Sud-ouest : la sécheresse hivernale fait craindre le pire pour l'été "Nous attendons un temps sec dans les prochaines semaines"

Avec des températures au-dessus des normales saisonnières, les conséquences de la sécheresse hivernale s’observent déjà en Aquitaine avec des feux de forêts qui ont commencé dès février. Si la région reste en meilleure posture que d’autres en France, le manque de pluie risque d’annoncer un été 2023 à nouveau difficile.

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En ce mois de février, les vacanciers ne boudent pas leur plaisir. Une fois n’est pas coutume, le soleil et la douceur des températures sont au rendez-vous. Pas la pluie.
Ce 17 février, la France est à son 27e jour d’affilée sans précipitations, battant ainsi un record hivernal vieux de 1989.
Le sud-ouest n’y fait pas exception. À l’image de la Leyre, le niveau des cours d’eau est très bas, celui des nappes phréatiques également. Et ce n’est pas près de changer, selon Gabrielle Castella de Météo France. "Nous attendons un temps sec dans les prochaines semaines.", affirme-t-elle. Une situation anormale qui fait craindre à nouveau le pire l’été prochain alors que les premiers feux de forêts ont déjà eu lieu en Gironde et dans les Landes ces derniers jours.

Un manque de pluie

Entre les mois de septembre et de mars, c’est la saison de recharge des pluies. Les nappes phréatiques font le plein, les cours d’eau remontent permettant ainsi de prévenir la saison estivale. Si cette période n’est pas encore tout à fait terminée, pour le moment, l’état des lieux est préoccupant. "Sur le sud des Landes et le nord des Pyrénées-Atlantiques, la situation est plutôt normale. Partout ailleurs, il y a un déficit de pluie par rapport à ce qu’il s’observe en moyenne", note Gabrielle Castella des services météorologiques & climatiques Sud-ouest de Météo France.

Après un mois de septembre dans la moyenne, le mois d’octobre 2022 a été particulièrement sec dans l’ancienne région Aquitaine. Près de 70 % de précipitations en moins par rapport aux normales ont été relevées ce mois-ci, en faisant le 5e plus sec depuis 1960. Le mois de décembre n’a pas été beaucoup plus arrosé avec un déficit de 60 % de pluie sur ce qui tombe habituellement. Mais c’est cette première quinzaine de février qui inquiète plus que tout. Seulement 0,8 mm de pluie en cumul moyen ont été relevés jusqu’à présent quand la normale se trouve à 80 mm pour le deuxième mois de l’année.

La saison record qui a connu le moins de précipitation est celle de septembre 1988 à mars 1989. Il y avait alors un déficit de pluie de 45 % par rapport à la normale.

Gabrielle Castella, adjointe à la responsable de la division Services météorologiques et climatiques de la région Sud-ouest de Météo france

Les mois de novembre et de janvier ont pourtant été motif d’espoir avec respectivement 27 et 25 % de pluie en plus qu’à l’accoutumée. "Ce surplus ne suffit pas à combler les déficits des autres mois", relève toutefois Gabrielle Castella. Depuis septembre, 456 mm de pluie en moyenne sont tombés en Aquitaine. "L’an dernier, sur la même période, mais jusqu’à mars, nous étions à 506 mm, soit 10 % en dessous de la normale", souligne la météorologue. Avant de nuancer : "Si on regarde depuis 1960, ce n’est pas du tout exceptionnel d’être déficitaire. De septembre au 14 février, il y a eu 11 années où il a encore moins plu que cette année."

Des nappes phréatiques qui se remplissent difficilement

"Il y a eu quelques précipitations en janvier qui ont bénéficié aux cours d’eau et aux nappes superficielles, rappelle tout de même l’hydrogéologue bordelais Alain Dupuy. Mais le manque de pluie annonce une saison de tension sur les cours d’eau et les nappes phréatiques, car il y a peu de stock." En cause un hiver 2021/2022 déjà relativement sec, suivi de la grande sécheresse de l’été 2022. "Cette succession de bilan déficitaire fait qu’on ne remplit pas les nappes phréatiques", constate-t-il.

