"La réalité, c'est que ça a été dur, pour tout le monde". L'expédition de l'extrême de Martin Petit, influenceur tétraplégique et l'explorateur Loury Lag

L'un est influenceur dans son fauteuil de tétraplégique, l'autre est armé de sa détermination farouche d'aventurier de l’extrême. Martin Petit et Loury sont partis ensemble, dans le Sahara, face au Mont-Blanc ou encore au milieu de l'Atlantique. Tous deux partagent sans fard la beauté et la complexité de cette aventure dans un livre intitulé Résilience.

Article publié initialement le 16 septembre 2023.

Tempête de sable, vol en parapente au-dessus des Alpes, dauphins qui dansent autour d'un voilier, et pour s'offrir ces moments de vie exceptionnels, un homme qui en pousse un autre, arrimé à son fauteuil roulant.

Les images sont superbes, les paysages grandioses, et sur les visages, l'intensité des émotions traversées affleure. La joie, l'émerveillement, la douleur et la détresse aussi. Et le récit que nous offrent Loury Lag et Martin Petit des défis extraordinaires qu'ils ont relevés ensemble, ne cache rien des difficultés qu'il leur a fallu surmonter, avec l'équipe qui les a accompagnés. " C'était violent, c'était dur, c'était conflictuel, c'était brutal pour de vrai. Et je n'ai pas envie d'édulcorer. Ce livre, c'est un message d'espoir, mais je n'allais pas dire que tout le monde peut partir comme ça avec un fauteuil roulant, ce n'est pas vrai. On est loin du Téléthon où tout est un peu lisse", explique Loury Lag.

Lisse, c'est sûr qu'il ne l'est pas cet homme-là. Aujourd'hui basé à Biarritz, il a connu un parcours chaotique : enfant battu, il a vécu dans la rue, est passé par la case prison avant de se lancer dans les affaires, puis dans des expéditions extrêmes en solitaire, qui sont aujourd'hui son métier.

C'est lui qui a contacté Martin pour lui proposer cette aventure. Martin Petit, influenceur bordelais, grand sportif, devenu tétraplégique il y a six ans à la suite d'un accident de plongeon dans l'océan, est aujourd'hui un porte-parole des handicapés sur les réseaux sociaux. " Ce qu'on a réalisé là, il n'y a qu'avec lui que j'aurais pu le faire. Loury, il est intègre dans ce qu'il est, il ne triche pas. Des fois ça m’a bousculé, mais sans ça, est-ce qu'on aurait pu faire tout ça ? Il m'a poussé dans mes retranchements 1 000 fois, et il a su composer avec moi".

Dans le livre, l'idée, c'était de ne pas travestir la réalité. Et la réalité, c'est que ça a été dur, pour tout le monde.

Martin Petit, influenceur

à rédaction web France 3 Aquitaine

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L'enfer du désert

Pour les deux hommes et leurs compagnons d'expédition, l'aventure a commencé par un échec. Une ascension dans les Pyrénées, conçue pour se roder avant les trois grands défis, qui n'ira pas jusqu'au bout, faute de matériel adapté. En aventurier expérimenté, Loury tire les leçons de ce renoncement forcé, et désormais pour lui une chose est claire : " Abandonner n'est pas une option", c'est le sous-titre du livre.

Un engagement qui va être soumis à la très rude épreuve du désert marocain. On est en juillet, il fait jusqu'à 55°C et depuis son accident, le corps de Martin ne sait plus réguler sa température. Il convulse, il a peur pour sa vie, il veut renoncer. " Le désert, ça a été le moment le plus difficile de ma vie, après la réa.", raconte-t-il aujourd'hui.

Une situation qui déstabilise Loury. Quand il le raconte dans le livre, il regrette et semble presque s'étonner que Martin ne profite pas, comme lui et leurs compagnons, des paysages majestueux. Il a du mal à jauger, sait que la vie de Martin est entre ses mains. " À ce moment-là, j'ai trouvé le mental de Martin très faible, ça m'a un peu dérangé, mais je ne suis pas handicapé, je ne suis pas à sa place" reconnaît-il.

