Quinze heures de travail hebdomadaire au RSA : "de la poudre aux yeux" pour des présidents de département de gauche

L’Assemblée nationale a validé, lors de l'examen du projet de loi "plein-emploi" ce vendredi 29 septembre, un nouveau principe de suspension des droits au RSA en cas de manquement de l’allocataire. Xavier Fortinon et Jean-Luc Gleyze, présidents PS des départements des Landes et de Gironde réagissent.

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La majorité présidentielle a bénéficié du soutien des Républicains (LR)  pour faire voter cet article, considéré comme plus graduel par la majorité, par rapport à la sanction existante, et qualifié de « honte » par la gauche. 

Un des articles qui font particulièrement débat, c'est l'article 2 qui crée une obligation d'activité de 15 heures hebdomadaires, sauf exceptions (parents isolés, personnes handicapées... ) en contrepartie de l'allocation. Ces 15 heures seraient "des activités d’insertion et de formation", précise le gouvernement et non du "travail gratuit". Dans l'hémicycle, les députés de gauche ont fortement réagi, comme le député socialiste des Landes Boris Valaud. Mais pas seulement, les présidents de département de gauche aussi. 

"Stigmatiser" sans accompagner

Le RSA est une allocation solidaire gérée par les départements. C'est pourquoi les présidents de ces conseils se sentent concernés et, à gauche, sont aujourd'hui passablement agacés.

Xavier Fortinon, le président PS du Conseil départemental des Landes dénonce une forme de décalage du gouvernement avec l'action des collectivités locales." On a l'impression que les gens qui siègent et légifèrent sont à côté de la réalité. On confie aux départements une mission et on ne vérifie jamais s'ils l'exercent ou pas. On prend comme postulat que, certainement, ils ne doivent pas l'exercer".

Il le confirme, "les départements ont la responsabilité depuis toujours d'évaluer les engagements des bénéficiaires. Le contrôle existe, il y a des commissions RSA dans tous les départements qui examinent les bénéficiaires qui ne remplissent pas leurs conditions. On examine s'il y a suspension ou maintien du revenu de solidarité active.

"On ne fait que stigmatiser un peu plus", souffle-t-il. "Les députés de la majorité et des LR sont persuadés que les bénéficiaires du RSA essaient de profiter du système."

Je pense qu'ils ne savent pas ce que cela fait de vivre avec 500 euros par mois !

Xavier Fortinon - président PS du conseil départemental des Landes

France 3 Aquitaine, rédaction Web

Il ajoute que c'est la preuve d'une "méconnaissance totale de ces bénéficiaires" qui sont dans la précarité et qui subissent "un certain nombre de freins sociaux, de logement, de santé, de santé mentale bien souvent..."

Mais ce qui manque le plus aujourd'hui, c'est l'accompagnement de ces bénéficiaires pour faciliter le retour à l'emploi.

Xavier Fortinon, président PS du Conseil Départemental des Landes

Rédaction web de France 3 Aquitaine

Il rappelle qu'avant le RSA, il existait le Revenu Minimum d'Insertion qui est devenu, durant le mandat de Nicolas Sarkozy, le Revenu de Solidarité Active et de fait, "il était donné la possibilité aux départements de ne pas mettre en face des mesures d'accompagnement. Et, aujourd'hui, tout le monde le constate".

L'accompagnement, selon lui, doit se faire vers le retour pour l'emploi, mais aussi socialement. "Des fois, ce sont des problématiques de logement, de santé, de mobilité, qui font que des personnes, particulièrement en milieu rural, sont dans l'incapacité d'un retour à l'emploi".

15 heures de travail hebdomadaire

C'est la mesure qui met le feu aux poudres. Demander 15 à 20 heures hebdomadaires de travail en contrepartie du Revenu de Solidarité Active. Pour Xavier Fortinon, cette somme est "un reste à vivre" pas un revenu. De plus, mettre cette mesure en œuvre semble "totalement infaisable". "On part d'un postulat, mais personne n'a réfléchi à comment mettre en œuvre ces 15 heures... Il va falloir embaucher du monde, car tout le monde va être inscrit à Pôle emploi : les bénéficiaires et leur famille !"

