Depuis la rentrée, Camille a été prise en grippe par un élève de sa classe de 6e. Menaces, moqueries et humiliations se sont succédées, entraînant la déscolarisation de la jeune fille. Sa mère, Jessica, veut alerter sur un phénomène qu'elle estime encore minimisé par l'Education nationale.
"Que ce serait-il passé si je ne m'en étais pas rendu compte ?" Depuis début septembre, Jessica ne cesse de ressasser cette pensée. Et si elle n'avait pas décelé le mal-être de sa fille ? Et si cette dernière avait eu trop peur des représailles pour accepter, finalement, de se livrer à sa mère ? "Des histoires comme ça, il y en a beaucoup, je sais très bien que je ne suis pas un cas isolé", souffle cette mère célibataire, qui souhaite s'exprimer pour "tous les autres enfants concernés".
"Il l'a isolée du reste de la classe"
Depuis le mois de septembre, Camille(*) est scolarisée au collège Rosa Bonheur à Bruges, en classe de sixième. "Dès la rentrée, elle a été prise pour cible par un garçon de sa classe, explique Jessica. Il a reproché à ma fille d'être, je cite 'la meilleure amie de sa pire ennemie' ".
"Il s'est acharné sur elle, l'a isolée du reste de la classe en répandant des rumeurs. Ma fille s'est retrouvée très rapidement toute seule dans la cour du collège, puis à la cantine, poursuit la mère de Camille. Il lui a promis à plusieurs reprises qu'il ne la lâcherait pas, qu'il lui ferait la misère jusqu'au bout".
Une élève vulnérable
Camille était déjà fragilisée avant son entrée en sixième. La collégienne, qui vit seule avec sa mère, a du mal s'alimenter depuis plusieurs mois. Elle perd du poids. Les examens médicaux sont pourtant rassurants : Camille, également diagnostiquée haut potentiel et très sensible, ne souffre d'aucune pathologie, si ce n'est d'un stress accru, lié à des soucis familiaux.
"Le jour de la rentrée, elle a fait une crise d'angoisse, avant de tomber dans les pommes, raconte Jessica. Elle n'a pu commencer les cours véritablement que le 6 septembre".
Une semaine éprouvante pour Camille, qui apparaît très fatiguée, le teint pâle et devient très irritable lorsqu'elle rentre à la maison. Sa mère s'inquiète, la sent perturbée, tente en vain d'obtenir des réponses.
Un soir, nous étions à table, elle n'arrivait pas à manger. Elle était toute blanche, tenait son téléphone dans ses mains tremblantes. Je lui ai alors arraché le téléphone des mains. C'est là que j'ai découvert l'existence d'un groupe WhatsApp rassemblant anciens et actuels camarades de classe.
Jessica remonte le fil de discussion et découvre le calvaire de sa fille, moquée et rabaissée dans des messages écrits et vocaux. En larmes, la collégienne, finit par raconter son quotidien. "Elle m'a dit qu'elle était insultée, que le jeune garçon à l'origine du harcèlement se moquait d'elle, sur les messages, mais aussi en classe ou dans la cour. Il fait des messes basses dans la classe, lui dit que personne ne l'aime."
Un jour, dans la cour, ils se sont affrontés. Il s'est à nouveau moqué d'elle car elle n'avait pas de papa, lui a dit que si elle avait perdu du poids, c'est parce qu'elle venait d'une famille trop pauvre, qu'on n'avait rien à manger. Le tout devant un groupe d'une vingtaine de collégiens qui s'étaient regroupés pour assister à la scène.
Crises d'angoisse
Jessica, prévoyante, avait pourtant un œil sur tous les réseaux sociaux de sa fille, et pris soin de télécharger les applications de l'adolescente sur son propre téléphone. "J'avais accès à toutes ses notifications, les commentaires et les messages. Il n'y a que WhatsApp que je ne pouvais pas installer en double sur mon propre téléphone".
Appel au 3020, numéro vert de lutte contre le harcèlement
Désemparée, sa mère appelle le 3020, le numéro mis en place pour lutter contre le harcèlement scolaire, "ce sont eux qui m'ont confirmé que ma fille subissait bien du harcèlement scolaire, ainsi que du cyberharcèlement". Sur leurs conseils, elle prend rendez-vous avec le collège, et expose la situation.
Quelques temps plus tard, les parents du garçon à l'origine du harcèlement prennent contact avec la mère de Camille. "Sa mère m'a proposé que son fils vienne s'excuser. Mais ma fille n'est pas prête à le revoir, poursuit Jessica. Je veux aller jusqu'au bout, je ne veux pas qu'on minimise ce que subissent les enfants victimes de harcèlement. La violence psychologique peut faire autant de dégâts que la violence physique".
L'équipe du collège est "mobilisée", selon l'académie
Contacté, le collège Rosa Bonheur renvoie vers l'inspection académique, qui assure que la situation de Camille est identifiée.
Cette situation individuelle est suivie, tant au collège que par la cellule départementale harcèlement qui a reçu un signalement le 23/09 à ce sujet.
L'équipe du collège est mobilisée, la famille a été reçue, des actions sont mises en place au sein de l'établissement sur le sujet du harcèlement, notamment l'engagement dans le programme national pHARe.
Depuis le 14 septembre, Camille, toujours victime de crises d'angoisse, n'a pas remis les pieds au collège. Sa mère a porté plainte contre l'élève à l'origine du harcèlement. Elle, qui déplore "que le collège ne demande aucune nouvelle de sa fille", tente désormais de la faire intégrer un établissement privé.
(*)Le prénom a été modifié