecter les distances de sécurité", explique Martin Le Pellec, le fondateurs de Papà Lello.
Mais de leur côté, aucun prix d'affiché : "chacun donne ce qu'il veut. Nous ne voulions pas être taxé de se faire de l'argent sur la peur des gens", précise Maxime Le Pellec. Dans son restaurant bordelais, comme dans les trois autres lillois, la démarche a rencontré un franc succès. "Il y avait la queue devant chaque restaurant."
À l'arrêt depuis samedi, le restaurateur réfléchit désormais aux livraisons, "qui n'est pas du tout notre coeur de métier" pour amortir des charges fixes de près de 50 000€ par mois, rien que pour son restaurant bordelais. Dans l'expectative, il attend lui aussi les nouvelles annonces du gouvernement. Mais il promet de "rester dynamique sur les réseaux, pour que les gens ne nous oublient pas".
Hakim est un livreur Deliveroo. Pour lui, le confinement n'a pas augmenté les demandes. "Beaucoup de restaurants ferment, donc ils ne sont plus sur les applications et ne livrent plus", confie le livreur à vélo. Seules les grandes chaînes assurent les livraisons. Plusieurs d'entre elles ont d'ailleurs prévenu leurs clients de la continuité de leur service, les mesures d'hygiène en plus.
Concernant la livraison, nous avons lancé aujourd’hui une option sans contact sur notre site internet et nos applications que nous vous encourageons à utiliser. 3/3 https://t.co/WgvTgosp53 pic.twitter.com/isP978R2u6
— Domino's France (@dominos_pizzafr) March 15, 2020
Entraide numérique
Comme eux, beaucoup de restaurateurs bordelais proposent aujourd'hui et demain des ventes en direct, pour vider les chambres froides. Et cela se passe aussi sur les réseaux sociaux.
Sur Facebook, l'entraide est de tous les groupes. Sur Wanted Community Bordeaux, Anne-Seraya Sambou a décidé de créer Resto&Nous! pour aider les restaurateurs à écouler leurs stocks.
"J'ai vu un post Facebook d'une dame qui motivait les gens à venir aider les restaurants et je me suis dit qu'il fallait créer une plateforme", explique Anne-Seraya Sambou. Résultat : sa publication a atteint les 700 likes et récolté plus de 200 commentaires.
En moins de 24h, le groupe a accueilli 2800 membres, restaurateurs et clients. "L'idée c'est vraiment une démarche citoyenne d'aider les commerçants de proximité et on voit bien que les bordelais sont très sensibles à ça", explique la fondatrice de Resto&Nous!.
"Nous voulions aider ces commerçants qui ont une famille à nourrir, des loyers à payer. Et si on peut se faire plaisir tout en aidant, quoi demander de plus", sourit Anne-Seraya Sambou.
Les restaurateurs présents sur le groupe, comme Maxime Clausier, n'ont donc pas hésité à publier leurs stocks et leurs heures d'ouvertures, pour que les clients viennent récupérer leurs denrées. "Avec mon équipe, nous fouillons maintenant Facebook pour proposer à d'autres restaurateurs de rejoindre le groupe si cela peut les aider aussi".
Car pour Anne-Seraya Sambou, "les politiques ne doivent pas tout faire, nous aussi nous pouvons agir."
Plus d'association
D'autres restaurants ont préféré se tourner vers les associations comme la Banque alimentaire, sans succès. "Les associations relais qui distribuent la nourriture vont toutes bientôt fermer, nous ne pouvons donc pas accepter de la nourriture supplémentaire", détaille Pierrette Castagné, chargée de communication de la Banque Alimentaire de Gironde.
Et pour cause, avec la fermeture des écoles, l'association a récupéré tous les stocks initialement prévus pour les cantines de Bordeaux et Mérignac.
Une situation qui s'annonce donc difficile pour toutes les personnes dans le besoin pour qui les relais d'entraide vont être compromis.
Gérer les fonds
Et pour ces restaurateurs, le plus dur est à venir. "Nous allons forcément avoir un problème de trésorerie. Ces derniers mois n'ont pas été géniaux en termes de ventes, on espérait le retour des beaux jours pour revoir de la clientèle, mais avec ces mesures, on est vraiment très inquiets", analyse Maxime Clausier, gérant de l'Atelier Toqué.
Car si le gouvernement a annoncé prendre en charge les salaires des employés, ce n'est pas le cas des "petits patrons" qui ne toucheront donc plus de salaire. À Bordeaux, la Ronde des Quartiers, qui rassemble de nombreux commerçants du centre-ville ainsi que l'UMIH (Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie) de Gironde sont en étroites relations avec le gouvernement.
Ce matin encore, ils étaient en réunion pour définir les urgences concernant les commerçants de la ville. "Nous avons obtenu que les comemrçants indépendants qui génèrent moins de 1,5 millions d'euros par an, touchent une indemnisation forfaitaire de 1500€ par mois", annonce Christian Baulme, président de la Ronde des quartiers.
Mais cette mesure seule n'est pas suffisante. Ils demandent également la création d'une "trêve hivernale des commerces" pour éviter que les restaurateurs ne soient expulsés de leurs locaux, lorsque ces derniers sont en location. Même son de cloche du côté de l'UMIH de Gironde.
"Cette crise va toucher deux millions d'emplois en direct au niveau national, et trois millions indirectement. Nous sommes évidemment très inquiets", confie Laurent Tournier, président de l'UMIH 33.
Le syndicat a réussi à obtenir la suspension des remboursements bancaires pour certains commerçants, mais "la situation se traite plutôt au cas par cas". Tous attendent désormais l'allocution du président pour prendre de nouvelles décisions. Car ils l'avouent, la seule gestion de crise possible reste "la navigation dans le flou".