"Nous ne sommes pas des cow-boys" : les policiers municipaux veulent des armes à feu pour mener leurs missions à Bordeaux

Les policiers municipaux de Bordeaux sont en colère. Ils jugent leur armement inadapté à la dangerosité de leurs missions. Ils réclament des armes létales, comme leurs collègues d'autres communes de la métropole bordelaise. L'attaque au couteau sur les quais, début avril, a été pour eux un déclic.

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C'est une demande qui remonte à plusieurs années, bien avant l'élection de Pierre Hurmic à la mairie de Bordeaux. Les policiers municipaux de la capitale régionale veulent être équipés d'armes létales. Mais aujourd'hui, face à la multiplication d'interventions potentiellement à risque, leur demande se fait de plus en plus insistante. 

"Il existe un sentiment d'insécurité sur le terrain dans les rangs des policiers municipaux de Bordeaux", confie Jérôme Desorthes, délégué CGT du personnel à la ville.
Une alarme sociale a été déposée le 21 mai, avec la menace d'un possible préavis de grève, faute d'avancées. Des discussions sont en cours entre la mairie et ses policiers municipaux.

Un sujet semble-t-il sensible à Bordeaux, où la sécurité est régulièrement source d'invectives entre l'opposition municipale et la majorité. L'adjoint au maire en charge de la sécurité n'a pas donné suite à notre demande d'interview. Et aucun policier municipal n'a souhaité s'exprimer au sujet de ces négociations actuelles.

L'attaque au couteau des quais a marqué les esprits

Quotidiennement, lors de leurs interventions, les policiers municipaux expliquent découvrir des armes blanches sur des individus qu'ils contrôlent.
Mais c'est l'attaque au couteau du 10 avril dernier, sur les quais de la ville, qui a été comme un déclic. L'agresseur, qui a tué un homme et blessé gravement un second, a été abattu par la police nationale.

Que se serait-il passé si un agent municipal, non armé, avait dû faire face à cet assaillant ?

Jérôme Desorthes

Délégué CGT mairie de Bordeaux

"Le pistolet à impulsion électrique qui équipe nos agents, aurait été inefficace. Ce Tazer n'offre qu'une seule chance de tir, et il ne neutralise pas un suspect qui porte des vêtements épais. Face à ce genre de situation, il en va de la sécurité des policiers, mais aussi de la population", argumente le syndicaliste, ancien policier municipal de terrain.

Au lendemain de cette attaque au couteau sur les quais, le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, affirmait dans les colonnes du JDD que l'armement de ses policiers n'aurait pas évité le drame. Et de préciser que sa police municipale était déjà armée avec des outils qui lui permettent d’être dissuasive et de neutraliser des assaillants. 

"Des outils inadaptés aux interventions"

Les policiers municipaux de Bordeaux sont actuellement équipés de tasers, d'une gazeuse, de matraques télescopiques et de gilets pare-balles. Un équipement qu'ils jugent pourtant insuffisant pour leurs missions.
"Ils sont fréquemment les premiers à intervenir sur des situations à risques, avant même l'arrivée de la police nationale, du fait du maillage du territoire et du nombre d'agents déployés simultanément en ville", rappelle Jérôme Desorthes. "Une banale intervention pour tapage peut exposer les policiers à un individu armé. La violence est de plus en plus aiguë !" 

Dès 2022, des consignes ont été diffusées en interne pour éviter d'exposer les agents à des situations trop à risque dans certaines zones de la ville, selon l'élu cégétiste. 

Le sujet de la sécurité au conseil municipal début juillet

Pierre Hurmic, le maire EELV de Bordeaux, n'a jamais été favorable au port d'arme létale pour ses policiers. "Je ne suis pas un shérif, et les agents ne sont pas des cow-boys", déclarait-il devant la presse début avril, avant le drame des quais.
Aux critiques de l'opposition municipale sur le présumé laxisme du maire face à l'insécurité dans sa ville, l'adjoint en charge de la sécurité Marc Etcheverry soulignait alors que les effectifs de police municipale sont passés de 138 à 170 agents depuis 2020, avec un objectif de 200 agents en 2026. Et que le nombre de caméras de surveillance a augmenté de 40 à 50 %. Une brigade anti-incivilités et une brigade canine ont aussi vu le jour.

Mais face à l'inquiétude fortement exprimée ces dernières semaines par les policiers municipaux de Bordeaux sur leurs conditions d'exercice, le ton semble avoir changé à la mairie.

Pour l'équipement des policiers municipaux avec des armes létales, ce n'est plus un non ferme. C'est une première. Nous attendons aujourd'hui les propositions de la mairie

Jérôme Desorthes

Délégué CGT mairie de Bordeaux

Si l'adjoint au maire en charge de la sécurité, de la prévention de la délinquance et de la médiation à Bordeaux ne souhaite pas faire de nouveaux commentaires publics à ce stade, c'est que ce dossier sécuritaire sera au cœur du prochain conseil municipal, début juillet. Les débats promettent d'être animés.

L'arme à feu, un argument de recrutement aussi

L'arme à feu, c'est la sécurisation de l'agent et des habitants, argumentent les policiers municipaux de Bordeaux. "Nous ne sommes pas des cow-boys", assure Jérôme Desorthes. "D'ailleurs, depuis que les communes limitrophes de Pessac ou du Bouscat ont équipé leurs policiers d'armes létales, il n'y a jamais eu de drame lié à un usage inadapté de celles-ci", ajoute l'ancien policier de terrain.

En France, 58 % des policiers municipaux étaient armés fin 2021, selon le ministère de l'Intérieur. Dès lors, l'armement est devenu un argument de recrutement pour les mairies, alors que d'anciens militaires ou policiers nationaux, habitués au port d'armes, rejoignent les rangs des polices municipales. "Nous avons du mal à garder des recrues à Bordeaux. Au terme de leur année de formation, parfois avant son échéance même, certains préfèrent rejoindre une police municipale armée.", confie Jérôme Desorthes.

La réponse de la mairie de Bordeaux aux doléances de ses policiers sera donc connue début juillet, en conseil municipal. Espérée par les agents, cette réponse sera aussi une arme politique pour la majorité municipale face à son opposition, car ce sujet de la sécurité tiendra le haut de l'affiche dans la campagne des prochaines élections municipales à Bordeaux.

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