Selon le dernier bulletin du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) datant de janvier 2023, en Aquitaine, le remplissage des réserves et nappes phréatiques se fait très difficilement. "Au 1er janvier 2023, le taux de remplissage global des retenues non conventionnées est de 31,5 % contre 74,1 % à la même période en 2022. L’état de remplissage de ces retenues est le plus faible observé depuis 2017", détaille le BRGM à propos de l’ensemble du bassin de l’Adour et de la Garonne.

Les arbres ont gardé leurs feuilles tard, donc ont continué à consommer de l’eau tard dans l'année.

Alain Dupuy, professeur d'hydrogéologie à Bordeaux INP et directeur de l'ENSEGID

En Aquitaine, la situation est toutefois moins mauvaise qu’ailleurs. Pour les précipitations, "c’est plutôt mieux en Aquitaine que dans les régions autour", signale Gabrielle Castella. La situation du sud-ouest n’a rien à voir avec celle du sud-est où, dès ce mois-ci, la préfecture des Bouches-du-Rhône a déclaré l’état de vigilance sécheresse et des communes ont été placées en alerte. Dans les Pyrénées-Orientales, la situation n’est pas plus rassurante.

La crainte d'un nouvel été difficile

Mais si l’Aquitaine semble en meilleure posture, elle pourrait finir par pâtir des situations voisines. "L’Aquitaine est un bassin en aval, aucune des sources de nos cours d’eau n’est dans la région. Il faut donc aussi regarder en amont et là aussi ce n’est pas rassurant", explique Alain Dupuy avec la crainte d’un effet domino.

Avec le beau temps actuel, la végétation risque de reprendre plus tôt qu’à la période printanière habituelle. "Une fois qu’elle est là, la végétation absorbe toute l’eau qui tombe, c’est pour cela qu’il faudrait qu’il pleuve", prévient l’hydrogéologue, Alain Dupuy. Pour le moment, Météo France table sur des mois de février, mars et avril plus chaud que la normale. "Aucun scénario n’est privilégié concernant les précipitations, précise tout de même Gabrielle Castella de la section Sud-ouest de Météo France. Tout est encore largement possible."

S'habituer et s'adapter à la sécheresse ? 

Mais quoi qu’il en soit, l'accumulation du manque de pluie et des sécheresses estivales comme hivernales, tire sur la corde. Ce qui n’annonce rien de bon pour les mois ou les années à venir. "Le dérèglement climatique nous amène à penser que 2022 serait une année quasiment normale à horizon 2050", avertit Alain Dupuy.

Des sécheresses auxquelles il va donc sans doute falloir s’habituer et s’adapter. "Il va falloir être très économe, partager l’eau entre la consommation publique, l’industrie, l’agriculture et aussi le milieu naturel qui, lui, ne peut rien faire pour se protéger seul", continue le professeur en Hydrogéologie à Bordeaux.

La sécheresse climatique et hydrologique de l'an dernier a tout asséché.

Alain Dupuy, professeur d'hydrogéologie à Bordeaux INP et directeur de l'ENSEGID

L’eau risque d’être une ressource qui se fait de plus en plus rare. Alain Dupuy observe une similarité avec la crise énergétique, à ceci près que le coût de l’eau n’explose pas. De quoi malgré tout prendre la mesure de la situation ? Alain Dupuy se dit "raisonnablement optimiste". De "grands programmes de réflexion" ont été lancés au plan régional et national incluant de multiples secteurs et disciplines, "car tout cela est interconnecté".

En attendant, s’il ne pleut pas dans les semaines à venir, les conséquences de cette sécheresse hivernale risquent de s’observer à nouveau l’été prochain.

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