Pénurie de musiciens de l'Opéra national de Bordeaux : "si on ne joue plus de grands répertoires qui va les jouer ?"

Un quart des postes seraient vacants. Les membres de l'Opéra national de Bordeaux dénoncent depuis plusieurs années un sous-effectif qui a une incidence directe sur les concerts. Ce jeudi 20 juin, les musiciens, qui menacent de faire grève, alerteront le public sur cette situation avant de jouer la 7ᵉ symphonie de Mahler.

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"Jetant un pont entre tradition et modernité, la 7e Symphonie de Mahler requiert un effectif grandiose et hors norme". C'est ainsi que l'Opéra National de Bordeaux définit la représentation de ce 20 juin sur son site internet. "Effectif grandiose et hors norme", des mots en décalage avec le sentiment exprimé par les musiciens de l'Orchestre National de Bordeaux Aquitaine (ONBA). Ils dénoncent en effet depuis plusieurs années un sous-effectif chronique.

"Il y a plus d'un an, nous avions écrit une lettre ouverte concernant ces postes vacants", rappelle Tristan Liehr, secrétaire général adjoint du Syndicat des Artistes Musiciens de la Nouvelle-Aquitaine - CGT Un concert de sensibilisation sur le sujetavait même été donné en juin 2023.

"À l’époque nous étions 93 musiciens. Aujourd'hui, nous sommes passés à 80. Ce n'est plus possible. Même s'il va y avoir des recrutements à la rentrée, jamais on ne remplira les pupitres".

Il n'y a pas, de la part de la direction, la volonté d'atteindre l'effectif réglementaire.

Tristan Liehr

Syndicat des Artistes Musiciens de la Nouvelle-Aquitaine - CGT

Augmentation des coûts et stabilité des subventions

"Actuellement, le nombre de postes pourvus est de 87, mais, déduction faite des disponibilités ou des arrêts maladie de longue durée, ce nombre est ramené à 78", analyse Emmanuel Hondré, directeur général de l'Opéra de Bordeaux.

Selon la direction, la baisse du nombre de postes s'est accentuée "du fait de la diminution des ressources de l’Opéra, due à l’augmentation des coûts (crise sanitaire, crise énergétique, inflation) et à la stabilité des subventions publiques (mise à part l’augmentation de l’aide de 400.000 euros décidée par le Maire de Bordeaux en 2024 pour compenser une part des augmentations de charges)". 

"On a entre 10 à 25 intermittents par concert"

"Nous avons un effectif réglementaire dans nos statuts de 106 musiciens qui doivent être répartis entre les différents pupitres", explique Tristan Liehr. "À titre d'exemple, si on regroupe les pupitres des premiers violons et celui des seconds violons, il manquera au total 8 violonistes à la rentrée". Et visiblement tous les musiciens, quel que soit leur instrument, seraient touchés.

La direction a donc recours à de nombreux intermittents du spectacle. "Avoir recours à des intermittents se fait. Mais normalement, c'est en petit nombre. Là, on a entre 10 à 25 intermittents par concert. Quand on commence à répéter un lundi pour une représentation un jeudi, c’est compliqué", s'agace Tristan Liehr.
"Je ne remets pas en question leur talent, ce n'est pas le sujet. Mais il faut apprendre à connaître leur manière de jouer et c'est très difficile. Cela a une incidence sur la cohésion de jeu sur laquelle on travaille toute l'année pour réussir à faire sonner l'orchestre".

La direction reconnaît le recours aux intermittents, sans donner de chiffres. "Je comprends la frustration des membres de l’ONBA qui souhaite, comme nous tous, retrouver un palier de stabilisation des effectifs à un niveau supérieur", affirme Emmanuel Hondré.

Programmation au rabais

Ces intermittents sont synonymes de dépenses supplémentaires pour la direction. "Elle se dit que cela revient cher, donc on a moins de concerts programmés", regrette le violoniste Tristan Liehr. "Par exemple sur ces dix dernières années, on avait en moyenne une douzaine de grandes formations symphoniques par an. L'année prochaine, seulement trois sont programmées. Il y a dix ans, les levés de rideaux en tant qu'orchestre équivalaient à 60 % des levers rideaux de l'auditorium. La saison prochaine ils ne représenteront plus que 30 %".

On est mis à l’écart.

Tristan Liehr

Syndicat des Artistes Musiciens de la Nouvelle-Aquitaine - CGT

La direction se dit "à l'écoute des salariés"

Pour ce qui est du management, parfois dénoncé par certains salariés, la direction affirme tout mettre en œuvre pour instaurer un climat apaisé. "Nous sommes en permanence à l’écoute des salariés et nous venons de terminer notre analyse du travail effectué par les équipes administratives et techniques", explique Emmanuel Hondré

Il est évident que l’ONB a besoin de modernisation de ses outils informatiques, afin que nous puissions repenser le volume global des actions que nous menons, tout autant que la méthode collective de travail.

Emmanuel Hondré

Directeur général de l'Opéra National de Bordeaux

Fin 2023, le budget de l'Opéra était en léger bénéfice. "Celui de 2024 tendra je l’espère vers l’équilibre et les budgets suivants doivent encore être retravaillés pour ne pas rompre cet équilibre extrêmement fragile", poursuit le directeur général de l'Opéra National de Bordeaux.

Des financements de la Métropole ?

Le syndicat des Artistes Musiciens de la Nouvelle-Aquitaine, seul syndicat représentant les musiciens de l'ONBA, a demandé un rendez-vous à la mairie de Bordeaux il y a trois semaines. "Nous n'avons eu aucune réponse", affirme Tristan Liehr. La mairie de Bordeaux n'a pas donné suite à notre demande d'interview sur le sujet. 

L'Opéra National de Bordeaux est en effet une régie personnalisée à caractère administratif depuis 2002. Mais depuis quelque temps certains élus, dont Pierre Hurmic, plaident pour un transfert de la Ville vers la Métropole, comme cela est déjà le cas dans de nombreuses villes de France. "Cela semble assez indispensable vu la taille de la métropole, juge le musicien. Un tiers du public vient de la métropole. Cela nous permettrait j'espère d'avoir plus de subventions. Mais après, reste à savoir où elles iront et si l'orchestre va en bénéficier".

Cette question de l’entrée au financement de la Métropole, "répond à un débat de nature plus politique sur lequel je n’ai pas vocation à m’exprimer", estime Emmanuel Hondré. "Ceci dit, j’appelle de mes vœux une possible entente sur le sujet, car notre opéra est le seul opéra national qui ne soit actuellement pas soutenu par sa métropole.

Il faut, pour y arriver, probablement s’entendre sur un projet, tout autant que sur un mode de financement ou de gouvernance.

Emmanuel Hondré

Directeur général de l'Opéra National de Bordeaux

Tract et prise de parole ce soir à l'auditorium

"Nous voulons un plan de recrutement pour retrouver l'effectif de 106 musiciens", explique Tristan, le violoniste. "En tant qu'orchestre national, si on ne joue plus de grands répertoires qui va les jouer ? Nous sommes le seul de toute la région. Donc c’est la disparition de tout un patrimoine". 

Pour sensibiliser le public la situation, les musiciens vont distribuer ce 20 juin  des tracts avant la représentation  la 7e symphonie de Mahler à l'Auditorium. Par ailleurs, un texte "signé par l'ensemble des musiciens", sera lu au public sur scène. 

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