Surtout, pour lui, cela fait penser à du travail gratuit : "15 heures d'activité payées à un peu plus de 7 euros de l'heure... Vous trouvez ça admissible d'avoir des travailleurs rémunérés à ce taux-là ?"

Tout ça, c'est de la poudre aux yeux ! Pour faire plaisir à un certain électorat et pour s'allier les forces des Républicains sur le vote France Travail...

Xavier Fortinon, Président PS du Conseil Départemental des Landes

Rédaction web France 3 Aquitaine

"Une recentralisation qui ne dit pas son nom"

Jean-Luc Gleyze, président du Conseil départemental de Gironde fait également partie de ces élus de gauche qui ont également réagi après ce vote. "Considérer le RSA et l’insertion uniquement sous l’angle de la sanction, c’est méconnaître la réalité et la complexité des parcours de vie". On se souvient qu'il était en 2019 un fervent défenseur du "revenu universel".

La proposition de revenu de base, défendue par les départements de gauche en 2019, permettait, a contrario, de prendre en compte la spécificité de chacun et de l’amener à une insertion sociale et professionnelle émancipatrice et épanouissante.

Jean-Luc Gleyze, président du Conseil départemental de la Gironde

Rédaction web France 3 Aquitaine

Au lendemain du vote à l'assemblée, Jean-Luc Gleyze se dit totalement solidaire du communiqué des présidents des départements de gauche qui considère que le projet de loi France Travail est "aux antipodes des valeurs que nous portons. Il est profondément et socialement injuste".

Au-delà des valeurs, le projet de loi permettrait à l'État de reprendre la main sur des missions propres aux départements, en dépouillant  "pour partie, l’autonomie légale des acteurs locaux, départements ou missions locales par exemple, avec une forme de recentralisation qui ne dit pas son nom". Des départements qui, en revanche, devraient assumer "les insertions les plus complexes, sans donner les moyens pour les réussir".

"Inacceptable" également pour ces présidents de départements le fait que ce projet de loi "conditionne le versement du RSA à 15 à 20 heures d’activités". Avant tout, il s'agit d'accompagner avec cette allocation "un parcours de vie". Ces nouvelles conditions renverraient, selon eux, à "renvoyer les allocataires du RSA à une responsabilité individuelle, comme si leur situation n’était que le fruit de leur volonté et non d’un contexte de société libérale qui bouscule les plus fragiles". C'est pourquoi ils condamnent fermement le projet France Travail.

Un vote à l'Assemblée

Lors de l'examen du projet de loi "plein emploi", les députés ont adopté un article instaurant cette "suspension-remobilisation", comme l'appelle le camp présidentiel.

  • Si un allocataire n'élabore pas de "contrat d'engagement réciproque" ou ne respecte pas une partie de ses obligations, le conseil départemental (ou France Travail si le département lui délègue cette compétence) pourra décider de suspendre le versement de son RSA.  
  • Si l'allocataire se conforme à ses obligations, il pourrait toutefois récupérer rétroactivement les sommes perdues. Mais il ne pourrait récupérer qu'au maximum trois mois de versement du RSA, un plafond ajouté contre l'avis du gouvernement lors de l'examen du projet de loi au Sénat, mais qu'il a finalement accepté.


Lors des échanges à l'assemblée, le ministre du Travail Olivier Dussopt a rappelé qu'il existe déjà une sanction aujourd'hui "qui consiste à amputer le RSA d'un foyer". Mais que dans la pratique, "cette partie n'est jamais restituée", a-t-il précisé, défendant le nouveau dispositif comme une sanction plus graduelle que la suspension sans versement rétroactif ou la radiation pure et simple.

Ce 29 septembre, les députés ont également adopté l'article suivant, qui crée un "réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi", avec pour vocation d'améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Il réunira l'État, les collectivités locales, Pôle emploi qui prendra le nom de "France Travail", mais aussi les missions locales, des représentants d'entreprises, de certains établissements d'insertion, etc...
Un comité national, présidé par le ministre, serait chargé de coordonner son action et d'en définir les "orientations stratégiques". Mais la gauche y voit "une mise sous tutelle" de l'État. 
   

(Avec AFP)

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