Une consultation citoyenne autour du projet de maison contre les esclavages à Bordeaux démarre ce 28 janvier L'occasion de questionner les Bordelais et Bordelaises sur leurs attentes vis-à-vis d'un tel lieu, qui se veut être un espace de rencontre et d'échange.
Un lieu tourné vers l'avenir, qui ferait toute la lumière sur le passé. Le 28 janvier 2023 marquera le début de la consultation citoyenne autour du projet d'une "maison contre les esclavages" à Bordeaux.
Au delà d'un lieu de commémoration, elle devrait aussi être un espace de rencontre et d'échange. "Et pourquoi pas également un lieu d'aide aux personnes qui ont subi l'esclavage, notamment en Libye", expose William Jean, en mission de service civique au sein de l'association Mémoires et Partages, qui organise la mission de préfiguration du projet.
"On voudrait sortir de la dimension de musée classique. On aimerait faire venir des artistes, avoir un espace de restauration. Ce serait un lieu unique, une première à Bordeaux", détaille l'association fondée par le conseiller régional Karfa Diallo.
"Elle a un lourd passé"
La ville, qui a participé à la traite négrière entre 1672 et 1837, a parfois été accusée de passer sous silence cette partie de son histoire. "Elle a un lourd passé. C'est une des villes qui a le plus contribué à la traite", note William Jean. Pour l'historienne Julie Duprat, la ville apparaît même comme un "terrain idéal".
Bordeaux était le premier port colonial français au XVIIIème siècle. La ville a construit son économie et sa fortune sur l'esclavage, donc c’est d’autant plus important qu'elle s’engage sur la question, et qu’elle investisse l’espace public",
Julie Duprat, historienne, autrice de Bordeaux métisse: esclaves et affranchis de couleur du XVIIIe siècle à l'Empire
"Suivi attentif" de la municipalité
La municipalité s'était jointe le 9 mai 2022 à la mission de préfiguration du projet. Pour autant, à la veille du lancement des premières consultations citoyenne, elle assure "ne pas être partie prenante de cette consultation".
"La ville de Bordeaux soutient la démarche de l’association 'Mémoire et partage', avec un suivi attentif, en attente de la remise du rapport en mai prochain", précise la mairie.
L'objectif de la consultation est d'expliquer ce projet aux Bordelais, mais aussi de les questionner sur leurs attentes. Elle durera jusqu'au 28 avril 2023, et aura lieu au sein de différentes structures de la ville. Le premier rendez-vous est donné ce samedi 28 janvier au musée Mer Marine. Son fondateur, Norbert Fradin, est aussi le vice-président de la mission de préfiguration du projet. Le musée a, dès ses débuts, intégré l'histoire de l'esclavage à sa collection.
Selon William Jean, la population bordelaise est aujourd'hui assez sensible à cette question. "C'est le but de notre association de faire de l'éducation populaire autour de ce sujet. On le voit notamment avec les écoles qui viennent faire des visites, il y a un vrai intérêt."
Travail de pédagogie
A Bordeaux, Mémoires et Partages propose en effet des circuits autour des thématiques de l'esclavage et de la colonisation. De nombreuses traces de ce passé colonial subsistent au cœur des rues bordelaises, dont plusieurs portent les noms d'esclavagistes. A l'instar de la rue Colbert, du nom du ministre sous Louis XIV à l'origine du Code noir, qui définissait les droits des propriétaires sur ses esclaves.
Deux plaques explicatives ont été apposées en mai 2022 sous son nom, afin de rappeler son rôle dans la légalisation de ce qui est considéré depuis 2001 comme un crime contre l'humanité. Ces plaques avaient d'ailleurs été vandalisées quelques jours plus tard.
Eriger un lieu dédié, à la fois commémoratif et culturel, permettrait de ne jamais oublier cet héritage colonial. Si cette maison n'est qu'au stade de projet, l'association imagine déjà un édifice d'envergure. "Nous avons des architectes au sein de la mission de préfiguration, indique William Jean. On aimerait un espace fixe, avec une grande salle et des pièces annexes, des salles de travail, de quoi se restaurer, et peut-être un bar." Pour ce qui est de la localisation exacte à Bordeaux, pour l'heure, rien n'est encore défini.