Pierre Brana est un ancien député-maire de Gironde. Joëlle Dusseau, une ancienne sénatrice socialiste. Ensemble, ils ont écrit "mai 68 à Bordeaux" aux éditions Geste. Ils ont participé aux événements. Cinquante ans plus tard, Ils ont voulu mener un travail d'historiens sur ce grand mouvement social.
En mai 68, il était ingénieur chez EDF-GDF, responsable syndical CGT des ingénieurs cadres et technicien. Elle était étudiante et préparait sa maîtrise d'histoire contemporaine. Ils incarnent chacun les deux grands courants qui ont nourri le mouvement.
Nous les avons retrouvés à la bourse du travail de Bordeaux. Ils auraient pu s'y croiser à l'époque. Ce ne fut pas le cas. Joëlle Dusseau se souvient :
Il y avait des délégations ouvrières et des ouvriers qui arrivaient dans les amphis. Nous-mêmes, et notamment des délégations étudiantes, venions ici [à la bourse du travail] pour organiser la manière dont la manifestation allait se dérouler mais aussi les prises de paroles, qui allait parler, où ....
Pierre Brana renchérit :
Il y a eu tout un apprentissage des manifestations en commun qui s'est fait peu à peu, non sans quelques rugosités, mais qui, dans l'ensemble, ont permis l'ampleur du mouvement.
Pendant les événements, il organise des rencontres et des débats entre délégations d'étudiants, de travailleurs, d'artistes.
Elle participe aux manifestations, à la mise en place des premières commissions paritaires universitaires/étudiants en histoire. Elle a d'ailleurs retrouvé, non sans émotion, un document signé de sa main.
Mai 68, Ils l'ont vécu. Ils l'ont "fait". Mais c'est en historiens qu'ils ont voulu l'étudier. Pierre Brana et Joëlle Dusseau ont donc épluché les archives. Celles du département, de la métropole mais aussi de l'Union départementale de la CGT. Des archives qu'ils avaient d'ailleurs en partie contribué à alimenter, conscients, après coup, d'avoir participé à un moment historique.
Pierre Brana, par exemple, a mis de côté des affiches, des tracts avant qu'ils ne disparaissent. L'un des documents qu'il tient à nous montrer est une carte de gréviste. Celle d'un ouvrier gréviste donc mais qui fait les trois 8, comme s'il travaillait, parce qu'il voulait préserver son outil de travail.
Le mouvement ouvrier était très encadré et syndiqué. Celui des étudiants joyeux et désordonné. Mais tous deux avait un ennemi commun : le pouvoir explique Joëlle Dusseau :
Le pouvoir politique symbolisé par le Général De Gaulle, le pouvoir patronal et de ces petits patrons qui étaient tellement durs dans les entreprises, et pour les étudiants le pouvoir des Mandarins [ces grands professeurs d'universités], il y a eu une contestation de tous les pouvoirs.
Pierre et Joëlle ont ensuite mené une brillante carrière professionnelle et politique mais ce moment "hors du temps" reste un souvenir extraordinaire, un rêve peut être inachevé mais qui a semé les idées d'aujourd'hui.