Un ouvrier tué, deux autres grièvement brûlés : l'accident du travail sur le site de l'ancienne poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles en Gironde est jugé ce lundi 3 avril, par le tribunal correctionnel de Bordeaux. L'entreprise Safran Ceramics est accusée d' "homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité".
Après plus de neuf ans de procédure et un renvoi en novembre 2022, le procès de la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles s'ouvre enfin à Bordeaux ce 3 avril 2023. Au premier rang des parties civiles se trouvent Alain et Julien Paillet : le 5 décembre 2013, ils ont perdu leur fils et frère à l’usine Safran-Herakles à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde), un site sensible spécialisé dans la propulsion aéronautique et spatiale, et dont les activités relèvent du classement Seveso 2.
Trois ouvriers brûlés
Ce jour-là, Benjamin Paillet et deux collègues travaillent au démoulage de la partie propulsion d’un missile. Délicate, l'opération est rendue très dangereuse en raison de la manipulation de propergol solide, matière hautement inflammable utilisée pour la propulsion de moteurs de fusées (Ariane) et de missiles (M51).
À peine les trois opérateurs sont-ils entrés dans l’atelier de pyrotechnie qu’un violent incendie se déclenche. Les trois ouvriers sont immédiatement grièvement brûlés. Benjamin Paillet, 25 ans, décède quelques heures plus tard au service des grands brûlés de l’hôpital Pellegrin de Bordeaux. Christophe et Bertrand, brûlés eux à 20 %, et traumatisés, ont connu une longue période d’incapacité totale de travail.
Près de dix ans après le drame, le père et le frère de Benjamin Paillet se sont retrouvés devant le tribunal, en espérant enfin comprendre comment l'accident a pu arriver. La durée de la procédure les a durement éprouvés.
"Eux, leur intérêt, c'est de jouer la montre, de retarder, pour épuiser les gens comme moi, les parties civiles financièrement, moralement et psychologiquement, regrette, très ému Alain Paillet, le père de Benjamin.
Ils ont en partie gagné. Car aujourd'hui, je me présente avec mon fils, mais sans ma femme, qui a disparu.
Alain Paillet, père de Benjamin Pailletà France 3 Aquitaine
Une amertume partagée par Bertrand Montreux, grièvement brûlé dans l'incendie, qui avait à l'époque été plongé un mois dans le coma. "Dix ans, c'est trop long. C'est ressasser tous les jours, revoir les scènes, avoir du stress et de l'anxiété. Vous êtes transformés, vous n'êtes plus tout à fait le même", témoigne-t-il.
Les causes de l’incendie restent inconnues
Défaillance technique ? Erreur humaine ? Ni l’enquête menée par la gendarmerie, ni les essais réalisés pendant près de trois ans par la société Safran-Herakles n’ont permis d’établir les causes de l’incendie. Un vide dont ne peut se satisfaire la famille de la victime.
Après un non-lieu rendu en 2018, le père de Benjamin, les deux ouvriers blessés et le syndicat SUD, abasourdis, ont fait appel de la décision. En janvier 2022, la chambre de l’instruction de la cour d’appel leur donne raison et renvoie la société Safran-Herakles - devenue Safran Ceramics - devant le tribunal correctionnel en qualité de personne morale.
À ce jour, celle-ci conteste toujours sa mise en cause. L'entreprise estime que l’origine de l’accident demeure inconnue. Le père et le frère de Benjamin Paillet souhaitent eux que la justice reconnaisse "la faute de l’employeur".