Le métier de chauffeur peine à susciter des vocations et voit de nombreux employés partir. Au point que des conducteurs manquent à l'appel en Aquitaine, dans les secteurs des transports urbains, comme à Bordeaux, ou scolaires.
Une offre de transports en commun bordelaise réduite faute de personnels, des postes de chauffeurs scolaires vacants dans la région quelques jours avant la rentrée... Le métier de conducteur n'attire vraisemblablement plus.
Mais comment expliquer cette crise des vocations ? Selon Yannick Chamblier, délégué syndical Force Ouvrière de l'entreprise de transports Citram Aquitaine, plusieurs facteurs sont en cause.
On est en permanence en mode recrutement. Entre les départs à la retraite, les gens licenciés pour inaptitude, parce que c'est un boulot compliqué : vous êtes toute la journée sur le ressort, je peux vous dire que le dos, il souffre. Ca, plus le fait que ça ne paie pas, et il y a des contraintes de travail : se lever tôt, rentrer tard, des amplitudes horaires assez importantes[...]
Yannick Chamblier
La pandémie de Covid-19 a aussi joué un rôle. Pendant une longue période, les transports ont été réduits ou suspendus. Certains travailleurs ont ainsi quitté le secteur, et ont pu constater que l'herbe était plus verte ailleurs. Cela "explique en grande partie la pénurie", assure Renaud Lagrave, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine en charge des mobilités. "Tous les transports sont impactés", et ce à l'échelle nationale, précise ce dernier.
Des conditions dégradées
Jean-Christophe Colombo, délégué syndical CFDT à Kéolis-Transports Bordeaux Métropole, dresse un constat similaire. Cet "effet Covid" a poussé les travailleurs à "aspirer à autre chose". D'autant que les conditions de travail se sont détériorées ces dernières années dans le secteur du transport urbain : à Bordeaux, l'élargissement de l'offre en bus et tramways impose une cadence toujours plus soutenue aux conducteurs.
Selon le délégué syndical, les démissionnaires se sont tournés vers des métiers divers, notamment l'auto-entreprenariat, dans l'idée de devenir "maître de leur temps". "Les mentalités ont changé. C'est un métier atypique avec des horaires atypiques. Certains viennent par exemple parce que Pôle emploi les envoie. Mais quand ils voient les conditions, ils ne restent pas. Ils ne tiennent pas la cadence."
"Cela pose la question : qu'est ce qu'on fait pour que les transports publics soient assurés et pour qu'il y en ait encore plus ?" s'interroge Renaud Lagrave.
Solutions d'urgence
Certaines entreprises du secteur ont eu à trouver des solutions immédiates pour ne pas laisser leurs usagers sur le carreau. Celles dédiées au transport scolaire ont dû pallier le manque de chauffeurs pour garantir le ramassage, notamment en redéployant des postes en interne, ou en rappelant des retraités.
De son côté, le réseau Keolis, qui assure le transport dans la métropole bordelaise, est en quête de 40 chauffeurs de bus et tramway. La fréquence de passage a donc été réduite sur certaines lignes. "Un manque de conducteurs, et ce malgré des campagnes de recrutement renforcées depuis le mois de juin, contraint le réseau TBM à ajuster son offre de transport", peut-on lire sur le site du réseau de transports Bordeaux Métropole.
Pour proposer une offre suffisante en cette rentrée, le groupe indique recourir davantage à l'intérim.
Mais ces solutions d'urgence ne sauraient régler un problème qui menace de s'inscrire dans la durée, à moins que les entreprises ne donnent aux nouvelles recrues l'envie de rester.
"On essaie de réfléchir avec la direction [de Kéolis] sur comment améliorer les conditions de travail pour attirer plus de monde et les conserver", expose Jean-Christophe Colombo.
Rendre le secteur plus attractif
Face à la pénurie de chauffeurs de cars scolaires, le gouvernement a annoncé un "plan d'actions" devant permettre, avec l'aide des organisations professionnelles et des régions, de "faciliter l’accès à la profession et aux formations, améliorer l’organisation et les conditions de travail des conducteurs, adapter le cas échéant les modalités de passation des marchés de transports scolaires".
Le métier de chauffeur scolaire, connu pour ses contrats très précaires, est bien "le parent pauvre", selon Jean-Christophe Colombo. Mais pour lui, c'est le secteur des transports en commun routiers dans son ensemble qui doit être repensé. "Il faut tout remettre à plat", conclut-il.
Regardez le reportage de France 3 Aquitaine sur la pénurie de chauffeurs sur le réseau Transports Bordeaux Métropole :