Les joueuses des Rubies se réunissent autour du rugby pour sortir du quotidien et oublier la maladie

À Bordeaux, une équipe de rugby réunit des femmes en rémission de cancer et des soignants. Dans une démarche de sport santé, les Rubies, impulsées par l'association Drop de Béton, visent à faire sortir les patients de leur quotidien et surtout, du cadre médical.

La nuit tombe à peine sur le stade Marie Houdré, à Mérignac. Les lampadaires éclairent la pelouse synthétique, humide d'une pluie qui ne laisse que très peu de répit. Ce lundi soir, pourtant, le mauvais temps ne décourage pas les joueuses des Rubies, qui arrivent petit à petit à l'entraînement hebdomadaire de rugby santé.

L'équipe est essentiellement constituée de femmes, atteintes de cancer, et de soignants, en contact direct avec la maladie. Toutes le savent, connaissent les histoires de chacune, mais ici, le sujet est volontairement éludé. "On n'est pas là pour parler de la maladie", indique Patricia, en tentant d'essuyer les gouttes qui ruissellent sur ses lunettes de vue.

Une évidence

Cela faisait cinq mois que Patricia n'avait plus touché un ballon de rugby. Des problèmes de santé l'ont éloignée des terrains. Une opération du genou, suivie d'injections. Mais aujourd'hui, ça va mieux, elle "ne souffre plus". Son médecin lui a de nouveau donné l'autorisation de reprendre les entrainements "en y allant mollo". La soixantenaire a toujours été sportive et a l'habitude d'adapter son activité physique à son état du moment. Cette douleur au genou, ce n'est rien comparé à ses années de cancer du sein qui ont complètement fait basculer son quotidien. Depuis juin, elle est en rémission. "Enfin", même si la crainte d'une rechute embrume toujours un coin de sa tête.

Patricia est née dans une famille où le rugby est légion. Pour elle, rejoindre les Rubies a été une évidence. À vrai dire, elle a largement participé à sa genèse. "Lorsque j'étais en chimio, j'ai lu une revue qui parlait des Rubies à Toulouse, je me suis dit, « pourquoi ne pas faire pareil ici, à Bordeaux ? », c'est aussi une terre de rugby finalement. " Après un coup de fil à la Fédération Française de Rugby, le projet est lancé. Les Rubies voient finalement le jour en octobre 2021, encadrée par l'association Drop de Béton.

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Sur le bord du terrain, Oïhana guide ses joueuses au rythme de ses consignes. C'est en 2022 que la jeune rugbywoman de 23 ans a pris les rênes de l'équipe. Titulaire d'une licence de Staps spécialisée dans les activités physiques de santé adaptée, elle a sauté sur l'occasion lorsqu'elle a appris que l'association Drop de Béton recherchait une formatrice. Pour cette passionnée, évoluer avec ce groupe "est une vraie richesse". "On n'est pas là pour les juger, on est là pour qu'ils prennent du plaisir et qu'ils retrouvent du lien social, c'est un vrai bonheur d'encadrer cette équipe."

C'est une leçon de vie qu'on prend, ils s'adaptent même si l'environnement n'est pas forcément adapté à eux.

Oïhana Daubas

Entraineuse des Rubies

Dans le cadre du rugby santé, les règles sont adaptées. Les contacts, qui pourraient effrayer les plus fragiles, sont proscrits. Les joueuses évoluent à 5 contre 5 et font du "toucher". "J'adapte aussi au niveau de l'intensité, précise la coach Oïhana. J'ai des groupes qui sont capables de tenir une séance d'une heure et d'autres non, donc chacun fait à son rythme."

Sortir du cadre médical

Après des périodes de jeu entremêlées d'exercices techniques, Patricia, essoufflée, s'accorde quelques minutes de répit sur le bord de la pelouse. Elle s'avoue fatiguée, mais pour elle, reprendre le sport était presque devenu vital. "J'en avais vraiment besoin, confie-t-elle. Ça fait du bien moralement de faire autre chose. Ici, on n'est plus qu'un numéro de dossier médical."

Les entraînements sont également ouverts au personnel soignant. Sophie, elle, travaille à l'hôpital Pellegrin à Bordeaux. Le rugby, ça n'a jamais réellement été son truc. Mais attirée par la "philosophie du sport combinée à des bienfaits de santé", elle n'a pas hésité à apporter sa bienveillance au groupe, pour "amener des patients à faire autre chose que la maladie".

Manque de joueuses

Malheureusement, les joueuses des Rubies sentent bien que l'équipe a du mal à prendre. Elles sont à peine dix à participer régulièrement aux entrainements. "Avec les problèmes de santé de chacun, on se retrouve très vite en effectif réduit, pointe Oïhana. Heureusement, qu'il y a une forte cohésion d'équipe, sinon, ça fait longtemps que les Rubies de Bordeaux se seraient effondrées…", souffle l'entraîneuse.

Pour tenter de pallier ce manque d'effectif, les Rubies vont désormais s'ouvrir à un plus large public. Des personnes souffrant de maladies chroniques ou de handicap, pourront également se joindre aux entrainements. Comme Salomé, atteinte d'un trouble psychique, qui complète l'équipe depuis quelques mois déjà. "Mon handicap, ça ne se voit pas, précise-t-elle, mais je vais avoir du mal à comprendre les consignes alors que quand on joue au vrai rugby, il faut vite comprendre, réagir."

Là, on a le temps de prendre le temps sur chaque consigne, chaque exercice et il y a aussi moins d'enjeu, donc c'est moins vexant d'échouer.

Salomé

Joueuse des Rubies

Toute l'équipe espère voir de nouvelles recrues tentées par l'expérience et invite les volontaires à les contacter. Si elles reconnaissent que le rugby souffre encore de son image associée "à un sport avec beaucoup de contacts", elles appellent les curieux à venir tenter leur chance. Une chose est sûre, elles, ne sont pas près de rendre le ballon. 

Toute joueuse volontaire peut contacter l'association Drop de Béton pour obtenir plus d'informations au 06 42 40 25 43

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