Sur le bassin d'Arcachon, de nombreux médecins peinent à retrouver des repreneurs pour leur cabinet. Certains décident de lancer des appels à l'aide sur les réseaux sociaux pour sauver leur patientèle d'une désertification médicale grandissante dans le secteur.
"Vous êtes mon dernier recours." Un ultime appel à l'aide sur les réseaux sociaux, avant la prise d'une décision, à contrecœur. Sans repreneur, Janick Laquieze sera bientôt dans l'obligation de fermer le cabinet médical de son mari, décédé brutalement trois semaines plus tôt. Autant de temps qu'elle se mobilise pour trouver un successeur disponible pour récupérer sa patientèle complète, qui peine depuis à se faire soigner par un nouveau médecin. "Je les laisse dans un désarroi total", s'inquiète-t-elle, d'une voix chancelante. Infirmière libérale à la retraite, Janick craint que sa situation, loin d'être isolée, aggrave une désertification médicale, déjà bien marquée sur le bassin d'Arcachon.
Neuf départs, pour trois arrivées
Vincent Hubert s'est installé à Arcachon il y a maintenant dix ans. Depuis, le médecin généraliste observe "une démographie médicale en nette baisse". Il est aussi président de la communauté professionnelle territoriale CPTS du sud Bassin et Val de l’Eyre, une organisation conçue à l’initiative des professionnels de santé d’un territoire "pour améliorer la prise en charge des patients". "En trois mois, trois médecins ont dû arrêter leurs activités dans des conditions plus ou moins dramatiques, indique-t-il. C'est difficile d'absorber presque 3 000 patients sur les quelques médecins qu'il reste."
En une dizaine d'années, Arcachon compte neuf départs de médecins généralistes contre seulement trois arrivées. "Il y a une demande très importante et les médecins craignent d'être submergés." Malgré l'attractivité du bassin d'Arcachon, le secteur peine à attirer de nouveaux médecins. Face à un coût de l'immobilier conséquent, "les jeunes généralistes ne peuvent se payer une maison". "Ici, il n'y a pas SOS médecins, le week-end et jours fériés, on doit se relayer pour les gardes et donc il faut pouvoir se loger sur place."
Derrière la carte postale
Le secteur dispose pourtant de 16 médecins pour 12 000 habitants, soit l'équivalent de 800 habitants par médecins, bien moins que la moyenne nationale de 2000 patients par médecin. "On est deux fois en dessous, mais c'est une patientèle, âgée de plus de 60 ans, qui consomme beaucoup de soins et dans la pratique du quotidien, c'est compliqué", note Vincent Hubert.
C'est une patientèle compliquée, polypathologique, avec des prises en charges lourdes et beaucoup de visites à domicile, ce qui peut rebuter les jeunes médecins.
Vincent HubertMédecin à Arcachon
D'autant plus que les pratiques évoluent. Beaucoup de jeunes médecins privilégient les remplacements plutôt qu'une installation en cabinet "pour s'affranchir des contraintes administratives".
La médecine "à l'ancienne" ne séduit plus
Pour Janick Laquieze, la façon de travailler de son mari ne correspond plus aux attentes des nouvelles générations. "Il s'est installé en 1990 et à cette époque, beaucoup de médecins se sont installés tout seuls, sans secrétariat téléphonique, il n'a jamais voulu s'associer. Son cabinet était ouvert sans rendez-vous, il était terrible, lâche-t-elle dans un sourire. Il a donné sa vie à ses patients."
Sans solution alternative, Janick a entamé le tri des dossiers de son mari pour les rendre à ses patients afin qu'ils puissent se faire soigner ailleurs. Depuis l'ouverture du cabinet, plus de 8 500 patients sont enregistrés. "Même si une grande partie est décédée, ça reste énorme, c'est une catastrophe, regrette l'infirmière libérale. Tous ces gens que j'ai soignés régulièrement, je n'ai rien à leur proposer, je suis malheureuse pour tout le monde, je ne peux rien promettre."
Pôle médical
Inquiète d'observer la ville se transformer petit à petit en désert médical, Janick souhaiterait la création d'un pôle médical qui rassemblerait tous les médecins du secteur. "Il faut vraiment que les jeunes médecins se regroupent, s'équipent et arrivent à trouver des solutions, insiste-t-elle. La seule solution pour tous ces gens serait une maison médicale où les gens pourraient aller."
Avant, on était bien dotés, maintenant ça devient compliqué. Arcachon se transforme vraiment en désert médical.
Janick Laquiezeinfirmière libérale à la retraite
Dans le Lot-et-Garonne, où le département compte seulement un médecin pour 1 600 personnes, cette solution a permis d'attirer de nouveaux professionnels. Depuis six ans, à Tonneins, un centre de santé emploie cinq médecins comme salariés et l'administratif y est entièrement géré par un secrétariat. La commune a ainsi pu multiplier par trois son nombre de médecins.
Du côté d'Arcachon, la municipalité propose déjà un service de santé unique en France mettant à disposition des administrés plusieurs maisons généralistes lorsque les cabinets des autres sont fermés. Par ailleurs, une Maison de santé devrait ouvrir au cours de l'année 2025 regroupant plusieurs médecins spécialistes.