Après quatre ans d'absence, le salon international du Bourget revient ce lundi 19 juin. Porté par la reprise du trafic aérien, après la pandémie, le secteur aéronautique et de défense français veut recruter à tour de bras. C’est le cas en Gironde dans les grands groupes comme Thalès. Les sous-traitants remontent plus doucement en cadence.
Il y a trois ans, la survenue de la pandémie de Covid-19 avait immobilisé le transport aérien. Du jour au lendemain, le ciel avait été vidé, ou presque, de ses avions et les chaînes de montage forcées de tourner au ralenti. Le trafic a bien repris en 2022, tout comme la construction d'aéronefs et s'accentue cette année.
Avec la préparation des futurs programmes et l'augmentation des budgets de défense dans le monde, les 400 entreprises de la filière, qui emploie plus de 190 000 personnes, prévoient plus de 15 000 embauches en France en 2023, selon le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas).
A Mérignac, près de Bordeaux, Thalès, qui compte 2400 salariés, est, avec Ariane Groupe et Dassault, l'un des plus gros employeurs privés de Gironde. Sur un vaste site construit en 2016, l'entreprise travaille à la fois pour le civil et le militaire, sur des cockpits d'Airbus, des casques de pilotage pour les Rafale, les hélicoptères Guépard et des radars.
Pendant la crise sanitaire, la société n'a pas vraiment ralenti son activité en se concentrant sur les programmes militaires. Ici, une grande majorité des salariés sont ingénieurs, spécialisés dans les nouvelles technologies.
Innovations et intelligence artificielle
À l'entrée d'un "hub innovation", une sorte de cockpit avec deux fauteuils est installée avec plusieurs écrans de navigation face à un très grand écran plat : c'est le projet "FlytX" développé depuis une dizaine d'années et surtout depuis trois ans qui est présenté au salon du Bourget. Il vise à équiper des cockpits d'avions et d'hélicoptères avec des écrans tactiles.
Aujourd'hui, les pilotes sont comme nous. Ils grandissent avec des smartphones et des tablettes. Ils ont besoin d’avoir des interfaces qui sont ceux qu'ils utilisent tous les jours.
Pierre Mariani, responsable innovation FLX ThalèsA France 3 Aquitaine
Une aide pratique avec beaucoup moins de boutons et technologique avec l'intelligence artificielle pour la résolution de pannes ou le calcul des trajets.
"Les assistants ou l'IA aident à suggérer ou pré-traiter un maximum d’informations pour présenter les plus pertinentes au moment où vous en avez besoin" ,ajoute l'ingénieur.
La suite avionique a pour l'instant été sélectionnée pour équiper les hélicoptères militaires Tigre et Guépard, dont les premières livraisons sont prévues en 2027. Elle intéresse également la société Aura Aero de Toulouse qui construit des petits avions électriques et l'entreprise de dirigeables Flying Whales dont le site de production est prévu à Laruscade en Gironde.
Décarbonation
Avec ses écrans, ce "cockpit" sera aussi un peu moins lourd que les actuels. Les équipementiers travaillent sur la réduction de poids des pièces pour diminuer ainsi la consommation globale de carburant, un objectif majeur pour les constructeurs d'ici 2050.
Les enjeux de la décarbonation sont énormes dans le secteur aérien, qui représente 3 à 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. A ce sujet, les ingénieurs de Thales planchent aussi depuis plusieurs années sur le projet "Flights Footprint", une application embarquée qui vise à faire éviter aux aéronefs des zones trop froides dans le ciel ce qui multiplie les trainées blanches de condensation qui sont très polluantes. La compagnie aérienne régionale Amelia teste en ce moment cet outil entre Paris et le centre de la France.
Voir le reportage de France 3 Aquitaine
Difficultés de recrutement
L'année 2023 sera en tout cas une année "record" pour Thalès qui prévoit d'embaucher plus de 12 000 salariés dans le monde, dont 4 000 créations de poste. Près de la moitié des recrutements sont prévus en France dont 300 à Mérignac (avec une centaine de créations de postes).
Mais, dans ce secteur des nouvelles technologies (IA, cybersécurité), la compétition fait rage et les grands groupes avouent connaître des difficultés pour recruter. "Il y a sensiblement plus de postes ouverts que de jeunes diplômés sortant des écoles, c'est un constat que l'on fait partout dans le monde", indiquait en février à l'AFP le directeur des ressources humaines de Thalès, Clément de Villepin.
"C'est un challenge, mais on pense qu’on a les atouts pour réussir, avec la chance d’être dans un contexte de plein emploi qualifié", précise Pierre-Emmanuel Raux, directeur de Thalès Mérignac.
Sous-traitants
Si les grands groupes dégagent une attractivité qui leur a permis jusqu'à présent de remplir leurs objectifs de recrutement, la situation est différente pour leurs sous-traitants dont 65 issus de la Nouvelle-Aquitaine sont présents au salon du Bourget sur un stand collectif de la Région. En 2020, les grands groupes ont réduit leurs effectifs de 2,7 %, quand ceux des entreprises de taille intermédiaire (ETI) diminuaient de 7 % et ceux des PME de 12 %, selon le Gifas.
A Cestas, la société Lutec, du groupe Agiliteam compte 27 salariés. Elle n'a pas licencié pendant la crise sanitaire et aimerait maintenant recruter plusieurs techniciens supplémentaires pour faire face aux commandes, ce qui n'est pas si simple dans ce secteur concurrentiel. La moitié des petites pièces précises produites ici sont destinées à l’aéronautique, notamment pour Thales ou le rafale de Dassault.
Frédéric Bourgon, le directeur général de la holding toulousaine, détenue par une société thaïlandaise, dresse un bilan mitigé à l'heure du Bourget, où il est présent. "L'activité a baissé pendant la crise sanitaire, mais on a eu une bonne remontée de cadence et un carnet de commandes plein pour les trois prochains mois, des commandes sur un an. Le seul souci, c'est le prix de l'énergie en hausse et des matières premières", dit-il.
Parallèlement à la numérisation des machines, déjà entamée, l'objectif du dirigeant est de continuer à se diversifier, notamment dans le secteur du médical et des industries high-tech.
On a un ADN aéronautique et on le renie pas. Mais on regarde d'autres marchés pour rendre la société plus pérenne et un peu plus imperméable aux cycles de l'aéronautique.
Frédéric Bourgon, directeur général Lutec/AgiliteamA France 3 Aquitaine
Les commandes ne sont pas près de s'arrêter pour les sous-traitants. Le transport aérien devrait retrouver cette année son niveau d'activité d'avant la crise du Covid - avec 4,5 milliards de passagers transportés en 2019 - et pourrait le doubler à l'horizon 2050.
Selon Airbus, la flotte mondiale d'avions devrait doubler dans les prochaines années, pour atteindre 46 000 appareils en 2042.