"Il y a un avant et un après Chahinez Daoud." Trois ans après le féminicide, les avancées en matière de violences conjugales restent timides

En mai 2021, Chahinez Daoud était tuée, brûlée vive par son mari devant son domicile à Mérignac près de Bordeaux. Trois ans après, ce féminicide résonne encore comme un symbole des manquements dans l'accompagnement des victimes de violences conjugales.

Les années passent, mais les images restent. Celles d'un drame insoutenable, à la vue de tous, levant le voile sur les faiblesses et les manquements dans la lutte contre les violences faites aux femmes. En mai 2021, Chahinez Daoud, 31 ans, mère de trois enfants, était brûlée vive devant son domicile à Mérignac, près de Bordeaux. Son compagnon, principal suspect dans cette enquête, avait déjà précédemment été condamné à de la prison pour des violences conjugales et une nouvelle plainte à son encontre avait été déposée quelques mois plus tôt.

"On oublie sans oublier"

Depuis, le féminicide est devenu le symbole d'un échec. À Mérignac, le souvenir est encore douloureusement intact. Certains riverains parlent "d'une histoire bouleversante pour le quartier" même si "le temps fait son travail". "On ne l'a pas oublié, mais on l'a mis de côté dans un coin de la tête", confie l'un d'eux. Stéphanie Dauchet habitait déjà le quartier au moment des faits. Ce matin encore, trois ans après les faits, cette mère de famille revenait sur l'affaire, s'interrogeait sur les manquements des institutions. "C'est malheureux que les violences aient été signalées, mais que rien ne se soit passé, souffle-t-elle. Je pense qu'on fait tous comme on peut, on oublie sans oublier, ça marque quand même et ce serait bien qu'à l'avenir ça ne se reproduise pas."

Ce dossier est particulièrement symbolique car ce n'est pas le manquement d'un individu en particulier qui a favorisé le passage à l'acte, mais une série de manquements de plusieurs personnes et différentes institutions.

Julien Plouton

avocat de la famille de Chahinez Daoud

La plainte déposée un mois avant le drame par la victime à l'encontre de son ex-compagnon avait été classée sans suite. Ces manquements avaient conduit la famille de Chahinez à lancer une procédure judiciaire contre l'État. Une première audience devrait se dérouler en octobre 2024. "C'est une démarche symbolique et citoyenne qui consiste à faire reconnaître le manquement des institutions judiciaires dans le cadre de ce dossier", détaille l'avocat de la famille, Julien Plouton. 

Une évolution dans la prise en charge des victimes

Par ailleurs, cinq policiers avaient fait l'objet de sanctions disciplinaires, dont le Directeur départemental de la police de Gironde et le commissaire de Mérignac en fonction au moment des faits, après que le gouvernement a diligenté une mission d'inspection sur les conditions de remise en liberté et du suivi de l'ex-compagnon de Chahinez Daoud. 

Trois ans après, qu'en est-il de l'accompagnement des femmes victimes de violences conjugales ? Pour Naïma Charaï, directrice de l'APAFED, foyer d'accueil pour femmes victimes de violences, "le féminicide de Chahinez Daoud a accéléré le changement de la prise en charge des victimes de violences conjugales", déjà impulsé par le mouvement #Metoo. "Il est évident qu’il y a un avant et un après Chahinez", affirme-t-elle. Pour exemple, en 2021, 24 téléphones grave danger (TGD) étaient mis à disposition de la justice en Gironde. En 2024, 175 ont été octroyés à des femmes victimes de violences conjugales. "Sur les bracelets anti-rapprochement, on est passé de moins de 10 à 35", abonde Naïma Charaï.

Des violences qui continuent d'augmenter

Et pourtant, selon les chiffres de l’Observatoire régional des violences sexuelles et sexistes, les violences conjugales ont augmenté de 21 % en 2023 en Nouvelle-Aquitaine. "Dans 80 % des cas, les plaintes sont classées sans suite. Il y a un vrai paradoxe entre la volonté d’agir et les plaintes qui augmentent", pointe Naïma Charaï.

À la fois, il y a eu un changement radical dans la prise en charge des victimes à tous les niveaux, police, gendarme, justice, et en même temps, les violences conjugales n’ont pas diminué.

Naïma Charai

directrice de l'APAFED

Un procès pour aller de l'avant

Pour l'avocat de la famille, le féminicide de Chahinez Daoud et la procédure judiciaire pour les manquements des institutions, agissent comme un symbole. "C'est, je l'espère, une façon de contribuer à ce que chaque acteur concerné par des affaires de ce type, puisse traiter ces dossiers avec le niveau d'exigence professionnelle qu'on est en droit d'attendre de ces problématiques", souligne Julien Plouton.  

Aujourd'hui, la famille de la victime souhaite que le procès "se tienne le plus rapidement possible". "Il y a toujours des hauts et des bas, des échéances : une date d'audition, un interrogatoire, la reconstitution criminelle, des moments qui font remonter à la surface des souvenirs douloureux", En mai, une nouvelle audience permettra de fixer la qualification pénale retenue à l'encontre de l'accusé alors que celui-ci a fait appel de la qualification d'"assassinat". "Ce procès leur permettra de se projeter définitivement et véritablement vers l'avenir en continuant à s'occuper de leurs petits enfants qui sont leur priorité", indique l'avocat Julien Plouton.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité