Le conseil de gestion du parc naturel marin de l'estuaire de Gironde a voté le prolongement de la concession minière du Platin de Grave jusqu'en 2024. Les opposants pointent une activité contraire aux enjeux de préservation écologique de l’estuaire de la Gironde.
C'est une colère froide qui monte depuis près d'un an. En avril 2023, le conseil de gestion du parc naturel marin de l'estuaire de Gironde votait l'autorisation de prolongement de la concession minière du Platin de Grave pour vingt ans supplémentaires, jusqu'en 2043, avec 30 voix pour et 19 contre.
Jeudi 1ᵉʳ février, lors d'un conseil de gestion qui se déroulait à Rochefort, les opposants ont une nouvelle fois fait part de leur rejet, rappelant l'avis défavorable rendu par le Conseil scientifique de l'estuaire de la Gironde et les associations. "Nous avons annoncé la couleur, nous ferons un contentieux lourd contre cette décision, on en fait une question de principe", martèle Dominique Chevillon, vice-président de la Ligue de protection des oiseaux.
Des granulats destinés à l'industrie
L’extraction de granulats marins, opérée par la société Granulats ouest, consiste en l’aspiration hydraulique d’un mélange constitué d’eau et de sédiments, destiné par la suite à la réalisation et la commercialisation de béton pour des travaux publics. Les navires sabliers à la manœuvre puisent donc leurs ressources dans le Platin de Grave, situé au cœur de l'estuaire de Gironde. Pour les associations, la poursuite de cette activité dans les vingt prochaines années va à "l’encontre des impératifs de restauration écologique de l’estuaire".
Le sujet divise jusqu'au sein même de l'administration du parc. "On a été très étonnés, réagit Dominique Chevillon, aussi membre du bureau du parc naturel marin. Non seulement l'équipe, composée de scientifiques, avait émis un avis défavorable, mais en plus, on est complètement contraires aux objectifs du plan de gestion."
Même l'équipe de l'Office français de la biodiversité du parc mer des Pertuis s'est prononcée défavorablement à ce renouvellement, c'est quand même extraordinaire !
Dominique Chevillonvice-président de la Ligue de protection des oiseaux
"Une décision vide de sens"
Dans son enquête publique, la préfecture de la Gironde décrit de son côté un impact environnemental "faible" voire "minime" sur les milieux naturels "compte tenu des faibles surfaces concernées". Une justification tempérée par la Ligue de protection des oiseaux dans son communiqué :
"Localisée à 2 km des côtes dans l’embouchure de la Gironde, la zone concernée par la demande s’étend sur une superficie de 4,54 km² et se situe dans la limite des trois milles nautiques du périmètre de 3 aires protégées reconnues pour leur importance écologique." Les aires évoquées étant le Parc naturel marin estuaire de la Gironde et mer des Pertuis, le site Natura 2000 Estuaire de la Gironde et le site UNESCO du Phare de Cordouan
Pour Dominique Chevillon, cette décision est "vide de sens" en regard de l'état déjà "dégradé" de l'estuaire, par la présence "des métaux lourds et par l'extraction de granulats qui sont sur des lieux de frayères et de nourricerie de poissons de pêche de valeur marchande".
Cette durée pose un problème sur un estuaire, qui a vu en 25 ans, 30 % de ses volumes d'eau s'évaporer. C'est absolument considérable.
Dominique ChevillonVice-président de la Ligue de protection des oiseaux
"Tout ça pour en arriver là ? "
Parallèlement, la LPO a alerté le ministre de l’Écologie Christophe Béchu sur cette situation, qu'elle qualifie d'"inadmissible" et sur son intention de lancer des recours juridiques contre les actes administratifs qu’il pourrait être amené à signer dans les prochaines semaines.
"On est très en colère, insiste Dominique Chevillon, il y a même eu la démission d'une personne qualifiée. On considère que si on fait ça, dans un parc naturel marin, ça pose la question de la poursuite d'un travail au niveau des conseils de gestion. On ne peut pas accepter ce type d'industrie, sinon à quoi sert-on ?"
Le militant écologiste fustige une décision "qui ne satisfait que l'économie à court terme et qui va la desservir pendant cinquante ans". "On a bossé pour faire des zones Natura 2000 en Europe, on a créé des parcs nationaux et tout ça pour en arriver là ? Franchement, c'est extrêmement décevant et ça nourrit pas mal notre colère."
Les opposants à ce prolongement ont d'ores et déjà annoncé lancé un recours auprès de la justice. Contactée par France 3 Aquitaine, la société Granulats ouest n'a pas donné suite à nos sollicitations.