Un collectif s'oppose à la création d'un Centre de rétention d'étrangers en attente d'expulsion à Mérignac. Dans une lettre ouverte, il accuse le président de la métropole de Bordeaux de faciliter "une politique migratoire répressive et inique". Il lui demande de revenir sur sa décision d'échanger un terrain avec l'Etat pour y implanter la future structure.
Après avoir déposé un recours en justice, ils poursuivent leur combat sur le terrain des mots. Dans une lettre ouverte, les opposants au futur Centre de rétention administrative de Mérignac s'adressent à Alain Anziani, le président socialiste de la Métropole de Bordeaux.
Ils lui reprochent d'avoir accepté que l'État prenne possession d'un terrain métropolitain sur lequel il veut construire une structure d'enfermement d'étrangers sans-papiers, visés par des décisions d'expulsion.
"Vous facilitez une politique migratoire répressive et inique, alors même que votre groupe parlementaire a récemment voté une motion de rejet contre un projet de loi immigration trop sécuritaire", accuse le collectif Anti-CRA 33, un regroupement de 22 associations, syndicats et partis politiques.
Parmi ses membres : l'organisation altermondialiste Attac, l'association de défense des droits des étrangers La Cimade, Médecins du monde, la France insoumise ou encore le NPA. Tous ont saisi le tribunal administratif fin novembre pour faire annuler l'accord conclu entre la Métropole et l'Etat.
"C'est la seule prison dans laquelle on enferme des innocents"
Les signataires de la lettre remettent en cause l'existence de ces centres. Ils les jugent contraires aux traités internationaux relatifs au droit d'asile tels que la Déclaration universelle des Droits de l'Homme et la Convention de Genève. "Les centres de rétention sont aujourd'hui les seuls dispositifs qui permettent d'enfermer des personnes n'ayant commis aucun délit", écrit le collectif.
L’absence de titre de séjour n’est pas reconnue par la justice comme étant un délit passible d’emprisonnement
Collectif Anti-CRA 33Lettre ouverte à Alain Anziani, président PS de la Métropole de Bordeaux
"Même si c'est légal, il y a un problème de légitimité, car c'est la seule prison dans laquelle on enferme des innocents", estime Nathalie Dugravier présidente de la Cimade de Bordeaux. "L’enfermement cause des dégâts psychiques dans la tête de personnes qui n’ont pas commis de délits", s'alarme la représentante locale de l'association.
Dans leur courrier, les opposants au projet demandent au maire de Mérignac et président de la Métropole d'abandonner la cession du terrain devant accueillir le futur centre.
Une décision en contradiction avec ses précédentes prises de position selon eux : "Êtes-vous toujours en accord avec votre engagement de maire en faveur des principes d'hospitalité, de solidarité et de respect des droits des personnes, valeurs portées par l'ANVITA, l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants dont la Ville de Mérignac est adhérente ?", interrogent-ils.
Pas d'alternative selon le président de la Métropole
Les anti-CRA dressent même un parallèle avec les camps d'internement ouverts par le régime de Vichy durant la seconde guerre mondiale : "Comment pouvez-vous, Monsieur Anziani, accepter en tant que Maire de Mérignac que l'histoire puisse se répéter sur votre commune ? Il y a 83 ans, on a interné à Mérignac dans le camp de Beaudésert des personnes qui n'avaient eu comme tort que d'être juifs, nomades, étrangers, communistes ou réfractaires au STO".
"C’est scandaleux de comparer des étrangers en situation irrégulière avec des camps de concentration. Le CRA n’est pas un endroit où il y a des morts", s'offusque Alain Anziani, contacté par téléphone.
Le président de la Métropole ne se dit "pas forcément favorable" à ce type de structure mais pense qu'il n'existe aucune alternative.
Les CRA ont été créés il y a longtemps. J'aimerais que notre pays en soit dépourvu mais il faut trouver des solutions pour les personnes en attente d'expulsion. Il n'y a pas d'autres solutions.
Alain AnzianiPrésident de Bordeaux Métropole
En attendant que le Tribunal administratif de Bordeaux se prononce sur le recours des opposants au projet, ces derniers espèrent rallier le plus grand nombre à leur cause. Ils ont mis en ligne une pétition qui a récolté presque 600 signatures.