Retour au camp de base, tensions, engueulades, mais puisque abandonner n'est décidément pas une option, nouveau départ pour la dune hurlante, et jusqu'en haut cette fois.

Après le désert, tout paraît simple

Pour affronter les Alpes et aller jusqu'à l'envol, il a fallu concevoir un engin tout spécialement adapté. Ça aussi, Loury sait faire : trouver des copains compétents et bricoler un prototype de luge permettant de tracter Martin jusqu'au sommet, puis de s'envoler avec une aile de parapente.

" Le décollage face au Mont-Blanc, ça a été un moment ultra-chouette. Ça a représenté un effort incroyable des garçons. Moi, j'étais partagé entre peur et excitation. Mais j'étais beaucoup plus contemplatif. J'en ai vraiment pris plein les yeux, et il y avait un bel esprit de camaraderie " raconte Martin dans un grand sourire.

L'océan, occasion de résilience pour chacun

Martin se dit en paix avec l'océan. Il ne l'avait guère fréquenté depuis ce désastreux plongeon qui lui a coûté des mois en réanimation, des années de rééducation et la perte d'une grande partie de sa mobilité.

Il a adoré naviguer sur le voilier de treize mètres sur lequel Loury l'a embarqué. Adoré barrer, dormir sur le pont parce que les manœuvres pour le faire entrer dans la cabine étaient trop compliquées, et admirer le ballet offert par les dauphins.

"Avant l'accident, je me sentais invulnérable. Je me sentais très bien dans mon corps, je faisais beaucoup de sport. Bien sûr, j'ai de la frustration. Ça m'est arrivé de penser que je me serais régalé si j'avais vécu tout ça sur mes deux jambes. Mais je me suis relevé de quelque chose de tellement traumatique, que mentalement, je me sens beaucoup plus fort qu'avant. Plus rien ne peut me nuire" se réjouit-il.

Pour Loury, cette navigation avait aussi une saveur douce-amère : c'est son père qui lui a appris à naviguer. Un homme violent qui le battait enfant, qu'il a fui longtemps. Il avait renoué avec lui récemment, à travers une traversée de l'Atlantique. Il est décédé au tout début de cette aventure avec Martin.

Et après ?

Au retour du désert marocain, Martin s'était dit " Après ça, les difficultés quotidiennes d'un tétraplégique, ça paraît dérisoire". Mais ce quotidien-là reste têtu, pesant, fatiguant. " Je relativise, je suis autonome, mais se laver, s'habiller, se déplacer, tout prend énormément de temps et d'énergie, c'est épuisant".

Et pendant cette période de promotion du livre où il enchaîne les interviews dans les studios des grands médias parisiens, Martin s'épuise d'une vie dans la capitale guère plus adaptée à sa condition qu'un désert ou un sommet des Alpes : " La promo à Paris, c'est presque une autre résilience. C'est compliqué pour moi de prendre la parole, de m'exprimer très vite, mais je sais que je dois progresser là-dessus, et c'est une super occasion".

Il m'a soûlé, je l'ai soûlé, il le sait, je le sais. Mais cette aventure marque un tournant dans sa vie, et dans la mienne.

Martin Petit, au sujet de Loury Lag

à rédaction web France 3 Aquitaine

Martin a maintenant envie de cultiver son goût d'écrire, il a deux projets de livre.

Quant à Loury, il dit que cette aventure lui a donné envie de " faire plus attention pour ne pas me retrouver dans la même situation que Martin". Il dit qu'il va se poser un peu, profiter de ses deux filles. Mais dans un coin de sa tête trotte déjà le projet d'une première expédition avec elles, l'année prochaine, et d'autres aventures, en solo, à plus long terme.

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