Sur un groupe Facebook, des étudiantes et étudiants de Science Po Bordeaux racontent les viols ou agression sexuelles dont elles ou ils ont été victimes, et même parfois auteurs, et rappellent l'importance du consentement.
"Il m'a balancée sur le sol et m'a attaché les poignets. J'ai réussi à me libérer pendant qu'il se déshabillait. Il m'a rattaché les poignets, plus fort. Et il m'a violée". Ce témoignage, avant de le livrer à France 3 Aquitaine, Claire ( le prénom a été volontairement changé ) l'a posté sur un groupe Facebook privé, rassemblant des étudiant⸱e⸱s de Sciences Po Bordeaux.
Ces mots vont alors lancer une véritable vague de témoignages. Des dizaines d'étudiantes et étudiants bordelais, racontent, à leur tour, les viols et les agressions sexuelles dont ils ont été victimes. Beaucoup racontent avoir été abusé ⸱e ⸱s lors de soirées étudiantes, parfois alcoolisées.
Mahé a ajouté son témoignage après avoir lu les mots de Claire. "Je n'avais pas envie de faire la sourde oreille. Il me semblait important de parler du sujet sans tabou". Elle qualifie son témoignage de "particulier".
"Je crois qu'on peut dire que je l'ai violé"
"Quand j'avais 18 ans, lors d'une soirée chez moi, on avait beaucoup bu. Je suis allée dans une chambre, un garçon dormait. Il était dans un sale état. J'ai eu une relation sexuelle avec lui, sans lui demander s'il était réveillé ni comment il allait", reconnaît la jeune femme.
Je me suis rendu compte qu'il l'avait certainement vécu comme quelque chose d'imposé. Je crois qu'on peut dire que je l'ai violé.
Le consentement en question
"En tant que jeunes, on a une mauvaise idée de ce qu'est le consentement. On ne sait pas le demander, l'exprimer ni le refuser. Ce n'est pas instinctif", poursuit l'étudiante.
Mahé, hier agresseuse, est ensuite devenue victime, au cours d'autres soirées festives. " J'ai vécu des expériences irrespectueuses. Très récemment, j'ai vécu une expérience sexuelle traumatisante", rajoute-elle. L'étudiante a tenté de voir une psy, sans être convaincue. "Ce qui se passe à Sciences Po, ça peut m'aider, je sais que le plus important dans le processus c'est de dire les choses et d'assumer ses actes".
"On ne nous fait pas suffisamment confiance"
L'Institut d'Etudes politique de Bordeaux dispose d'une cellule de recueil et d'écoutes destinée à ce genre de situation. Pour autant, Yves Déloye, directeur de Sciences Po s'est dit "effaré" devant l'afflux de témoignages, en nombre "largement supérieur aux signalements que nous pouvons traiter en interne".
"Un nombre considérable de ces cas concerne la scolarité dans l'établissement et pose des questions sur la façon dont on peut réagir et accompagner les victimes", estime-t-il. La direction de l'établissement prévoit de mettre en place un programme pour accompagner la libération de la parole sur les volets psychologiques, juridiques et pédagogiques.
On ne nous fait pas suffisamment confiance pour libérer certaine parole. C'est là dessus qu'il faut qu'on travaille, qu'on noue un lien de confiance sur un diagnostic partagé, pour faire avancer notre capacité d'écoute.
"Céder n'est pas consentir", rappelle de son coté Marion Paoletti, chargée de mission parité, égalité et diversité au sein de l'université de Bordeaux, "Il faut se rappeler que l'image du viol violent dans l'espace public est un cas minoritaire. Dans les faits, l'agresseur est souvent un proche.
Entre cette image et celle du consentement libre et joyeux, qui se trouve à l'autre extrémité, on peut problématiser le consentement, notamment en en verbalisant les étapes", suggère-t-elle.
Le rôle des universités
Parmi les actions à mettre en place, Marion Paoletti rappelle l'importance de la formation de la sensibilisation et de la sanction. "Les universités et les écoles sont responsables de ce qui se passe dans leurs enceintes. Il est vrai que souvent les faits se déroulent lors de soirée privées.
Pour autant , dès lors que l'étudiante considère que cela l'empêche de suivre une scolarité normale, de prendre le options qu'elle veut, ou d'être dans le groupe de TD où se trouve son agresseur, cela a un impact sur l'établissement, et nous sommes fondés à réagir".
Information complémentaire à propos du reportage vidéo
France 3 Aquitaine a réalisé un reportage télévisé qui n'est plus visible en ligne. Il a été diffusé le mardi 2 février dans l'édition de la mi-journée mais il comportait une erreur, en l'occurence une image qui aurait dû être floutée avant diffusion où apparaît la page d'un groupe Facebook non public. D'autre part, l'une des personnes interviewées s'est ensuite rétractée. Nous ne pouvions donc pas le conserver en consultation en replay.