Locataire dans l'Entre-deux-mers, Jean-Paul Lacaze a l'opportunité d'acheter la maison dans laquelle il habite et qu'il réaménage depuis plus de quatre ans. Pour autant, le sexagénaire, qui perçoit l'allocation adulte handicapé, peine à convaincre les banques. Il s'est résolu à lancer une cagnotte solidaire.
Jean-Paul Lacaze a longuement hésité avant de franchir le cap. Il a sondé son entourage, pour savoir si sa démarche ne serait pas mal perçue. Puis il s'est lancé, en quelques lignes. "Ma pierre à l'édifice", c'est le titre du petit texte qui accompagne sa cagnotte solidaire, déposée sur le site Leetchi.
"La maison que j'occupe comme locataire depuis quatre ans et demi est à vendre , écrit-t-il. (...) Je suis pendant quatre mois le seul acheteur possible. Bien sûr, dans ma situation, avec mon âge et mes revenus, je ne vais pas pouvoir faire financer la totalité par un emprunt bancaire. Mais le prix est tellement intéressant que je ne pouvais faire autrement que de me positionner".
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Le projet d'une vie
L'appel est lancé, l'objectif fixé à 15 000 euros. "Aujourd'hui, on voit des cagnottes pour un oui ou pour un non, parfois pour des choses futiles, et je ne voulais pas que ce soit perçu comme ça. Mais là, je me dis que cet apport pourra me rendre un peu plus crédible avec mon projet auprès des banques", commente-t-il.
Ce projet, c'est celui d'une vie. Depuis plus de quatre ans, Jean-Paul Lacaze est locataire d'une maison située à Saint-Pierre-de-Bat, dans le sud Gironde. C'est ici, dans cette commune de 300 habitants, qu'il s'est installé dans un T2 de 54 mètres carrés. "Pour une personne seule et avec autant d'extérieurs, c'est le top".
Les vignes (bio) sont à sa porte, le terrain est grand et le logement fait partie d'un grand ensemble comprenant un chais.
Et c'est cet ensemble, soit 300 mètres carrés, que son propriétaire a mis en vente. Le prix est fixé à 70 000 euros net vendeur. Une aubaine pour Jean-Paul, qui s'imagine déjà vieillir dans ce logement de plain-pied, réaménager les lieux et même disposer d'un petit revenu locatif pour améliorer le minimum vieillesse qui l'attend à la retraite.
Des assurances trop élevées
Reste à trouver le financement. Séropositif, Jean-Paul perçoit l'AAH et une pension d'invalidité. Au total, ses revenus s'élèvent à 1 400 euros par mois. Et les premiers rendez-vous avec les courtiers sont peu encourageants.
C'est au niveau des assurances que le bât blesse. Jean-Paul peut rembourser 400 euros par mois, soit le montant de son loyer actuel. Mais après avoir rempli le questionnaire médical, le prix des assurances flambe, et les mensualités atteignent 700 euros mensuels.
J'ai l'espérance de vie de n'importe qui. Mais tout de suite, au vu de ma situation, les warnings s'allument comme si j'étais une personne à risque.
Jean-Paul Lacazeà Rédaction web de France 3 Aquitaine
D'où la cagnotte, relayée via Twitter. Sur ce réseau social, Jean-Paul Lacaze qui compte plus de 7 300 abonnés a raconté son histoire, photos à l'appui, décrivant par le menu les travaux auxquels il s'adonne et la façon dont il se projette, si son projet aboutit. "J'imagine déjà avoir une sécurité au niveau du logement, sans craindre d'être viré du jour au lendemain. Pouvoir utiliser le chai pour bricoler, et en faire profiter d'autres : bricoleurs, musiciens, sculpteurs...". À ce jour, le montant de la cagnotte atteint 4 000 euros.
Faire jouer la concurrence
Comme Jean-Paul, les acheteurs potentiels sont de plus en plus nombreux à devoir faire face à la frilosité des banques. Avec la hausse des taux d'intérêt, il devient de plus en plus difficile d'obtenir un crédit. Et la situation se corse encore, quand on a dépassé un certain âge, ou qu'on connaît des soucis de santé. Et à l'instar de Jean-Paul, c'est généralement au niveau de l'assurance emprunteur, quasi systématiquement, que le dossier coince.
"Parfois, l'assureur refuse de couvrir l'emprunteur aux conditions standards parce qu'il trouve que son profil est trop risqué, analyse Mathieu Robin, responsable adjoint des études pour UFC- Que Choisir. Ou alors, on va accepter de l'assurer, mais en réalité le tarif qu'on lui propose est tellement élevé qu'il entraîne un dépassement du seuil de l'usure, soit le taux maximal auquel les banques ont le droit de prêter au consommateur".
Des écueils qui ne justifient pas pour autant de baisser les bras. Des solutions alternatives existent, rappelle le spécialiste, qui conseille tout d'abord de faire jouer la concurrence pour éviter les offres standardisées. Mieux vaut donc se tourner vers un courtier en assurance, différent d'un courtier en crédit immobilier, qui, sera plus spécialisé sur les personnes plus âgées ou à la santé plus fragile. Et qui pourra orienter l'emprunteur sur des assureurs plus au fait de ces spécificités.
Hypothéquer son bien immobilier
Et si le dossier bloque toujours, reste le recours à la convention Aeras (s'Assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé). "Celle-ci permet de résoudre un certain nombre de difficultés", assure Mathieu Robin. Notamment avec des propositions alternatives, qui ne couvriront pas tous les risques. Ou encore, pour les plus modestes, en offrant la possibilité de faire prendre en charge par la collectivité les sur-tarifications des primes d'assurance emprunteur. "Le consommateur n'a rien à faire, il fait sa demande auprès de l'assureur et sa demande remonte en fonction des échelons".
Autre possibilité pour ceux bénéficiant d'une épargne : s'engager à la céder à la banque en cas de décès avant la fin des remboursements. "Si ça ne passe toujours pas, on peut toujours envisager d'hypothéquer sa maison. Si le consommateur décède, la banque peut revendre le bien pour rembourser le capital dû restant", explique Mathieu Robin.
Une solution encore peu plébiscitée par les Français : moins de 5% des emprunteurs ont recours à l'hypothèque.