Deux jeunes livreurs bordelais engagés contre l'ubérisation ont lancé en février leur société de livraison basée sur un modèle qui se veut plus respectueux de l'humain et de l'environnement.
Ils en ont eu marre "d'être exploités et mal payés" par les grandes plateformes de livraison comme Uber ou Deliveroo, deux livreurs ont imaginé un système de livraison dans le respect des conditions de travail et à des tarifs plus économiques pour les clients.
Non à l'ubérisation
Jérémy Wick, 32 ans, est livreur depuis 4 ans et demi. Nicolas Chollon, 24 ans, est livreur lui aussi. Ils ont tous les deux travaillé comme coursier pour les grandes plateformes de service de livraison de restaurants Uber, Deliveroo et Stuart. Un enfer.
Un livreur en vélo parcourt "une centaine de kilomètre par jours, entre 2500 et 3000 km par mois", stressé par tous les temps et mal payé à l'arrivée.
Chez Deliveroo par exemple, Jérémy Wick explique que "la course était payée 5 euros en 2017, puis elle est passée à 2,60 euros en 2019, c'est presque 50 % de diminution. En moyenne, les grandes plateformes vous payent 3,60 euros la course selon le trajet, c'est trop peu. Et puis, le tarif peut varier d'une heure à l'autre pour un même trajet sans que le livreur sache pourquoi, il n'y a aucune transparence, les conditions de travail ne sont pas respectés par ces grandes sociétés", raconte Jérémy Wick qui est en procès avec son ancien employer Deliveroo "pour demander une requalification de son contrat de travail".
Respecter les livreurs
En février 2022, forts de leur expérience, les deux livreurs ont lancé leur société de livraison à vélo à Bordeaux. "Notre modèle est plus vertueux car d'abord le livreur est mieux payé. Minimum, 4,50 euros la course et une moyenne de 5,50 euros", explique Jérémy Wick. "Et on laisse le choix au livreur de devenir salarié de la société ou de rester indépendant. Personnellement, je milite pour que les livreurs soient salariés, c'est plus protecteur pour eux que de rester auto-entrepreneur, mais c'est à eux de choisir", selon Jérémy Wick qui s'est syndiqué à la CGT pour défendre sa profession.
Notre système de livraison est plus éthique au plan économique et aussi au plan écologique. Les courses se font seulement à vélo. Pas de livraison en scooter ou voiture, c'est mieux pour l'environnement. Et puis on favorise les restaurants locaux. C'est l'assurance d'une meilleure qualité pour nos clients in fine. On ne prend pas de commission aux restaurateurs partenaires. Il y a un montant fixe avec trois tarifs pour trois zones de livraison selon les distances de 0 mètres à 3,5 km. Chez Uber ou Deliveroo, il y a des commissions entre 25 et 35 % de la commande. Nous, c'est zéro commission. Les restaurants font 40 % d'économies avec nous," assure le jeune livreur de Blackbird.
Et pour le client, c'est aussi plus économique car il ne paye que les frais de livraison et il n'y a pas de frais de service supplémentaires à l'arrivée contrairement aux pratiques des grandes plateformes. "C'est 100 % gagnant pour tout le monde !"
"Contrairement aux autres plateformes de livraison qui sont des entreprises de mise en relation et sous-traite aux livreurs, on travaille en direct donc pas de facturation de mise en relation" poursuit Jérémy Wick.
Nous voulons faire notre travail de livreur dans les meilleures conditions possibles.
Jérémy Wick, livreur société BlackbirdFrance 3 Aquitaine
"Notre atout c'est que l'on connaît tous les problèmes de logistiques alors nos livreurs n'ont pas non plus à attendre la commande, le restaurant les prévient quand c'est prêt donc c'est plus rentable pour eux."
Consommer différemment
"On commence tout juste et nous n'avons pas encore beaucoup de commandes alors on cherche à se faire connaître, mais ce qui est encourageant, c'est que nos premiers clients ont commandé au moins 5 fois en un mois via notre application".
La petite société bordelaise appelée Blackbird compte déjà 25 restaurants partenaires. "Nous choisissons exclusivement des restaurants locaux situés dans le centre de Bordeaux, pas d'enseignes type Mac Do ou Burger King. On essaie de proposer du choix au client du burger et de la pizza à la salade. Nous livrons exclusivement à vélo et dans un rayon de 3,5 km dans Bordeaux donc pas de restaurant à Pessac ou Mérignac pour le moment".
Le restaurant Big Fernand de Bordeaux a été l'un des premiers à utiliser le service de Blackbird : "Les deux livreurs à l'initiative du projet sont bordelais et c'est important pour nous de travailler avec des gens du coin, et en plus, leur conception plus humaine de la livraison par vélo est vraiment bien et il faut encourager les gens qui font bouger les lignes", selon Vincent Poncy, directeur du restaurant.
"En plus, le fait qu'ils soient bordelais et sur place, cela facilite les échanges. Depuis le lancement de leur société Jérémy et Nicolas passent tous les jours pour savoir comment ça se passe et c'est très appréciable pour nous restaurateurs. Par ailleurs, leur tarification est moins chère que les grosses plateformes. Après, on utilise aussi Uber et Deliveroo, cela ne changera pas, mais on a envie de soutenir cette initiative locale. Ce sont deux personnes très sérieuses et motivées qui en sont à l'origine".
Vincent Poncy a par ailleurs remarqué que les clients de Blackbird passent "de grosses commandes, environ 35 euros par personne, c'est de gros paniers !"
"Nous avons investi 50 000 euros de fonds propres dans ce projet", précise Jérémy Wick. La cagnotte va nous permettre d'embaucher et de faire bouger le système actuel".