L'Institut Pasteur a alerté, mardi 14 novembre, sur "un rebond sans précédent" de la méningite à méningocoque en France après l'arrêt des mesures sanitaires mises en place lors du Covid-19. Charles Cazanave, infectiologue au CHU de Bordeaux, appelle à la vigilance.
"Avec le relâchement des gestes barrières et la vie sociale qui reprend, la circulation de la maladie qui se transmet par voie respiratoire, et qui touche les jeunes entre 16 et 24 ans reprend, notamment lors des grands échanges", indique Charles Cazanave, infectiologue au CHU de Bordeaux.
En effet, lors de l’épidémie de Covid-19, les gestes barrières, comme le port du masque et la distanciation physique sociale, ont eu des conséquences positives sur les infections respiratoires. La méningite à méningocoques, par exemple, a vu son nombre de contaminations chuter de plus de 75 % en 2020 et 2021, indique l'Institut Pasteur dans un communiqué en date du 14 novembre. Les scientifiques, qui s'appuient sur des résultats publiés dans la revue Journal of Infection and Public Health, pointent une recrudescence des cas depuis l'arrêt de ces mesures sanitaires.
Un important rebond « post-Covid » de la #méningite à méningocoques ↘️ https://t.co/KgPSzYGe8l pic.twitter.com/AVCjr2zjfM
— INSTITUT PASTEUR (@institutpasteur) November 14, 2023
Les ados plus touchés que les plus petits
"La méningite à méningocoques a connu un rebond sans précédent à l’automne 2022, avec aujourd’hui, à l’automne 2023, un nombre de cas supérieur à la période qui a précédé la pandémie de Covid-19", résume Samy Taha, premier auteur de l’étude et chercheur dans l’unité Infections bactériennes invasives à l’Institut Pasteur. Le nombre de cas est ainsi passé de 298 entre janvier et septembre 2019 à 421 cas répertoriés à la même période en 2023. "Soit une augmentation de 36 % des cas, alors même que le pic hivernal n’a pas encore eu lieu", insiste l'Institut Pasteur.
Par ailleurs, les souches bactériennes de méningocoques, aujourd’hui responsables de méningites, ne sont plus les mêmes que celles qui circulaient avant la pandémie et ciblent plus de tranches d’âge différentes. "Les méningocoques des groupes W et Y sont apparus beaucoup plus nombreux que les autres après la pandémie", poursuit Ala-Eddine Deghmane, co-auteur principal de l’étude et responsable adjoint du Centre national de référence des méningocoques à l’Institut Pasteur.
Si toutes les catégories d’âge sont concernées, il s’avère que les plus touchées par cette nouvelle vague de méningites sont les jeunes de 16 à 24 ans.
Ala-Eddine Deghmane, co-auteur principal de l’étudecommuniqué
"L'une des hypothèses est aussi que les ados ont une vie sociale plus importante. Pendant les confinements répétés, ils ont moins été exposés à ces bactéries et ont perdu l'immunité qu'ils peuvent avoir naturellement", explique l'infectiologue Charles Cazanave.
Moins de vaccins pendant le Covid
L'autre explication évoquée par l'Institut Pasteur est la baisse de la vaccination, notamment contre le méningocoque C, qui a chuté de 20% durant le premier confinement. "Ainsi, la population est redevenue naïve face à des bactéries en constante évolution, leur génome étant particulièrement variable", écrit l'Institut Pasteur dans son communiqué.
Aujourd’hui en France, seule la vaccination contre le méningocoque de groupe C est obligatoire, la vaccination contre le méningocoque B étant simplement recommandée chez les nourrissons. Mais il n’existe pas encore de recommandations en population générale contre les groupes Y et W.
La tendance montre qu'on a atteint un niveau supérieur à celui qui était avant la pandémie covid alors que même que les vaccins sont devenus obligatoires en 2018 puis 2022, il faut le prendre en compte.
Charles CazanaveInfectiologue au CHU de Bordeaux
Peu de cas en Nouvelle-Aquitaine
Pour Charles Cazanave, il est primordial de réfléchir à l'avenir à "d'autres stratégies vaccinales". "On voit que les méningocoques de groupe C ont diminué grâce au vaccin, le B va diminuer depuis l'obligation vaccinale instaurée en 2018, développe-t-il. Est-ce qu'il ne faudrait pas faire un vaccin qui couvre Y et W ? Ce vaccin quadrivalent existe, mais il n'est pas encore recommandé en France à la différence de l'Angleterre." L'infectiologue évoque également l'idée de proposer un rappel aux adolescents de 16 ans.
Pour l'heure, cette recrudescence n'est pas observée dans la région. Les pédiatres ont eu des cas très épisodique, à la fin de l'année 2022, début 2023. "Il n'y a pas de vrai foyer épidémique en Nouvelle-Aquitaine", précise Charles Cazanave, tout en insistant sur le fait que la situation est "préoccupante" et appelle à la vigilance.
En 2022, 26 cas ont été comptabilisés en Nouvelle-Aquitaine, 6 à Bordeaux. "Des chiffres supérieurs à ce qu'on peut avoir d'habitude, mais encore loin des foyers que l'on a pu trouver en Auvergne-Rhône-Alpes par exemple", explique le docteur Sylvie Quelet qui travaille à l'ARS.
Rapidement distinguer les symptômes alarmants
Charles Cazanave encourage les parents à prendre en compte rapidement les symptômes évocateurs : maux de têtes brutaux avec forte fièvre et surtout des taches rouges sur le corps, notamment sur les jambes.
"La situation nécessite d'être pro actif mais il faut quand même rappeler les chiffres : on parle de 450 cas à l'échelon de la France, tempère tout de même l'infectiologue. Mais à l'échelle d'une famille, c'est toujours des situations traumatisantes, surtout quand on sait qu'il y a des vaccins très efficaces pour les protéger."
L'ARS invite également les familles à signaler rapidement les cas de méningite pour prendre les mesures relatives aux cas contacts. "On a des mesures de prévention qui sont possibles via des antibiotiques, renseigne le docteur Sylvie Guélet. On a extrêmement peu de cas secondaires, car on intervient très rapidement."
Selon l'Institut Pasteur, cette recrudescence de la méningite pourrait bien s’amplifier dans les mois à venir avec l’épidémie de grippe saisonnière.