Le parlement vient d'adopter en lecture définitive la loi de prévention et de lutte contre les incendies. Un texte qui vise à éviter de revivre un été émaillé par de nombreux feux de forêt. Mais pour certains parlementaires, dont la sénatrice de la Gironde Monique de Marco, si le texte répond à l'urgence, il manque clairement d'ambition par rapport à l'ampleur du phénomène.
Afin de ne pas revivre le même désastre qu'à l'été 2022, le parlement vient de prendre de nouvelles mesures. La proposition de loi "visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie" a été adopté en lecture définitive, le 29 juin 2023. Parmi les mesures phares : l'interdiction de fumer dans en forêt ou le durcissement de l'obligation de débroussaillement.
Un texte qui vient palier l'urgence de la situation, mais qui, pour beaucoup de parlementaires, est devenu "beaucoup trop léger" par rapport à ses premières versions. Parmi eux, la sénatrice de Gironde Europe Écologie-Les Verts, Monique de Marco qui dénonce un texte qui ne va pas assez loin.
Un manque d'ambition pour "faire des économies" ?
"Nous avons longuement hésité à voter le texte dans sa dernière version, mais nous l'avons fait pour faire face à l'urgence", explique la sénatrice, Monique de Marco. Si le texte a été voté à l'unanimité, le consensus ne semble être que de façade. Plusieurs groupes parlementaires dénoncent une loi qui n'est pas conforme aux ambitions initiales. "Le texte ne va pas régler le problème de l'urgence des risques incendies et climatiques", pointe la sénatrice de Gironde.
Le texte prévoit une "stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies", mise en place par le gouvernement, l'Office Nationale des Forêts (ONF) ainsi que les élus locaux. L'extension des "plans de protection des forêts contre les incendies" à tous les départements classés à risque devrait permettre également une meilleure prévention des risques. Le texte consacre également l'interdiction de fumer à moins de 200 mètres des massifs forestiers dans les périodes à risques. Les véhicules du Sdis seront exonérés de la TICPE, la taxe sur les carburants.
Des mesures qui "vont dans le bon sens", concède Monique de Marco. Pour autant, la sénatrice reste très déçue des autres mesures que comporte la loi. "On l'a votée pour être raisonnables, justifie-t-elle. Mais cela ne résout absolument pas l'ampleur de la tâche !" Si les sanctions concernant le non-respect de l'obligation de débroussaillement ont été renforcées, passant de 30 à 50 euros d'amende par m2 non débroussaillé par les propriétaires de massifs forestiers, cela reste trop peu, selon la parlementaire écologiste. "Cette obligation n'est respecté qu'à 30 % aujourd'hui. Il y a déjà des sanctions et elles ne sont pas appliquées", pointe Monique de Marco, qui souhaitait plutôt une aide au débroussaillement via un crédit d'impôts pour les propriétaires les plus modestes.
Un euro investi dans la prévention et la lutte contre les incendies, c'est 20 à 25 euros de dégâts sauvés.
Monique de Marco, sénatrice Europe Écologie-Les Verts de Gironde
La loi prévoit également une réduction de cotisations patronales pour les entreprises qui mettent à disposition des salariés en tant que pompiers volontaires. Seul problème : cela ne concerne pas le secteur public et les collectivités locales. "Le gouvernement ne l'a pas retenu alors que l'on insistait sur ce point, regrette la sénatrice. Pour les petites communes, c'est très compliqué d'avoir des sapeurs-pompiers volontaires." Selon, elles, plusieurs mesures cruciales ont été supprimées "par Bercy" pour des raisons "purement financières". Il manquerait pourtant 50 000 sapeurs-pompiers volontaires en France.
Un manque d'ambition pour la parlementaire, pour qui l'État "fait des économies" alors que les épisodes d'incendies "ne font que commencer". Elle prend en exemple l'ONF, qui voit ses effectifs diminuer pour plus de missions : "on a réussi à ce que les effectifs se stabilisent, mais il n'y a pas plus de moyens." Pourtant, "1 euro investi dans la prévention et la lutte contre les incendies, c'est 20 à 25 euros de dégâts sauvés", assure Monique de Marco, en s'appuyant sur la Fédération nationale des Sapeurs-pompiers.
"On s'attendait à une prise de conscience, donc on est déçu"
Plus qu'un manque de moyens, l'élue regrette l'absence de vision à plus long terme, ce qui était pourtant l'ambition de départ. "Le terme "biodiversité" n'a pas été retenu dans la dernière version, alors qu'il l'était à de maintes reprises initialement, c'est assez décevant. Il faut une stratégie globale qui incorpore le vivant et la gestion de l'eau", insiste Monique de Marco.
Elle dénonce un gouvernement qui n'apprend pas de ses erreurs. "Tous les scientifiques disent qu'il faut diversifier les espèces plantées dans les forêts, car cela ralentit la progression du feu, mais dans les Landes, on replante encore uniquement des pins", enchaîne la sénatrice. Elle avait aussi proposé une cartographie des piscines privées dans lesquels les pompiers pourraient pomper de l'eau en cas d'urgence. La mesure a également été retoquée.
Malgré tout, la sénatrice Monique de Marco espère qu'il ne faudra pas d'autres catastrophes pour prendre conscience de l'ampleur de la tâche à effectuer. Elle le répète : "les incendies vont se multiplier dans les années à venir, et pour cela, il faut se préparer." Lors de l'été 2022, 66 000 hectares de forêts ont brulé en France.